Le projet de loi C-86, pour renforcer la protection des consommateurs de produits et services financiers

  • 04 mars 2019
  • Peter A. Aziz and Eli Monas

La Loi no 2 d’exĂ©cution du budget de 2018 (projet de loi C-86), dĂ©posĂ©e Ă  la Chambre des communes le 29 octobre, a reçu la sanction royale le 13 dĂ©cembre. Elle regroupe des dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires visant les consommateurs et renforce les dispositions sur la protection des consommateurs s’appliquant aux banques et aux banques Ă©trangères autorisĂ©es en vertu de la Loi sur les banques.

Le rĂ©gime de protection des consommateurs devrait rĂ©gler de nombreux problèmes soulevĂ©s par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada dans l’Examen des pratiques de vente au dĂ©tail des banques canadiennes et le Rapport sur les pratiques exemplaires en matière de protection des consommateurs de produits et services financiers. La portĂ©e du projet de loi ne se fera vĂ©ritablement jour que lorsque le projet de règlement sera publiĂ©, mais nous pouvons d’ores et dĂ©jĂ  faire Ă©tat des nouveautĂ©s les plus importantes.

ResponsabilitĂ© accrue des conseils d’administration pour la protection des consommateurs

Sous le nouveau rĂ©gime, les banques devront nommer un comitĂ© responsable du respect des dispositions de protection des consommateurs pour en assurer une surveillance accrue. Ce comitĂ© devra :

  • requĂ©rir de la direction qu’elle Ă©tablisse des marches Ă  suivre pour veiller au respect de ces dispositions;
  • vĂ©rifier si ces marches Ă  suivre sont de nature Ă  assurer effectivement le respect de ces dispositions;
  • requĂ©rir de la direction qu’elle lui remette, au moins une fois par annĂ©e, un rapport sur l’application des marches Ă  suivre et sur les autres activitĂ©s de protection de la clientèle de la banque.

Comportement commercial responsable

Le nouveau régime comporte diverses exigences nouvelles visant à encourager un comportement commercial responsable et un traitement équitable des consommateurs.

Un des principaux changements obligera les banques Ă  se doter de politiques et de marches Ă  suivre garantissant que les produits et services qu’elles offrent ou vendent sont adaptĂ©s Ă  la situation personnelle du client, et notamment Ă  ses besoins financiers. Bien que l’obligation se limite Ă  l’adoption de politiques et de marches Ă  suivre, il s’agit d’une exigence considĂ©rable si on la conjugue aux dispositions qui obligent aussi les banques Ă  faire en sorte que :

  1. la rémunération de leurs dirigeants et employés, ainsi que tout paiement ou avantage qui leur est offert, ne portent pas atteinte à leur capacité de se conformer à ces politiques et marches à suivre;
  2. leurs dirigeants et employĂ©s soient formĂ©s relativement aux politiques dont elles se seront dotĂ©es et aux marches Ă  suivre qu’elles auront Ă©tablies afin de se conformer aux dispositions visant les consommateurs.

Plusieurs autres dispositions favorisent un comportement commercial responsable. Ainsi :

  • il sera interdit de communiquer ou de fournir autrement des renseignements faux ou trompeurs aux clients, au public ou au commissaire de l’ACFC;
  • en plus des restrictions concernant les ventes liĂ©es, il sera interdit d’exercer des pressions indues sur une personne pour quelque fin que ce soit ou de profiter d’une personne;
  • les clients commerciaux seront dĂ©sormais eux aussi protĂ©gĂ©s par certaines des dispositions de protection des consommateurs;
  • le client disposera dĂ©sormais d’une pĂ©riode de rĂ©flexion pour annuler sans frais un contrat qu’il a signĂ© concernant certains produits et services;
  • il sera obligatoire d’avertir par voie Ă©lectronique une personne dont le solde du compte de dĂ©pĂ´t ou le crĂ©dit disponible de la marge de crĂ©dit ou du compte de carte de crĂ©dit devient infĂ©rieur Ă  un montant donnĂ©;
  • il sera interdit d’imposer des frais pour des produits ou services optionnels offerts dans le cadre d’une offre de lancement ou d’une offre prĂ©fĂ©rentielle, promotionnelle ou spĂ©ciale le jour oĂą la promotion se termine sans avoir obtenu le consentement exprès de la personne;
  • les banques seront obligĂ©es de crĂ©diter ou de rembourser les frais ou pĂ©nalitĂ©s imposĂ©s Ă  une personne si ceux-ci n’Ă©taient pas prĂ©vus dans un accord, ou l’excĂ©dent si le montant imposĂ© excède celui qui Ă©tait prĂ©vu dans l’accord. Elles auront la mĂŞme obligation si elles fournissent le produit ou le service avant d’avoir obtenu le consentement exprès du client;
  • un rĂ©gime de dĂ©nonciation est instaurĂ© pour les actes rĂ©prĂ©hensibles.

MĂ©canisme de rapports sur les plaintes plus rigoureux

La Loi instaure en outre un mĂ©canisme de rapports sur les plaintes qui accroĂ®t passablement les responsabilitĂ©s des banques. Voici trois de ses aspects les plus importants :

  • Une nouvelle disposition attribue au mot « plainte » une large dĂ©finition, soit toute insatisfaction, qu’elle soit fondĂ©e ou non, relativement Ă  un produit ou Ă  un service ou Ă  la façon dont le produit ou le service a Ă©tĂ© offert, vendu ou fourni;
  • Les banques devront dĂ©sormais tenir pour chaque plainte un dossier complet oĂą elles consigneront les mesures prises pour tenter de rĂ©gler la plainte ainsi que les compensations donnĂ©es;
  • Les banques seront tenues de remettre trimestriellement au commissaire de l’ACFC un rapport sur chaque plainte reçue.

ACFC : augmentation des pĂ©nalitĂ©s

La Loi comporte aussi plusieurs modifications Ă  la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, notamment celles-ci :

  • La pĂ©nalitĂ© maximale pour une violation de la Loi sur les banques est portĂ©e Ă  1 000 000 $ pour les personnes physiques et Ă  10 000 000 $ pour les institutions financières et les exploitants de rĂ©seau de cartes de paiement (ces pĂ©nalitĂ©s sont actuellement de 50 000 $ et 500 000 $ respectivement);
  • Le commissaire est tenu de publier la nature de la violation, le nom de son auteur et le montant de la pĂ©nalitĂ© imposĂ©e.

Le rĂ©gime renforcĂ© de protection des consommateurs du projet de loi et le cadre modernisĂ© de supervision de l’ACFC en place depuis octobre changeront la façon dont les banques protĂ©geront les consommateurs.

Peter A. Aziz est avocat-conseil principal et Eli Monas est avocat principal au cabinet Torys LLP