Quelles sont les nouveautés du droit du lobbying?

  • 25 avril 2019
  • Bruce Bergen

Cette annĂ©e marque le 30e anniversaire de la première loi canadienne sur le lobbying. En 1989, le Parlement a promulguĂ© la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, qui est entrĂ©e en vigueur le 30 septembre 1989. Cette loi est dĂ©sormais connue sous l’appellation Loi sur le lobbying.

Depuis cette Ă©poque, le droit du lobbying au Canada a beaucoup Ă©voluĂ©, chacune des provinces ayant promulguĂ© une loi en la matière. La dernière Ă  l’avoir fait est l’ĂŽle du Prince-Édouard, dont la Lobbyists Registration Act est entrĂ©e en vigueur le 1er avril 2019. Certaines municipalitĂ©s sont assujetties Ă  la lĂ©gislation provinciale sur le lobbying, alors que d’autres ont pris des arrĂŞtĂ©s municipaux Ă©tablissant leur propre registre du lobbying.

Éléments de base

Les bases de la lĂ©gislation sur le lobbying sont similaires dans toutes les rĂ©gions. Les lobbyistes sont tenus d’inscrire leurs activitĂ©s de lobbying, qu’elles soient effectuĂ©es au nom de clients (lobbyistes-conseil) ou en tant qu’employĂ©s de sociĂ©tĂ©s ou d’organisations (lobbyistes salariĂ©s). Le lobbying est la communication, contre rĂ©munĂ©ration, avec des titulaires de charges publiques au sujet de questions dĂ©finies dans la lĂ©gislation. La durĂ©e et la quantitĂ© des activitĂ©s de lobbying qui dĂ©clenchent l’obligation d’inscription sont dĂ©finies dans la lĂ©gislation. L’inscription est effectuĂ©e en ligne et le public peut consulter le registre. Toutefois, les rĂ©gimes de lobbying en vigueur au Canada diffèrent quant aux titulaires de charges publiques visĂ©s par la lĂ©gislation, aux seuils pour l’inscription et au genre de communications qui doivent ĂŞtre inscrites. Les juristes qui font du lobbying ou ont des clients qui le font, particulièrement dans plus d’un ressort, devraient connaĂ®tre ces diffĂ©rences.

Nouveaux ressorts

Comme il a Ă©tĂ© soulignĂ©, l’ĂŽle-du-Prince-Édouard a promulguĂ© une loi qui, pour la première fois, fournira des renseignements concernant les communications des lobbyistes avec les membres de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative, leur personnel, les employĂ©s du gouvernement provincial et les personnes nommĂ©es pour exercer des fonctions provinciales.

En novembre 2018, la Loi sur l’inscription des lobbyistes proposĂ©e par le gouvernement territorial du Yukon a Ă©tĂ© promulguĂ©e par l’AssemblĂ©e lĂ©gislative et a reçu la sanction royale. Lorsque la lĂ©gislation entrera en vigueur, le Yukon deviendra le premier territoire canadien Ă  Ă©tablir un registre des lobbyistes.

Évolutions récentes

Le registre fĂ©dĂ©ral des lobbyistes fĂŞte ses 30 ans. La lĂ©gislation fĂ©dĂ©rale a Ă©tĂ© modifiĂ©e pour la dernière fois en 2008 lorsque le nom de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes est devenu la Loi sur le lobbying. Ă€ ce moment-lĂ , le nouveau poste de commissaire au lobbying, qui rend compte directement au Parlement, a remplacĂ© l’ancien directeur des lobbyistes. La Loi sur le lobbying a en outre accordĂ© au commissaire un mandat lui permettant d’Ă©laborer des programmes pĂ©dagogiques pour les lobbyistes, leurs clients et les titulaires de charges publiques. En 2018, le commissaire a signĂ© un Protocole d’entente avec le commissaire fĂ©dĂ©ral aux conflits d'intĂ©rĂŞts et Ă  l'Ă©thique pour Ă©tablir un cadre de coopĂ©ration sur l’Ă©ducation et la sensibilisation des titulaires de charges publiques et des lobbyistes.

La Loi sur le lobbying doit ĂŞtre rĂ©examinĂ©e par un comitĂ© parlementaire tous les cinq ans. Le dernier examen a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en 2013 et n’a gĂ©nĂ©rĂ© aucune modification.

En Colombie-Britannique, la loi intitulĂ©e Lobbyists Registration Act a posĂ© comme exigence le seuil de 100 heures pour l’inscription des activitĂ©s de lobbying salariĂ©. En juin 2018, le registraire des lobbyistes (Registrar of Lobbyists) de cette province a publiĂ© un document d’orientation (Guidance Document) demandant aux sociĂ©tĂ©s et organisations qui font du lobbying en Colombie-Britannique de tenir compte des activitĂ©s prĂ©paratoires directement liĂ©es au lobbying, et sans lesquelles il ne peut avoir lieu, et de les inclure dans le calcul interne visant Ă  savoir si le seuil des 100 heures requis pour l’inscription des activitĂ©s de lobbying Ă©tait atteint. L’inclusion d’un plus grand nombre d’activitĂ©s dans les 100 heures pourrait se traduire par un assujettissement d’un plus grand nombre de sociĂ©tĂ©s et organisations Ă  l’obligation d’inscription.

La Colombie-Britannique a en outre dĂ©posĂ© le projet de loi 54, Lobbyists Registration Amendment Act, 2018, qui assurera une plus grande transparence du contrĂ´le, de l’orientation et du financement du lobbying; prĂ©voira le dĂ©pĂ´t de nouveaux rapports mensuels sur l’identitĂ© des personnes visĂ©es par le lobbying et exigera des lobbyistes qu’ils dĂ©clarent les cadeaux et les contributions politiques. Ces changements pourraient ĂŞtre mis en Ĺ“uvre une fois que le registre des lobbyistes aura Ă©tĂ© mis Ă  jour au regard des modifications apportĂ©es Ă  la lĂ©gislation.

En Alberta, les modifications apportĂ©es Ă  la Lobbyists Act, sont entrĂ©es en vigueur en juin 2018. Parmi elles, notons de nouvelles interdictions de dons de cadeaux et d’acceptation d’honoraires conditionnels par les lobbyistes. Elles rĂ©duisent en outre le seuil applicable aux lobbyistes salariĂ©s, le faisant passer de 100 heures Ă  50 heures par an, y compris le temps consacrĂ© Ă  la prĂ©paration. Les exigences de signalement du financement gouvernemental applicables aux lobbyistes ont Ă©tĂ© Ă©largies et la dĂ©finition du lobbying a Ă©tĂ© modifiĂ©e pour clarifier le fait que le lobbying indirect est une forme de lobbying visĂ©e par la lĂ©gislation.

Au QuĂ©bec, le projet de loi 6 a Ă©tĂ© dĂ©posĂ© devant l’AssemblĂ©e nationale en fĂ©vrier 2019. Il vise Ă  apporter deux modifications demandĂ©es de longue date par le Commissaire au lobbyisme. Le projet de loi 6 transfĂ©rera au commissaire au lobbyisme la responsabilitĂ© du registre des lobbyistes actuellement assumĂ©e par l’Officier de la publicitĂ© des droits personnels et rĂ©els mobiliers du QuĂ©bec au sein du ministère de la Justice. En outre, la durĂ©e de la prescription pour entamer des poursuites en vertu de la Loi sur la transparence et l’Ă©thique en matière de lobbyisme passera d’un an Ă  partir de la date d’une infraction Ă  trois ans après que l’on puisse prendre connaissance d’une infraction ou Ă  un maximum de sept ans Ă  partir de la date Ă  laquelle une infraction est commise. Ces modifications concrĂ©tiseront l’une des recommandations de la Commission Charbonneau du QuĂ©bec.

La lĂ©gislation sur le lobbying n’est pas limitĂ©e aux paliers fĂ©dĂ©ral et provincial. Ă€ Terre-Neuve-et-Labrador, la ville de St. John’s est assujettie au droit provincial. Au QuĂ©bec, les municipalitĂ©s sont Ă©galement assujetties au droit provincial.

Les municipalitĂ©s elles aussi rĂ©glementent les activitĂ©s de lobbying. En Ontario, les modifications apportĂ©es Ă  la Loi sur la citĂ© de Toronto et Ă  la Loi sur les municipalitĂ©s en 2006 leur ont accordĂ© les pouvoirs nĂ©cessaires pour Ă©tablir des registres de lobbyistes. Cela s’est traduit par un accroissement du nombre des municipalitĂ©s qui possèdent dĂ©sormais un tel registre. Toronto, Ottawa, Hamilton et Vaughan ont dĂ©jĂ  chacune Ă©tabli leur propre registre tandis que d’autres municipalitĂ©s envisagent de le faire.

Ă€ Winnipeg, en l’absence d’un pouvoir d’origine lĂ©gislative pour Ă©tablir un registre de lobbyistes, la municipalitĂ© a crĂ©Ă© un registre volontaire.

Conclusion

Le droit du lobbying au Canada est en pleine Ă©volution. Assurez-vous d’en demeurer bien au courant si vous avez des clients qui pratiquent ces activitĂ©s ou si vous avez Ă©tĂ© engagĂ© par un client pour notamment, exercer certaines de ces activitĂ©s en son nom.

Bruce Bergen est avocat principal, Commissariat au lobbying