Après la pandémie : La téléjustice

Host : Yves Faguy

Guest 1 : Pascale Pageau (fondatrice de Delegatus)

Guest 2 : Alexandre DĂ©sy (co-fondateur de OnRègle)

Faguy : Vous Ă©coutez un programme du magazine ABC National. Bonjour, Yves Faguy ici, rĂ©dacteur en chef du magazine ABC National. Bienvenue Ă  la sĂ©rie Après la pandĂ©mie : entretiens sur l’avenir de la justice, produite avec le soutien d’Avenir en droit de l’ABC. Les restrictions liĂ©es Ă  la COVID-19 ont poussĂ© le système judiciaire Ă  se moderniser. Du moins, on peut dire que les Ă©vènements des dernières semaines ont montrĂ© que le changement dans le secteur juridique est possible.

Effectivement, la pandĂ©mie a suscitĂ© un regain d’intĂ©rĂŞt pour des pratiques plus modernes dans le secteur juridique. On parle notamment, de structures de travail plus agiles et flexibles, mais aussi de l’emploi de la technologie dans la prestation des services. Et on parle aussi d’un virage vers des plateformes alternatives qui peuvent aider les gens Ă  rĂ©soudre leurs diffĂ©rends, de plus en plus en le voit en ligne. La question est de savoir si le monde juridique sera rĂ©ellement en mesure de se rĂ©inventer.

Fort heureusement nous avons deux invitĂ©s avec nous qui ont vĂ©cu et revĂ©cu la rĂ©invention. Notre première invitĂ©e est la prĂ©sidente fondatrice de Delegatus collectif d’avocats, elle est avocate Ă©mĂ©rite et elle pratique en litige civile et commercial depuis 20 ans. Elle est souvent reconnue parmi les femmes leader en affaire au QuĂ©bec et au Canada et elle est la prĂ©sidente de la division ABC QuĂ©bec elle est Pascal Pageau. Bienvenue Ă  ABC National. 

Pascale : Merci.

Faguy : Quoi dire de notre second invitĂ©, un avocat qui a beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă  l’avenir de la profession juridique et d’ailleurs qui a publiĂ© de nombreux rapports lĂ -dessus pour le Barreau du QuĂ©bec. Il est Ă©galement le cofondateur de Onrègle.com, une entreprise qui propose de rĂ©gler les litiges en ligne grâce Ă  la technologie, mais avec l’intervention de juristes qui peuvent soutenir le processus. C'est Alexandre DĂ©sy, bienvenue au programme Alexandre.

Alexandre : Bonjour, merci de m’avoir.

Faguy : Donc, on parle beaucoup depuis le dĂ©but du confinement d’un système judiciaire dĂ©jĂ  mal en point et qui a eu du mal Ă  s’adapter aux nouvelles circonstances, mais on parle aussi d’une prise de conscience dans le monde du droit et d’une nĂ©cessitĂ© d'accĂ©lĂ©rer sa modernisation : faire une meilleure utilisation de la technologie, remettre en question certaines pratiques dont on devrait peut-ĂŞtre considĂ©rer, je sais pas, des vestiges d’une autre Ă©poque et qui n’ont plus beaucoup d’utilitĂ©.

Alors j’aimerais commencer par vous demander, peut-ĂŞtre Pascale tu peux commencer, est-ce la pandĂ©mie va rĂ©ellement ĂŞtre catalyseur de changements selon toi?

Pascale : J’en suis persuadĂ©e, la pandĂ©mie apporte une… premièrement on a pu le voir, le constater juste avec le système judiciaire. Le fait d’avoir eu cet arrĂŞt-lĂ  du fonctionnement du système de justice, on a eu une volontĂ© des diffĂ©rents juges, de la magistrature, des prĂ©posĂ©s Ă  travailler très rapidement ensemble, Ă  trouver des solutions pour comment qu’on peut survivre et comment on peut passer Ă  travers cette pandĂ©mie. Ça l’a amenĂ© Ă  faire des changements Ă  une vitesse grand V avec l’utilisation de la technologie et de se poser de questions : mais, est-ce qu'on peut avec des outils qui sont actuellement sur le marchĂ© amĂ©liorer nos façons de faire. Alors le système de justice le fait et je sens ce changement-lĂ  d’habitude qui se fait aussi dans les cabinets d’avocats.

Prenons l’exemple, dans le fond y a deux pans majeurs Ă  regarder comme cabinet d’avocat. Premièrement, les opĂ©rations, comment on va adapter nos opĂ©rations? Avant la pandĂ©mie le tĂ©lĂ©travail Ă©tait quelque chose qui n’Ă©tait pas nĂ©cessairement vĂ©cu, c'Ă©tait quelque chose d’exceptionnel, c'Ă©tait quelque chose que personne ne pouvait penser Ă  avoir, notamment, les avocats en tĂ©lĂ©travail, les adjointes en tĂ©lĂ©travail. Alors c'Ă©tait quelque chose qui Ă©tait une exception. La pandĂ©mie a permis de dĂ©montrer que c'Ă©tait un système qui Ă©tait possible, alors qu’on pouvait ĂŞtre efficace, productif en tĂ©lĂ©travail. Ça va avoir apportĂ©, selon moi, la dĂ©monstration que c'Ă©tait possible de travailler autrement, de pratiquer autrement.

Faguy : Mais vous, vous avez eu une expĂ©rience avec le tĂ©lĂ©travail, parce que justement… ben explique-nous un petit peu la formule Delegatus, et dites-moi si vous sentiez que vous Ă©tiez plus prĂŞte Ă  affronter la pandĂ©mie que d’autres cabinets?

Pascale : Le modèle Delegatus existe depuis 2005, effectivement, nous le tĂ©lĂ©travail n’a pas Ă©tĂ© quelque chose qui a nĂ©cessitĂ© une adaptation parce que c'Ă©tait quelque chose qui Ă©tait vĂ©cu par l’ensemble du collectif des avocats. Alors y a une trentaine d’avocats, 10 employĂ©s, sur les 40 personnes 70 personnes faisaient du tĂ©lĂ©travail Ă  temps plein. Alors Ă©videmment au bureau, y a des bureaux soit en aire ouverte ou en bureau fermĂ© pour venir y travailler, mais le tĂ©lĂ©travail faisait partie de nos mĹ“urs de nos coutumes, de notre ADN depuis le jour 1. Alors le prĂ©sentiel n’a jamais fait partie de notre culture de travail. Le modèle Delegatus permettait le regroupement d’Ă  peu près 30 avocats entrepreneurs qui dĂ©cident eux autres mĂŞme de leur temps, de leur lieu de travail, de la quantitĂ© d’heures faites dans une annĂ©e. Et effectivement la pandĂ©mie n’a apportĂ© aucune nĂ©cessitĂ© de changement de notre cĂ´tĂ©, on avait dĂ©jĂ  la technologie pour travailler de manière collaborative Ă  distance. On Ă©tait dĂ©jĂ  tous installĂ©s avec soit des bureaux Ă  la maison, très ergonomique, très confortable. Alors y a pas eu d’adaptation.

Donc, au niveau de l’adaptation Ă  la pandĂ©mie, elle n’a pas apportĂ© un lot de changement. Au contraire, ç’a Ă©tĂ© le rĂ©confort qu’on avait choisi dĂ©jĂ  y a 15 ans la bonne façon d’opĂ©rer notre bureau d'avocat pour pouvoir ĂŞtre performant mĂŞme avec la pandĂ©mie.

Faguy : Alexandre, oĂą en sommes-nous par rapport Ă  ce que vous vous observez sur le marchĂ© juridique quand Ă  la volontĂ© de certains acteurs de prendre des risques et de changer un petit peu la façon de pratiquer le droit et de mener leurs affaires en droit, par rapport Ă  la situation qui prĂ©cĂ©dait la pandĂ©mie?

Alexandre : Je suis d’accord avec ce que Pascale a amenĂ©, donc je ne vais pas le rĂ©pĂ©ter, mais je vais peut-ĂŞtre euh... je joue souvent l’avocat du diable lĂ , mais euh...

Faguy : Vas-y.

Alexandre : Est-ce que… est-ce que les… est-ce que les choses ont vraiment changĂ©, est-ce que… Je pense qu’il y a deux manières que les choses peuvent changer. Ou bien donc quelqu'un va remarquer une opportunitĂ©, que ce soit l’argent ou autre chose, ou quand quelqu'un y a la nĂ©cessitĂ© de faire quelque chose, quand y a pas le choix, quand les Ă©vènements le poussent Ă  faire ça. Sinon, les gens ne sont souvent pas poussĂ©s au changement. Quelqu'un ne va pas se rĂ©veiller un matin et dire : je veux changer de culture et puis le changement va magiquement s’opĂ©rer. Ce qui va se passer, moi ce que je vois, les gens qui ont Ă©tĂ© obligĂ©s de faire les choses diffĂ©remment, j’ai des exemples d’ailleurs chez OnRègle on a lancĂ© une nouvelle plateforme qui permet la mĂ©diation familiale en ligne. On a des mĂ©diateurs qui l’ont fait, ils se sont rendu compte que ça marchait bien, ils se sont rendu compte que ça peut ĂŞtre profitable et que ça prenait moins de temps. Ça, ça risque de rester, parce qu'ils se sont rendu compte que c'Ă©tait profitable et que ça fonctionnait.

Mais, j’ai l’impression que donc… quand… ce que les avocats ont essayĂ© ou ce que les gens sur le marchĂ© ont essayĂ© et qui a fonctionnĂ© ça va rester. Malheureusement, si après pandĂ©mie, une fois que la nĂ©cessitĂ© a disparu, y a des choses qui sont très fortes dans le marchĂ© et qui vont rester pareilles. Les avocats ne sont pas formĂ©s, les avocats ne sont pas des entrepreneurs. Les avocats, ça reste des experts de la loi, ça reste une profession qui est ancrĂ©e Ă , on est formĂ© Ă  l’universitĂ© Ă  comprendre le Code civil, on n’est pas formĂ© Ă  bâtir la technologie ou Ă  comprendre un marchĂ©. Parfois tu vas essayer des nouvelles affaires parce que t’es obligĂ©, si tu veux vraiment changer ta pratique ben, y faut que tu sois outillĂ© comme un entrepreneur qui est prĂŞt Ă  le faire pis, Pascale l’a fait.

Pascale : Je suis d’accord avec toi Alexandre, ça prend une nĂ©cessitĂ© pour changer quelque chose, ça prend une raison d’ĂŞtre. Mais, cette pandĂ©mie-lĂ  va quand mĂŞme avoir obligĂ© les avocats Ă  se former Ă  utiliser la technologie. Et une fois, pis ç’a Ă©tĂ© ça pour Delegatus, une fois que tu y as goutĂ© Ă  ça, Ă  la flexibilitĂ© qu’apporte le tĂ©lĂ©travail, Ă  cette vie-lĂ , qui t’apporte de l’autonomie, qui t’apporte une productivitĂ© technologique en ligne. En tout cas, moi j’ai jamais Ă©tĂ© capable de retourner Ă  une vie traditionnelle, parce qu'il y avait une beautĂ© qui Ă©tait lĂ , y avait une flexibilitĂ©, y avait un autre monde qui Ă©tait derrière cette autonomie-lĂ  et ce tĂ©lĂ©travail-lĂ  qui apporte Ă©normĂ©ment Ă  l’humain dans tout ça.

Faguy : Alors Alexandre, on parle ici de technologie, expliquez-nous ce que fait OnRègle justement, et comment votre plateforme a Ă©voluĂ© depuis sa fondation y a 4, 5 ans?

Alexandre : OnRègle comme le nom le dit, on a fondĂ© et a choisi le nom, parce que l’idĂ©e c'Ă©tait vraiment de rĂ©gler des litiges en ligne. Donc, le nom est assez Ă©vocateur. Les choses, par contre, ont Ă©voluĂ© Ă©normĂ©ment depuis le dĂ©but. Et puis justement, c'est le fait que j’ai commencĂ© cette histoire-lĂ  d’OnRègle comme avocat, et puis j’ai fini par devenir un entrepreneur. J’ai commencĂ©, on a bâti la plateforme comme on pensait, on a comme imposĂ© Ă  nos clients, une solution qu’on pensait qu’ils voudraient. Comme avocat on s’est dit c'est ça logiquement ça va ĂŞtre plus efficace, ça va fonctionner, on va offrir ça. Mais, on s’est rendu compte après ça que en ligne, c'est pas comme ça que ça marche. Il faut que tu bâtisses tes solutions autour du client, autour du data, autour de ce que les gens veulent, et pas autour de ce que toi tu penses qu’ils voudraient.

Donc, on a pivotĂ© et puis on est parti de la base. Le commun des mortels qu'est-ce qu’il veut? Il ne sait mĂŞme pas qu'est-ce qui veut quand y commence son processus, donc la première chose qu’il veut c'est de se faire guider, de parler Ă  quelqu'un se faire dire : OK c'est correct ce que tu fais, ou bien OK non, la première Ă©tape c'est d’envoyer une mise en demeure. Donc, on est parti de la base, et puis OnRègle a Ă©voluĂ© Ă  ĂŞtre un service qui se veut ĂŞtre, tout ce que le commun des mortels peut avoir besoin pour ses problèmes de tous les jours, juridiques.

Donc, nous Ă  quoi on s’attaque c'est le 80% hich que de gens qui n’ont pas en ce moment accès Ă  la justice. Donc, ce que OnRègle fait, c'est qu’il diminue les coĂ»ts grâce Ă  la technologie et on permet aussi… ce qu’on s’est aussi rendu compte —excuse-moi la rĂ©ponse est longue—, mais on s’est rendu compte que les gens au dĂ©but nos services Ă©taient totalement automatisĂ©s, mais on s’est rendu compte que les gens y veulent… y veulent une partie du service humain. Donc, on a rĂ©intĂ©grĂ© les avocats dans le processus. Donc, c'est lĂ  que l’avocat, les gens veulent se faire dire : OK c'est correct. Ou, ils veulent qu’un avocat vienne amener son… l’apport stratĂ©gique qu’il peut amener. Donc on a pivotĂ©, donc on est une plateforme qui connecte les avocats avec les clients, mais qui aussi amène une technologie qui permet de diminuer les coĂ»ts pis d’automatiser tout ce qui est paperasse, tout ce qui est drafter, pardon l’anglicisme, drafter des papiers ou des procĂ©dures, ça c'est la technologie qui le fait. Donc, vers oĂą on s’en va c'est : un avocat dans ta poche et un tribunal dans ta poche.

Faguy : Et l’avocat y participe comment dans ce processus-lĂ ?

Alexandre : Lui y reste Ă  distance, typiquement l’avocat est Ă  distance il va recevoir un courriel, le courriel va dire : rĂ©vise tel document. Et puis l’avocat va venir sur la plateforme, il va remplir certaines boites oĂą il a besoin de rĂ©viser. Il va faire, il va peser j’ai fini, ça va partir pour le client. Donc l’avocat pour lui c'est très simple, il sauve beaucoup de temps, il est capable de faire ça rapidement et il est capable de servir plus de clients de cette manière-lĂ . Au bout de compte, ça coĂ»te moins cher pour tout le monde de cette manière-lĂ . Je suis vraiment heureux d’avoir croisĂ© de Pascal, on travaille sur ce projet-lĂ  ensemble depuis mois. La pandĂ©mie a accĂ©lĂ©rĂ© les choses et a rendu les choses nĂ©cessaires, mais on a un projet avec l’ABC QuĂ©bec d’offrir la tĂ©lĂ©justice pour tous les avocats qui sont membre de l’ABC.

Donc, bientĂ´t n’importe quel avocat qui veut pouvoir offrir tous ces services-lĂ , les services d’OnRègle, que ce soit sur son site web, ou l’avocat qui veut lui-mĂŞme ĂŞtre cet avocat-lĂ  derrière la plateforme, il va pouvoir s'inscrire et offrir ces services-lĂ  en ligne. Donc on va faire deux choses, on va offrir des mandats OnRègle et on va permettre Ă  tous les avocats du QuĂ©bec qui le veulent d’offrir des services en ligne, donc de s’ouvrir Ă  un marchĂ©… parce que traditionnellement les avocats leur site web qu'est-ce que c'est? C'est leur photo avec leur courriel en dessous, mais c'est pas des plateformes pour vendre des produits.

Nous ce qu’on va faire, c'est ça le projet avec l’ABC, c'est que n’importe quel avocat au QuĂ©bec va pouvoir mettre les produits d’OnRègle sur son site web, les vendre et puis lui-mĂŞme offrir la tĂ©lĂ©justice via son site web.

Faguy : Pascale, comment envisages-tu… c'est quoi la valeur de cette plateforme-lĂ  pour un membre ou pour praticien du droit.

Pascale : Moi je la vois très grande. Quand Alexandre m’avait approchĂ©, y m’avait approchĂ© comme bon vendeur, reprĂ©sentant des produits OnRègle. Pis y m'en parlait dans un autre contexte, y me parlait du contexte Ă©coute… chez Delegatus c'est un bureau oĂą les avocats pratiquent autrement, c'est des avocats qui se dĂ©marquent, qui utilisent la technologie. Est-ce que comme Delegatus, comme prĂ©sidente chez Delegatus vous devriez avoir un intĂ©rĂŞt dans le fond Ă  acheter, Ă  devenir des consommateurs d’OnRègle pour vos clients. Pis lĂ  ben Ă©videmment, je me suis mis Ă  rĂ©flĂ©chir, pis je portais le chapeau de prĂ©sidente de l’ABC QuĂ©bec. Mais j’ai dit : mais Alexandre! J’ai dit t’es en train de me dire qu’on serait capable avec un partenariat avec l’ABC de faire en sorte de vendre les outils technologiques Ă  l’ensemble des avocats au QuĂ©bec, qu’ils soient solo ou en petits cabinets. De leur permettre d’accĂ©der Ă  des outils technologiques simplement sans aucun coĂ»t additionnel que d’ĂŞtre membre de l’ABC, et de pouvoir donc, se dĂ©marquer dans la sociĂ©tĂ© comme Ă©tant des avocats qui utilisent les services, d’offrir de la tĂ©lĂ©justice, qui est quelque chose qui est de plus en plus, qui s’en vient sur le marchĂ©, mais qui va devenir croissant. De permettre d’avoir un impact direct sur l’accessibilitĂ© Ă  la justice.

Alors selon moi, j’y voyais un apport très grand de pouvoir… qu’OnRègle permette Ă  des avocats Ă  leur compte d’acquĂ©rir de la clientèle. Parce qu’avec la plateforme y a dĂ©jĂ  des clients qui sont lĂ , y ont besoin d’ĂŞtre desservi. L’ABC viendrait Ă  ce moment-lĂ  apporter de la clientèle aux avocats qu’ils soient Ă  leur compte ou en petits cabinets. Mais, au-delĂ  de l'acquisition de clientèle, ça permettrait aussi de donner accès Ă  des outils technologiques qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter. Parce que si quelqu'un pourrait très bien me dire : ah moi je vais me crĂ©er mon propre outil technologique, mais les outils technologiques coĂ»tent excessivement d’argent en investissement. Alors, c'est pas des avocats solos qui peuvent se dire : aie, je vais m'acheter telle plateforme. LĂ , on ramenait Ă  ce moment-lĂ  une valeur ajoutĂ©e très très grande pour les avocats des praticiens Ă  leur compte, que ce soit des avocats ou affaires pour permettre cette accessibilitĂ©-lĂ . Dans le fond, je trouve que c'est un mariage parfait.

Alexandre, c'est bien que tu rĂ©alises dans OnRègle qu’ils ont besoin de l’avocat pour rendre encore plus leur service pertinent pour leurs clients. Et nous, on a les avocats qui ont besoin d’accĂ©der Ă  ces outils-lĂ . Moi je voyais un mariage parfait parfait parfait pour apporter cette valeur ajoutĂ©e lĂ  au monde de l’ABC.

Faguy : Écoutez, vous ĂŞtes tous les deux des entrepreneurs du secteur juridique, vous avez tous les deux adoptĂ© un modèle d’affaires qui est diffĂ©rent un de l’autre. Mais je me demande pourquoi selon vous y a eu une telle rĂ©sistance au fil des des ans Ă … Ă  emprunter un chemin plus innovateur dans le secteur juridique? Je vais commencer par vous Pascale, parce que vous ĂŞtes quand mĂŞme dans cette game-lĂ  depuis une quinzaine d’annĂ©es si je comprends bien. 

Pascale : Je pense qu’Alexandre a dĂ©jĂ  commencĂ© tantĂ´t la rĂ©ponse, c'est que ça vient d’une nĂ©cessitĂ©. Pour faire un changement pour embrasser un modèle d’affaires diffĂ©rent, ça prend une nĂ©cessitĂ©, ça prend quelque chose d’important qui dit : je vais faire les choses diffĂ©rentes. Sinon tu continues Ă  rouler ta bicyclette de la mĂŞme façon, tu continues Ă  faire ton entrainement de la mĂŞme façon, tu ne changes pas. Le changement doit partir d’une nĂ©cessitĂ©.

Dans mon cas, moi ç’a Ă©tĂ© le… c'est drĂ´le parce que notre « why » de l’entreprise, c'est le droit d’ĂŞtre heureux. Moi j’avais besoin littĂ©ralement dans ma profession et dans ma vie personnelle de trouver ce chemin-lĂ  du bonheur et d’ĂŞtre heureuse. Je voulais fondamentalement j’Ă©tais quelqu'un pis je le suis toujours ambitieuse, carriĂ©riste, mais autant dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle. Et je ne le trouvais pas mon chemin dans les milieux traditionnels. Je me suis dit : regarde, j'ai rien Ă  perdre, je vais le crĂ©er ce chemin-lĂ . Mais, en allant chercher cet Ă©quilibre-lĂ  de se rĂ©aliser, dans le fond, rĂ©ussir sa vie pis dans la vie, j’ai vu qu’il y avait un chemin du droit d’ĂŞtre heureux autant pour le client qui cherchait une façon de se faire desservir que des avocats qui voulaient faire ça autrement.

Ça passe par une nĂ©cessitĂ© quand les choses vont bien, tu changes pas. Pis en mĂŞme temps quelqu'un m’avait dit : Pascale, tu l’as eu plus facile, parce que t’es partie de 4 pages blanches. Quand t’as redessinĂ© ton modèle d’affaires, t’avais pas Ă  l’adapter. Adapter un cabinet d’avocat de 80 associĂ©s et plus, ça s’adapte mal. Parce que t’as certaines gens qui vont tirer la couverte d’un bord, les gens de l’autre. Apporter de l’innovation dans des modèles très traditionnels, quand y a plein d'associĂ©s qui ont tous un vote alentour de la table c'est difficile. Partir d’une page blanche, je dois l’avouer, c'est un peu plus facile. Mais ça prend quand mĂŞme une certaine audace pis de dire : moi je veux foncer. Parce qu'y en a quand mĂŞme pas mal des dĂ©fis qu’on a eu Ă  surmonter dans les 15 premières annĂ©es. Mais le fait de partir d’une page blanche avec une nĂ©cessitĂ©, quelque chose de viscĂ©ral du fait que tu changes, c'est lĂ  que vient l’innovation et la capacitĂ© de foncer par avant.  

Faguy : Alexandre, croyez-vous que des attitudes des opĂ©rateurs plus traditionnels du monde juridique changeront Ă  cause du confinement? Eux n’ont pas le privilège d’avoir la page blanche devant eux, seront-ils capables d’effectuer un virage?

Alexandre : Euh... des opĂ©rateurs traditionnels, si t’avais posĂ© ta question autrement je t’aurais rĂ©pondu oui. Mais, les gens qui font les choses de cette… je veux dire les… mon frère travaille dans un grand cabinet. La pandĂ©mie, y a travaillĂ© très fort, y a pas moins facturĂ©, ça fonctionnait bien. TsĂ©, les… un grand cabinet, ces gens-lĂ  y vendent des Ferrari Ă  des gens qui ont besoin des produits très sophistiquĂ©s. Je veux dire, ces gens-lĂ  sont contents, je veux dire y vont toujours avoir besoin de Ferrari, pis y veulent un service qui est très très personnalisĂ©. C'est pas ces services-lĂ  qui vont… lĂ  je vais parler de technologie, mais c'est pas ces services-lĂ  se faire chambarder par la technologie.

Parce que la technologie, vient amener de l’accès Ă  la justice Ă  des gens surtout qui n’en ont pas en ce moment, ou ils viennent diminuer les coĂ»ts pour standardiser le processus pour offrir… pour offrir un peu… LĂ  en ce moment tout le monde vend de Ferrari, tout est fait Ă  la main, quand on standardise les processus, c'est parce qu’on crĂ©Ă© des compagnies comme Honda, pis comme Toyota qui n’est pas nĂ©cessairement de la moins bonne qualitĂ©, souvent c'est peut-ĂŞtre mĂŞme plus fiable qu’une auto de luxe. C'est fait pour se rendre du point A au point B. Pis le gros avantage c'est que tout le monde y a accès. Ben, tout le monde, je veux dire plus de mon y a accès. Est-ce que les gens qui en ce moment ont le 15%, 20% du marchĂ© vont changer? Non. C'est juste qu’y a 80% du marchĂ© qui n’est pas desservi en ce moment parce que c'est trop long, trop cher, trop complexe.

En ce moment les cabinets traditionnels vont garder leur part de marché et ils ne vont pas changer énormément leur façon de faire. Mais, y a une belle opportunité devant nous pour aider le reste des gens qui ne sont pas desservis.

Faguy : Alors en mĂŞme temps ici on parle de… j’imagine que OnRègle est un produit ou une plateforme qui s’adresse Ă  cette part du marchĂ© qui traditionnellement a Ă©tĂ© mal desservi. Quels ont Ă©tĂ© les dĂ©fis auxquels vous vous avez Ă©tĂ© confrontĂ©? Parce que j’imagine qu’il faut quand mĂŞme changer des attitudes chez des justiciables aussi. Y doivent se familiariser avec l’existence de telle plateforme. Comment on fait pour faire en sorte qu’il y ait une masse critique qui se serve de ces outils-lĂ ?

Alexandre : C'est le plus grand dĂ©fi qu’on a eu. C'est… t’as beau avoir une bonne idĂ©e, ç'a beau ĂŞtre logique, ç’a beau ĂŞtre moins cher, si personne ne l’a fait avant, le marchĂ©, le consommateur ne sait pas que ça existe. Donc, y a de crĂ©er un marchĂ©, c'est… je vais te donner un exemple. T’es un entrepreneur et tu dĂ©cides de partir un restaurant. Bon, dĂ©jĂ  lĂ  c'est pas Ă©vident d’ĂŞtre entrepreneur et de lancer son entreprise, mais les gens ont dĂ©jĂ  l’habitude d’aller au restaurant. Pas en ce moment, mais les gens habituellement c'est un marchĂ© qui existe dĂ©jĂ . Si personne n’avait jamais… si ça n’existait pas les restaurants, si c'est un nouveau concept, non seulement y faut que tu lances ton entreprise, mais y faut que t’Ă©duques les gens sur le fait que tu peux aller manger Ă  l’extĂ©rieur de ta maison. Ben ça c'est quand t’es prĂ©curseur dans quelque chose tu crĂ©es ton marchĂ© c'est difficile, c'est un Ă©norme dĂ©fi.

Faguy : Parce qu'on parle ici d’une plateforme de diffĂ©rends en ligne. C'est intĂ©ressant parce que on en voit d’autres. Y a PARLE qui est la plateforme dĂ©veloppĂ©e par le laboratoire de cyber justice qui fournit, je pense, aux consommateurs et aux commerçants un outil en ligne pour rĂ©soudre leurs litiges. Aussi on voit Ă   l’Ouest en Colombien Britanniques y a le Civil Resolution Tribunal qui traite de règlement de diffĂ©rends civils. C'est un peu un genre, une forme de petite crĂ©ance. Je prĂ©sume peut-ĂŞtre un peu trop, mais ça fait ça. Croyez-vous que nous allons voir une plus grande participation du privĂ©e ou du public dans l’offre de rĂ©solution de litiges en ligne? Est-ce que c'est souhaitable que le privĂ© s’en mĂŞle Pascale, ou est-ce que les gouvernements devraient essayer de maintenir un certain contrĂ´le lĂ -dessus?

Pascale : Que ce soit contrĂ´lĂ© par le privĂ© ou le public je pense qu’il va toujours falloir que le gouvernement par l’entremise de la Loi sur le Barreau, mais par le Barreau que les instances contrĂ´lent parce qu’il n’en demeure pas moins que ce sont des services juridiques. Et la portion qui est nĂ©cessaire par l’avocat c'est la portion de conseil. Et jamais on voudra que des conseils soient donnĂ©s d'une façon qui ne respecte pas la dĂ©ontologie, qui ne respecte pas les conflits d’intĂ©rĂŞts, que ce soit la compĂ©tence, la qualification, on a un rĂ´le, on a un rĂ´le moral et professionnel Ă  jouer comme avocat. Et tant qu’on remet l’avocat, je pense que le contrĂ´le est nĂ©cessaire dans les outils technologiques. Le contre doit quand mĂŞme rester par le Barreau sur la qualitĂ© des conseils qui sont donnĂ©s.

Maintenant quant Ă  la propriĂ©tĂ© de ces dossiers-lĂ , moi je pense qu’il y a de la place Ă  l’entrepreneuriat. Il faut que la sociĂ©tĂ© canadienne, quĂ©bĂ©coise, donne la place aux entrepreneurs qui vont venir se dĂ©marquer dans ces milieux-lĂ . Des gens comme Philippe, comme Alexandre, ils viennent changer la donne. Dans un mois lĂ , justement, je vais me dĂ©programmer comme avocat lĂ  et je vais investir du temps, de l’Ă©nergie, pis de l’argent dans des outils. Pis y faut leur donner cette place-lĂ  aux entrepreneurs. Vous en nommez, Yves vous en nommez justement des choses qui existent en Colombie-Britannique et ailleurs Ă  travers le monde lĂ , ça commence Ă  pleuvoir ces outils-lĂ . Mais il faut la laisser cette situation au privĂ©, mais par contre il faut toujours continuer Ă  contrĂ´ler la qualitĂ© des services qui sont lĂ . Mais si on ne sait rien, pis si on ne permet pas cette place, ben ces clients-lĂ  qui ont besoin d’accessibilitĂ© Ă  la justice ne sont pas desservis. Alors aider, ça veut dire quoi dans le fond, c'est de rendre la justice accessible et aussi rendre accessible des outils technologiques qui vont permettent avec la technologie de rĂ©duire les coĂ»ts. Mais, en mĂŞme temps, qui vont dire aux avocats : ah, y a un marchĂ© lĂ . Je suis capable d’ĂŞtre efficace, je suis capable avec les outils technologiques crĂ©Ă©s par OnRègle de ne pas perdre mon argent pis de les aider vraiment ces gens-lĂ .

Ça c'est des efforts de chaque avocat qui va dire : moi, j’adopte ces outils-lĂ  pis j’essaye de les publiciser, je vends mes services de cette façon. On va collectivement aider Ă  rĂ©duire cet impact-lĂ  des coĂ»ts de la justice, mais qui va aider cette accessibilitĂ©-lĂ . Je pense que c'est important qu’on garde la qualitĂ©, mais en mĂŞme temps laissons de la place pour l’entrepreneuriat y a tellement d’opportunitĂ©s.

Alexandre : Pis on l’a vu avec les autres projets qu’y a eu. Quand l’État commence Ă  faire du logiciel, ça peut coĂ»ter très cher, ça peut ĂŞtre très long. Que ce soit le projet Toge, que ce soit le projet… je veux dire y a des centaines de millions qui ont Ă©tĂ© mis lĂ -dedans. Et puis c'est pas nĂ©cessaire. L’État est bon pour plusieurs choses, mais pour dĂ©velopper du logiciel pour offrir un service Ă  la clientèle ce n’est potentiellement pas la meilleure personne. Essayez de parler Ă  quelqu'un du gouvernement pour avoir du service Ă  la clientèle quand ça ne marche pas, quand vous avez un problème. C'est difficile, c'est difficile Ă  quasi impossible.

Donc, les logiciels, l’État a sa place certainement, ce qu’on aurait besoin c'est que l’État crĂ©e cette colonne vertĂ©brale lĂ  technologique pour qu’ensuite le privĂ© puisse venir se ploguer dessus et crĂ©er des solutions. Y faudrait que les tribunaux soient digitalisĂ©s puis on pourrait… la première Ă©tape serait qu’on soit capable de dĂ©poser des documents qui ne sont pas papiers dans un tribunal. Je sais que ça fait longtemps qu’on travaille lĂ -dessus. Je pense que la place de l’État est beaucoup plus lĂ , de crĂ©er cette structure-lĂ , de se connecter sur le système de justice plutĂ´t que de crĂ©er des solutions lui-mĂŞme. Parce que c'est pas sa job de faire du marketing, c'est pas sa job de faire de la communication nĂ©cessairement sur des logiciels. NĂ©cessairement le Barreau et l’État vont ĂŞtre obligĂ©s de lĂ©gifĂ©rer par rapport Ă  ces choses-lĂ  parce que c'est des choses qui n’ont jamais existĂ©e. Mais maintenant, c'est des nouvelles rĂ©alitĂ©s donc ils vont ĂŞtre obligĂ©s de baliser tout ça. Pis ça, on en est conscient puis on est d’accord avec ça.

Faguy : On voit une tendance aux États-Unis surtout dans plusieurs États, le Yuta, l’Arizona, la Californie, dernièrement je pense que j’ai vu quelque chose en Floride, oĂą les barreaux si on veut, les autoritĂ©s règlementaires de ces États-lĂ  sont prĂŞts Ă  expĂ©rimenter si on veut avec un certain relâchement des règles qui rĂ©gissent le partage des frais d’avocat et puis les structures de dĂ©tention, de firme d’avocats et tout ça. On envisage aussi l’introduction de ce qu’on appelle, je ne sais pas quel est le terme en français, Regulatory Sandbox. Des carrĂ©s de sable oĂą on peut expĂ©rimenter avec certaines nouvelles structures et tout ça. Est-ce que en fait… lĂ  oĂą je veux en venir, est-ce que l’État a un rĂ´le Ă  jouer Ă  favoriser cette expĂ©rimentation, au-delĂ  de fournir une colonne vertĂ©brale technologique aux tribunaux?

Pascale?

Pascale : Je pense que l’État, j’ai pas une opinion nĂ©cessairement rĂ©flĂ©chie sur le sujet, mais Ă  première vue comme ça, l’État a un rĂ´le très très grand de protection du public. Et y a un mal pour la sociĂ©tĂ©, c'est que la justice n’est pas accessible. TantĂ´t Alexandre  parlait des clients qui veulent se payer des Ferrari, on parlait qu’il y a des clients au-dessus de la moyenne entreprise qui veulent d’autres choses, mais y a un mal dans la sociĂ©tĂ©, ça coĂ»te trop cher la justice. Lorsque l’État vient et vient aider Ă  rendre cette justice-lĂ  accessible, moi je suis tout en faveur d’un relâchement de permissivitĂ©. En ce qui concerne d’autres types de raisons, y faut voir les raisons, c'est qui les lobbyistes derrière ça et c'est pour permettre quoi? Mais si l’État vient Ă  se poser des questions et remet en faveur, regardons Ă  ce moment-lĂ  si ça l’a le rĂ´le de protĂ©ger le public, d’augmenter l’accessibilitĂ© Ă  la justice. Et si c'est ça les raisons sous-jacentes, moi j’suis bien bien ouverte de mon contĂ©.

Pascale : Oui, puis juste pour rebondir lĂ -dessus, c'est… si 20%... c'est des statistiques qu’on a, mais, si y a 80% des gens qui sentent qui n’ont pas accès Ă  des services juridiques parce que c'est trop long, trop cher, trop complexe, ben, l’accès, je veux dire, y a 20% des gens qui ont accès Ă  la justice. T’as beau avoir un système qui protège les gens d’une manière très très bien ou qui protège bien les gens, mais si les gens n’ont pas accès, ça donne quoi d’ĂŞtre protĂ©gĂ©? Donc, y a un Ă©quilibre Ă  atteindre entre l'accès Ă  la justice et la protection du public. Moi, tant que c'est pas inversĂ©, pis que c'est pas 80% des gens qui ont accès Ă  la justice, ben j’ai l’impression qu’il va falloir trouver des façons de relâcher certaines règles pour permettre que ce soit l’innovation, que ce soit de faire les choses autrement.

Parce qu’en ce moment, c'est ben beau, je peux faire un parallèle avec la santĂ©, si on obligeait tout le monde avant de rentrer dans un hĂ´pital de faire un scan, ou de faire… mettons de faire un scan, ben ça nous couterait tellement cher qu’on desservirait quoi 5% de la population. Ben peut-ĂŞtre qu’on trouverait des maladies avec ces scans-lĂ , pis on protègerait mieux ces gens-lĂ  qui ont eu ces services-lĂ  d’extra, mais si ça finit qu’y a juste 5% des gens qui finissent par voir un mĂ©decin, ben on n’est pas mieux lĂ . Donc y a un Ă©quilibre entre les services, la protection du public qu’on donne et l’accès qu’il faut atteindre. Moi, ce que je vois en ce moment c'est dĂ©balancĂ©. Les gens n’ont pas accès, et puis c'est pas nouveau, ç’a toujours Ă©tĂ© comme ça. La justice et les services d’un avocat ont toujours Ă©tĂ© rĂ©servĂ©s Ă  des gens qui Ă©taient plus fortunĂ©s et des entreprises.

Pis c'est vrai pour bien des choses. C'Ă©tait vrai pour avoir une voiture, c'Ă©tait vrai pour… Mais il est temps qu’on dĂ©mocratise les services juridiques et, lĂ  je vais prĂŞcher pour ma paroisse, mais j’ai l’impression que ça passe par la technologie.

Faguy : Et Pascale, comment convaincre le secteur juridique ou les avocats de… non pas nĂ©cessairement de se donner comme mission de rĂ©duire le coĂ»t des services juridiques pour la sociĂ©tĂ©, mais comment les convaincre de rentrer justement dans ce marchĂ© qui est mal desservi? Parce que c'est vrai que finalement que les avocats doivent gagner leur vie Ă©galement et puis euh... Comment les convaincre que les deux sont possibles Ă  la fois?

Pascale : Je pense que ça passe d’une part par le chemin des… quand on regarde les statistiques des revenus des avocats pis les avocats quand ils ont quelques annĂ©es d’expĂ©rience ou quand ils sortent du Barreau, pour un emploi c'est pas toujours facile. Alors quand ils vont, quand on fait la dĂ©monstration que l’outil technologique va leur permettre de desservir une clientèle, d’ĂŞtre efficace, de vraiment de se dĂ©marquer, je pense qu’on va les convaincre de cette façon-lĂ . Deuxièmement, moi j’ai extrĂŞmement confiance quand j’entends le discours des avocats qui sortent… qui viennent d’ĂŞtre assermentĂ©s, les Ă©tudiants en droit qui veulent faire tellement quelque chose pour rendre la justice accessible. L’impact qu’ils veulent avoir sur leur sociĂ©tĂ©, quand je les entends, j’ai confiance que leurs paroles ne sont pas juste des paroles en l’air et que leurs actes vont suivre. C'est de rĂ©aliser qu’en utilisant cette plateforme-lĂ  on fait plus que d’apporter de la clientèle, on peut vraiment faire quelque chose pour changer la sociĂ©tĂ© et je pense que c'est comme ça qu’on va les convaincre.

Alexandre : On le voit, les avocats qui sont sur OnRègle pis qui font des mandats d’OnRègle, ben 1), ils remplissent des heures souvent qui ne pouvaient pas ĂŞtre facturĂ©es. Fait qu’ils augmentent leur revenu, d’oĂą un peu lĂ  que ce soit l’opportunitĂ©, donc ils remplissent des heures qu'ils ne pouvaient pas. Donc c'est une manière d’adapter les nouvelles choses. J’ai l’impression que, oui, la très grande majoritĂ© c'est pas la totalitĂ© des avocats, quand on sort de l’Ă©cole, je veux dire, on a des bonnes intentions, on veut aider. Et puis c'est pas lĂ  le problème. Les avocats veulent, et puis les avocats rendent des bons services. Quand les clients sont vraiment heureux d’ĂŞtre desservis par les avocats, nous le taux de satisfaction de nos clients par les interventions des avocats c'est au-dessus de 93%. Les gens sont très contents avec ça.

Bref, y va falloir que ce soit payant et une des manières de changer ça ,c'est qu’il va falloir que les modèles d’affaires changent. Il va falloir que les gens en sortant de l’Ă©cole… moi les avocats que j’ai vus qui ont pris le temps de faire un plan d’affaires, et j’en connais quelques-uns, les choses vont bien. Comme le disait Pascale y a beaucoup d’avocats en ce moment que c'est pas facile au niveau financier. Donc, de cette nĂ©cessitĂ©-lĂ  de se transformer, justement, ça passe par l’entrepreneuriat, ça passe par faire un plan d’affaires. Et quand on rĂ©flĂ©chit aux choses comme ça, quand on regarde la compĂ©tition, ben ça nous pousse Ă  innover. Ça nous pousse Ă  faire les choses diffĂ©remment.

Faguy : Justement, le marchĂ© du travail, on s’attend Ă  ce que le marchĂ© du travail ne soit pas terriblement gĂ©nial pour les jeunes, la jeune cohorte qui sort des facs de droit ou qui est admise rĂ©cemment au Barreau. Certains vont devoir se dĂ©mener tout seuls pour lancer leur pratique, peut-ĂŞtre je demanderais Ă  l’entrepreneur, Pascales Pageau, qu'est-ce que vous leur conseilleriez dans les annĂ©es Ă  venir?

Pascale : DĂ©marquez-vous en faisant les choses autrement. Vous avez justement par l’accès… ben premièrement, dĂ©marquez-vous en faisant les choses autrement que ça passe par la façon d’aller rencontrer les clients potentiels. Moi je suis une adepte comme Alexandre de se faire un plan d’affaires et le plan d’affaires passe par se dĂ©marquer, utiliser des outils innovants, mais passe aussi par l’implication. Moi c'est comme ça que j’ai vraiment rĂ©ussi Ă  gagner mon rĂ©seau. Quand on sort des Ă©coles, impliquez-vous, allez rencontrer des gens. C'est plus difficile en temps de pandĂ©mie, mais y a plein de groupes, de rĂ©seaux qui se font virtuellement. Alors moi j’incite beaucoup les gens, plan d’affaires, se dĂ©marquer, mais s'impliquer, s’impliquer et d’aller rencontrer les gens parler de ce qu’ils font. C'est vraiment les trois plus grands facteurs.

Mais ayez confiance. Y a beaucoup de gens, on voit beaucoup de dĂ©tresse, on voit beaucoup d’anxiĂ©tĂ©, on va beaucoup de mal de vivre. Pas juste de la jeunesse, mais de plusieurs personnes dans la sociĂ©tĂ©, ça vient aussi par le fait qu’il y a des manques de revenus, mais justement, sortez, rencontrez des gens, impliquez-vous. Y a beaucoup de… y a des beaux groupes Ă  l’ABC pour s’impliquer. Et ça va vous permettre de rencontrer des gens, faites des partages de pratiques, des partages d’expĂ©riences, mettez-vous ensemble, crĂ©ez des collectifs, crĂ©ez des communautĂ©s entre vous pour Ă©changer, pour pratiquer et souvent vous allez rĂ©aliser qu'on n’est pas tout seul. On peut devenir encore plus fort quand on se regroupe, quand on s'entraide, entraide, collaboration et ABC.

Faguy  Pour conclure cette entrevue j’aimerais vous poser Ă  tous les deux une question que je pose Ă  tout le monde au courant de cette sĂ©rie. On parle souvent des dĂ©fis auxquels est confrontĂ© le monde juridique et des difficultĂ©s qu'on a adressĂ© la crise d’accès Ă  la justice. On dit que bon, c'est dĂ©fis-lĂ  sont complexes, Ă  multiples facettes, certains diront « voilĂ  juste une excuse pour ne rien faire ». Alors si vous pouviez changer une chose dans le secteur juridique en ce moment ce serait quoi? Je vais commencer avec vous Alexandre.

Alexandre : Ben, c'est un peu le fil conducteur de tout ce qu’on a dit aujourd'hui, c'est l’entrepreneuriat et c'est de changer notre perspective parce qu'il y a toute sorte de choses qu’on pourrait faire. Que ce soit de l’Ă©ducation Ă  l’universitĂ© pour former les avocats Ă  ĂŞtre autre chose que des experts du livre. Mais, c'est de rĂ©ellement de se concentrer autour de son client. J'avais donnĂ© une confĂ©rence comme ça oĂą on demandait aux avocats : est-ce que vous pensez que vous Ă©coutez vos clients? Les avocats rĂ©pondaient oui. [incomprĂ©hensible 00:40:07], mais après ça je demande, combien d’entre vous ont fait des sondages pour demander l’opinion de ces clients? Ou combien d’entre vous envoient systĂ©matiquement un sondage après que vous ayez rendu un service? Puis c'Ă©tait zĂ©ro. Ou, combien d’entre vous a fait un plan d’affaires? Parce qu'un plan d’affaires c'est ça, c'est de voir la compĂ©tition, de voir ce qui se fait et puis c'est de demander Ă  ses clients qu'est-ce qu'ils veulent vraiment. Est-ce que vous appelez cinquante de vos clients pour vraiment comprendre qu'est-ce qu'ils veulent? La rĂ©ponse c'est non.

Donc, ce que j’aimerais qui change c'est la perspective. L’avocat comme le mĂ©decin, comme les professions traditionnelles, ben dans le passĂ© on Ă©tait un peu comme… on Ă©tait le… un peu comme dans Kafka lĂ , dans le procès oĂą le juge et l’avocat c'est quasiment des prĂŞtres qui sont en train de donner la bonne nouvelle. Ça c'est dans le passĂ©, les choses ont changĂ©, il faut revirer les choses de bord, c'est de bâtir sa pratique atour de son client. C'est plus profitable, surtout justement, on parlait des avocats qui ont moins de business, c'est lĂ  l’opportunitĂ© parce que oui, c'est d’offrir des meilleurs services juridiques, mais c'est d’offrir peut-ĂŞtre des choses connexes. C'est d’offrir… ton client y veut pas nĂ©cessairement acheter une mĂ©diation, y veut pas nĂ©cessairement acheter un arbitrage. Y veut rĂ©gler son problème. Peut-ĂŞtre que toi dans ta pratique tu vas ĂŞtre capable de lui offrir plus que juste ton opinion juridique. Tu vas ĂŞtes capable de lui offrir ce qu’il veut et ce qu’il faut ça peut dĂ©passer le juridique. Ça peut ĂŞtre payant pour toi, et c'est surtout valorisant parce que t’aides mieux tes clients.

Bref, pour une rĂ©ponse courte, c'est de se recentrer sur le client et de bâtir sa pratique autour de lui. LĂ  quand je parle de la bâtir c'est pas juste un changement de culture. C'est faire des sondages d’utiliser les chiffres, de calculer ses affaires, utiliser le data, on les a les outils, donc c'est mon souhait.

Pascale : On a parlĂ©, pis je donne voix Ă  ce qu’Alexandre dit, on a parlĂ© d’accessibilitĂ© Ă  la justice, je ne reviendrai pas lĂ -dessus, je vais me permettre un souhait additionnel en plus de tout ce qu’on a parlĂ©. Mon souhait ce serait d’oser, l’audace, oser pratiquer autrement. Y a tellement de conventions, y a tellement de traditionalisme dans ce qu’on vit, osez! TsĂ© lĂ  penser, out the box, y a un monde d’opportunitĂ©s. Fait que donnez-vous la chance, l’opportunitĂ© de travailler, de penser autrement, de pratiquer autrement, vous allez voir, vous allez vous rapprocher de votre client, pis vous allez vous rapprocher d’une façon plus humaine de pratiquer et d’ĂŞtre plus heureux dans votre profession. Moi c'est mon plus grand souhait.

Faguy : Sur ce nous allons conclure l’entrevue et j’aimerais souhaiter Ă  nos invitĂ©s beaucoup de succès dans la rĂ©alisation de ce beau projet entre l’ABC QuĂ©bec et OnRègle. Je m’entretenais donc avec Pascale Pageau, prĂ©sidente et fondatrice de Delegatus et la prĂ©sidente de l’ABC QuĂ©bec et Alexandre DĂ©sy cofondateur de OnRègle. Ă€ nos auditeurs maintenant, nous voulons vous entendre sur les enjeux entourant la profession et les changements Ă  apporter Ă  notre système de justice. OĂą devrions-nous concentrer nos Ă©nergies afin de le moderniser? Communiquez avec nous via Twitter Ă  : @cbanatmag et sur Facebook. Pour Ă©couter nos Ă©pisodes, abonnez-vous Ă  Juriste branchĂ© sur Apple Podcast, Stitcher et Spootify, et n’hĂ©sitez pas Ă  nous laisser des Ă©valuations sur ces plateformes. Vous y trouverez Ă©galement notre balado en anglais, The Every Lawer, merci encore et Ă  la prochaine.