Droit inhérent à la vie, survie et développement de l’enfant

 Le terme « dĂ©veloppement » Ă  l’article 6 doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© :

[…] au sens le plus large et en tant que concept global, embrassant le dĂ©veloppement physique, mental, spirituel, moral, psychologique et social. Les mesures d’application devraient viser Ă  assurer le dĂ©veloppement optimal de tous les enfants.

 

Observation gĂ©nĂ©rale no 5 (2003)
Mesures d’application gĂ©nĂ©rales de la Convention relative aux droits de l’enfant

La Convention relative aux droits de l’enfant (« la Convention ») reflète un nouveau paradigme du dĂ©veloppement de l’enfant, selon lequel l’enfant est un acteur social central en droit, dans les politiques et dans la pratique, et il contribue Ă  façonner son propre dĂ©veloppementNote de bas de page 1 Cette approche est axĂ©e sur les points de vue, les expĂ©riences vĂ©cues, les droits et la participation de l’enfant. Elle met en question la façon traditionnelle et restrictive dont la thĂ©orie du dĂ©veloppement de l’enfant prĂ©sente des suppositions universellement admises sur les enfants comme Ă©tant des « faits », thĂ©orie qui conçoit les enfants comme Ă©tant des personnes incompĂ©tentes en Ă©volution vers l’âge adulte, et qui a souvent pour rĂ©sultat de subordonner le droit de l’enfant de participer Ă  une sĂ©rie de droits axĂ©s sur la protection et sur la fourniture des soins d’entretien. Le modèle traditionnel de conception de l’enfant fournit une norme de comparaison sur laquelle le système judiciaire en est couramment venu Ă  se fonder pour Ă©valuer la compĂ©tence, au dĂ©triment du droit de participation de l’enfant.

La conception du dĂ©veloppement de l’enfant repose traditionnellement sur des thĂ©ories psychologiques basĂ©es sur les travaux de Jean Piaget, selon lesquelles un enfant franchit des Ă©tapes liĂ©es Ă  l’âge vers le stade adulte dans le mĂŞme ordre, et gĂ©nĂ©ralement au mĂŞme âge, que les autres enfants. Si un enfant ne se trouve pas au stade correct de dĂ©veloppement associĂ© Ă  son âge et s’Ă©carte d’une « courbe normale » correspondant Ă  cette perception universelle de l’enfance, il est considĂ©rĂ© comme ayant besoin d’une intervention professionnelle. Cette approche peut conduire Ă  des conclusions concernant les enfants en gĂ©nĂ©ral, mais non Ă  des conclusions sur un enfant en particulier dans le cadre concret de la pratique.

La notion de l’enfant en tant que participant potentiellement actif au sein d’un rĂ©seau relationnel comme celui de la famille, de l’Ă©cole, de la collectivitĂ© ou de la sociĂ©tĂ©, se trouve au cĹ“ur de la Convention. La reconnaissance d’une approche holistique vis-Ă -vis de l’enfant permet Ă  celui-ci de contribuer de façon significative Ă  l’Ă©laboration de politiques et pratiques efficaces dans le cadre du système de justice.

Il n’est pas suffisant de se concentrer uniquement sur les aspects biologiques ou cognitifs du dĂ©veloppement qui sont propres Ă  un enfant; on doit plutĂ´t mettre l’accent sur sa facultĂ© d’agir et sa compĂ©tence, ce qui a les incidences suivantes :

  • la prioritĂ© est accordĂ©e Ă  la capacitĂ© de l’enfant en tant que participant;
  • les mesures prises pour donner effet aux droits de protection et d’entretien sont basĂ©es sur le point de vue de l’enfant et sont plus pertinentes;
  • les possibilitĂ©s d’interagir avec l’enfant se trouvent accrues.

Le thème principal de l’article 6 de la Convention peut ĂŞtre illustrĂ© comme Ă©tant un triangle inversĂ© dans lequel la protection et l’entretien, occupant la position prĂ©dominante, cèdent le pas Ă  la participation.

Protection, Entretien et Participation pyramids

Vue d’ensemble des diffĂ©rences entre l’approche traditionnelle du dĂ©veloppement et l’approche du « nouveau » paradigme

Thèmes principaux d’une approche du dĂ©veloppement  Thèmes principaux d’une approche du « nouveau » paradigme Implications
Universalisme DiversitĂ© L’expĂ©rience de l’enfance que vit l’enfant est reconnue dans un contexte culturel.
L’enfant conçu comme « Ă©tant en train de devenir » un adulte  L’enfant conçu comme « faisant actuellement partie intĂ©grante » du monde  Les droits de l’enfant deviennent une caractĂ©ristique de son prĂ©sent et non de son avenir (place dans la sociĂ©tĂ©). 
Franchissement de stades conduisant en fin de compte Ă  une compĂ©tence d’adulte  L’enfant conçu comme un producteur de sens compĂ©tent  La façon de comprendre les enfants n’est pas basĂ©e sur des suppositions d’adulte, mais sur une interaction avec l’enfant Ă  titre individuel.
L’enfant vu comme dĂ©pendant des adultes pour la rĂ©ponse Ă  ses besoins (protection et entretien)  L’enfant vu comme acteur participant Ă  part entière  Les enfants sont considĂ©rĂ©s comme contribuant d’une manière valide au façonnement du monde social dont ils font partie. 

Pour plus de renseignements, consulter : Revue canadienne des droits des enfants

Droit international

Sources d’interprĂ©tation

Jurisprudence

Droit canadien

Autres affaires et dispositions législatives pertinentes

ConsidĂ©rations spĂ©ciales 

La conception holistique du dĂ©veloppement de l’enfant est Ă©troitement liĂ©e Ă  la participation de celui-ci, laquelle doit ĂŞtre significative :

  • Une approche holistique du dĂ©veloppement fait la synthèse entre le dĂ©veloppementalisme et l’approche centrĂ©e sur l’enfant en mettant l’accent sur la facultĂ© d’agir et la compĂ©tence de l’enfant. Dans la pratique, cela signifie :
    • prioriser la capacitĂ© de l’enfant en tant que participant, de manière Ă  favoriser son engagement Ă  l’Ă©gard de ses droits et, de façon plus gĂ©nĂ©rale, de la loi;
    • un mode d’action plus opportun en matière de protection et d’entretien, basĂ© sur les points de vue exprimĂ©s par l’enfant;
    • des occasions accrues d’interagir avec l’enfant, pourvu que certains thèmes soient reconnus;
    • engager un dialogue avec l’enfant sur les questions qui le concernent au sens de l’article 12 de la Convention : l’apport de l’enfant est essentiel;
    • avoir conscience de la façon profondĂ©ment ancrĂ©e dont le dĂ©veloppementalisme dĂ©finit depuis si longtemps la conception de l’enfant au sein du système de justice, notamment pour ce qui est de la capacitĂ© de l’enfant Ă  raisonner.
  • Pour que la participation de l’enfant soit significative, il faut des objectifs clairs tels que la consultation, l’information et la contribution Ă  la prise des dĂ©cisions, de mĂŞme que des pratiques permettant d’Ă©viter les pièges liĂ©s Ă  la rĂ©partition des pouvoirs ainsi qu’aux mauvaises communications et malentendus possibles concernant les obligations, les droits et les attentes au sein du processus.
  • La participation de l’enfant est un champ d’activitĂ© nouveau et il faut prendre en considĂ©ration non seulement les normes et directives gĂ©nĂ©rales, mais aussi les facteurs propres au contexte dans chaque cas.
  • Afin de crĂ©er un climat propice Ă  la participation, une première Ă©tape consiste Ă  tenter d’Ă©tablir un environnement tenant compte des interprĂ©tations diffĂ©rentes de la participation qu’ont les diverses parties prenantes. Les enfants en particulier, Ă  cause de leur situation structurelle de subordonnĂ©s, sont susceptibles d’avoir des conceptions diffĂ©rentes de la responsabilitĂ©, des droits, des attentes, des relations, de la confiance et des conduites abusives (entre autres) de celles des professionnels adultes (qui peuvent aussi avoir eux-mĂŞmes des interprĂ©tations divergentes en ce qui concerne des notions clĂ©s).

Pratiques essentielles

  • Principe Ă©thique : Les enfants sont des partenaires – rĂ©flĂ©chissez aux suppositions que vous faites au sujet des enfants et aux effets de ces suppositions sur le statut des enfants au sein du système de justice.
  • IntĂ©gration Ă  l’espace collectif : Priorisez la participation plutĂ´t que la protection et l’entretien; recherchez les espaces potentiels de participation de l’enfant au sein du système de justice.
  • RĂ´le directeur : Dans quelle mesure pouvez-vous apprendre de l’enfant, et vice versa? Il s’agit d’acquĂ©rir des connaissances, de les gĂ©rer et de crĂ©er des moyens durables de relier ces connaissances Ă  la pratique.
  • Langage : Établissez un langage commun concernant les pratiques juridiques que les enfants aussi bien que les adultes pourront utiliser pour dialoguer dans l’ensemble du système de justice.
  • Action : Agissez de manière Ă  favoriser des occasions concrètes permettant Ă  tous les participants (tant les adultes que l’enfant) d’ĂŞtre des partenaires dans un projet commun de justice. Engagez-vous dans une interaction significative avec l’enfant en adoptant une perspective holistique.

Voir Frankel et Fowler, 2013.

Ressources