L’échange de droits de navigation aérienne : un système extrêmement vicié mais qui semble indestructible

  • 26 janvier 2018
  • Ashley Taborda

Le prĂ©sent article est le rĂ©sumĂ© d’un article paru dans la revue Annals of Air and Space Law, Vol. 41 (2016) publiĂ©e uniquement en anglais par l’Institute of Air and Space Law de l’UniversitĂ© McGill. L’article intĂ©gral est Ă  la disposition des abonnĂ©s de la revue ou peut ĂŞtre achetĂ©.

Souhaitant comprendre si le changement est faisable, l’auteur de cet article examine le système bilatĂ©ral moins que parfait actuellement en place pour l’Ă©change de droits de navigation aĂ©rienne. Pour ce faire, on y interroge l’histoire, on y effectue une analyse critique des forces et des faiblesses du bilatĂ©ralisme et on y envisage les autres options possibles.

Concluant que la faiblesse la plus essentielle du bilatĂ©ralisme rĂ©side dans la participation de l’État, cet article affirme en fin de compte que la survenance de changements importants est très improbable. Dans la Convention de ChicagoNote de bas de page1, les États se sont assurĂ© une prĂ©sence lors des nĂ©gociations des droits de navigation aĂ©rienne en interdisant le survol de leur territoire par des vols rĂ©guliers sans autorisation prĂ©alable. En raison de cette prĂ©sence garantie, les États sont habituĂ©s Ă  un concept de souverainetĂ© aĂ©rienne relativement absolue; concept auquel il est très peu probable qu’ils renonceront volontairement. Malheureusement pour les compagnies aĂ©riennes commerciales du monde entier, une Ă©volution significative du bilatĂ©ralisme semble impossible sans cette renonciation volontaire.

Souveraineté aérienne et bilatéralisme

La souverainetĂ© aĂ©rienne a Ă©tĂ© et demeure une doctrine essentielle de l’Ă©volution du droit aĂ©rien international. C’est après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle les États ont reconnu l’importance du maintien de la souverainetĂ© entière et exclusive sur l’espace aĂ©rien au-dessus de leur territoire, que la Convention de Chicago a vu le jour. Elle crĂ©e ce qui a Ă©tĂ© dĂ©crit comme une forme de propriĂ©tĂ© Ă©tatique sur l’espace aĂ©rien. Bien que les parties originales Ă  la Convention aient rĂ©ussi Ă  convenir que les appareils ne pouvaient survoler le territoire d’autres États sans leur autorisation prĂ©alableNote de bas de page2, elles n’ont pas rĂ©ussi Ă  se mettre d’accord sur une structure universelle pour la rĂ©partition des droits de navigation aĂ©rienne.

Cette incapacitĂ©, motivĂ©e par la considĂ©rable importance nationale attribuĂ©e par les États au secteur de l’aviation et par un dĂ©sĂ©quilibre entre les divers États quant Ă  sa puissance, a suscitĂ© le besoin d’imposer des restrictions aux compagnies aĂ©riennes des États les plus puissants. En l’absence d’une entitĂ© internationale reconnue par tous pour choisir, imposer et veiller Ă  l’application de ces restrictions, on s’en est remis Ă  des accords bilatĂ©raux pour ce faire. De nos jours, les 192 États parties Ă  la ConventionNote de bas de page3 et un labyrinthe de 4 000 accords sur les services aĂ©riens remplissent cette fonction.

BilatĂ©ralisme : une vue d’ensemble essentielle

Outre le fait que le système bilatĂ©ral est bien implantĂ© et a servi de mĂ©thode souple pour rapprocher les intĂ©rĂŞts des États opposĂ©s, et outre les Ă©lĂ©ments positifs prĂ©sents malgrĂ© tout au sein des limitations du système, le bilatĂ©ralisme s’oppose manifestement au concept de mondialisation. D’ailleurs, le secteur des transports aĂ©riens est « limitĂ© par les frontières » en ce que les compagnies aĂ©riennes pĂ©nètrent sur les marchĂ©s Ă©trangers mais demeurent fermement ancrĂ©es dans leur territoire d’attache, alors que d’autres secteurs fonctionnent dans un monde oĂą le nationalisme Ă©conomique est en voie de disparition. De fait, les compagnies aĂ©riennes qui souhaitent desservir des itinĂ©raires internationaux se trouvent Ă  la merci de leur État d’attache, qui doit non seulement avoir la volontĂ© mais aussi la capacitĂ© de nĂ©gocier une concession. Qui plus est, renforcĂ© par le silence de la Convention de Chicago quant aux modalitĂ©s de ces nĂ©gociations, le bilatĂ©ralisme souffre cruellement des politiques de pression entre États et favorise le protectionnisme. La participation des États au bilatĂ©ralisme est clairement inquiĂ©tante.

Autres options improbables

Il existe des options, bien qu’une dĂ©rĂ©glementation totale soit peu probable en raison des liens entre les transports aĂ©riens internationaux d’une part et la sĂ©curitĂ© nationale, la diplomatie, le commerce international, les communications et l’essor Ă©conomique national d’autre part. Ainsi, il y a eu une occasion, qui existe probablement encore, d’Ă©tendre aux transports aĂ©riens la portĂ©e de l'Accord gĂ©nĂ©ral sur le commerce des services de l’Organisation mondiale du commerce. Malheureusement, bien que l’OMC ait beaucoup Ă  offrir Ă  ce secteur, les principes sur lesquels elle est fondĂ©e diffèrent fondamentalement de ceux qui sous-tendent les transports aĂ©riens, et très limitĂ©s ont Ă©tĂ© les changements qui sont survenus depuis le rejet par les États, en 1995, de l’inclusion du secteur des transports aĂ©riens. La possibilitĂ© d’un accord multilatĂ©ral Ă  grande Ă©chelle pour remplacer le bilatĂ©ralisme a, elle aussi, des chances quasi inexistantes de prĂ©valoir dans le contexte mondial actuel.

La Convention de Chicago, qui reconnaĂ®t expressĂ©ment la souverainetĂ© aĂ©rienne et exige l’autorisation Ă©tatique pour la pĂ©nĂ©tration dans l’espace aĂ©rien, a permis Ă  toutes fins utiles aux États de se dĂ©lĂ©guer Ă  eux-mĂŞmes les pouvoirs connexes aux droits de navigation aĂ©rienne. Par consĂ©quent, le droit international a permis aux États de s’assurer une participation aux nĂ©gociations. Pour les États, une renonciation Ă  cette prĂ©rogative reviendrait Ă  [TRADUCTION] « s’Ă©loigner de l’esprit de clocher que reprĂ©sente la souverainetĂ© Ă©tatique absolueNote de bas de page4 »; renonciation qui serait peu probablement volontaire. D’aucuns ont affirmĂ©Note de bas de page5 qu’il faudrait d’abord atteindre une nouvelle Ă©tape de l’Ă©volution de l’humanitĂ© avant que les États puissent accepter cette solution. Malheureusement, il semble que nous n’en soyons pas encore tout Ă  fait lĂ .

Ashley Taborda, diplĂ´mĂ©e du programme de juris doctor et de maĂ®trise en administration des affaires de l’UniversitĂ© Western en 2017, est actuellement stagiaire dans le cabinet Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l Ă  Toronto. Avant ses Ă©tudes en droit, elle a travaillĂ© pendant sept ans pour Emirates Airlines Ă  DubaĂŻ, Émirats arabes unis.