RĂ©clamer son dĂ»

  • 10 juillet 2018
  • Ann Macaulay

Se faire payer par ses clients peut s’avĂ©rer un vrai casse-tĂŞte – nombre d’avocates et avocats exerçant seuls ou en petit cabinet y voient l’un de leurs principaux dĂ©fis en tant que gestionnaires.

Comment donc tuer dans l’Ĺ“uf les problèmes de recouvrement? « Obtenez Ă  l’avance un mandat de reprĂ©sentation en justice suffisant de votre client, histoire de ne pas devoir le pourchasser pour vos honoraires », rĂ©pond Me Mark Silverthorn, qui exerce seul Ă  Cambridge, en Ontario. En faisant cela, l’avocat averti « risque de perdre 10 % de sa clientèle, mais s’Ă©vite presque tous les ennuis de comptes clients. »

Demandez un mandat de reprĂ©sentation pour chaque Ă©tape de votre travail, conseille Me Silverthorn, qui a travaillĂ© pour certaines des grandes agences de recouvrement au Canada. Ă€ chaque Ă©tape son mandat; aussi faut-il informer le client que « la prochaine Ă©tape ne commencera qu’Ă  l’obtention d’un mandat satisfaisant pour celle-ci. »

Demandez Ă  tout client potentiel s’il a consultĂ© d’autres avocats Ă  propos de son problème : si vous ĂŞtes le quatrième et que personne n’a acceptĂ©, pensez-y bien avant de le prendre pour client, remarque Me Or Regev, de chez Hobbs Giroday Ă  Vancouver.

Renseignez-vous le plus possible sur vos nouveaux clients : obtenez leurs adresses rĂ©sidentielle et professionnelle et leur occupation. Il arrive qu’un client demande une entente d’honoraires conditionnels, faute de liquiditĂ©s. Or, si cette requĂŞte garantit pas que vous ne serez pas payĂ©, elle indique certes que votre client n’a pas les reins solides.

Demandez votre premier versement par chèque; comme l’indique Me Regev, « de cette façon, vous obtiendrez les renseignements bancaires du client, ce qui est important : impossible de pratiquer une saisie-arrĂŞt sur un compte bancaire si vous ignorez oĂą il se trouve. »

Expliquez au client Ă  quoi s’attendre quant Ă  la facturation dès qu’il retient vos services, conseille Me Chuck Merovitz, associĂ©-gĂ©rant chez Merovitz Potechin Ă  Ottawa, pour qui mandat de reprĂ©sentation en justice rime avec garantie de paiement. Il fait bien comprendre Ă  ses clients qu’au-delĂ  de ce que prĂ©voit le mandat de reprĂ©sentation, du travail supplĂ©mentaire leur sera rĂ©gulièrement facturĂ©. En effet, « nos estimations n’Ă©tant jamais exactes, il y a toujours un solde Ă  payer en fin de compte. »

N’attendez pas trop pour recouvrer une dette en souffrance : plus vous tardez, plus l’argent risque de vous Ă©chapper. Dotez-vous d’un logiciel qui vous avertit lorsque vos factures sont envoyĂ©es depuis 30, 60 et 90 jours, et entamez tĂ´t vos dĂ©marches de recouvrement. Après 30 jours, appelez votre client ou Ă©crivez-lui par courriel. Qui plus est, souligne Me Merovitz, en appelant ainsi vos clients, vous avez l’occasion parfaite de tisser des liens avec eux tout en rĂ©pondant Ă  leurs questions et prĂ©occupations quant Ă  leur facture.

La persévérance paie

Soyez tenace. Si l’appel ou le courriel ne fait pas l’affaire, envoyez une lettre. Consignez chaque appel effectuĂ©, chaque avis envoyĂ©, et veillez Ă  avoir sur papier la reconnaissance de dette du client et son engagement Ă  payer ce qu’il vous doit.

L’essentiel est de persister, fait valoir Me Merovitz. « Si un compte reste trop longtemps en souffrance, vous risquez non seulement de ne jamais ĂŞtre payĂ©, mais aussi de perdre votre client. Il ne reviendra pas vous voir, et sera gĂŞnĂ© de vous recommander Ă  qui que ce soit. Les comptes irrĂ©couvrables, c’est très mauvais pour les affaires. »

Il faut savoir diffĂ©rencier le client qui ne peut pas payer de celui qui ne veut pas payer, ajoute Me Merovitz. « Si votre client est raisonnable, il vous avouera ne pas pouvoir payer et vous dira pourquoi. » Ă€ l’inverse, s’il « ne peut pas payer », renchĂ©rit-il, exigez des chèques postdatĂ©s.

Bien sĂ»r, dans le cas d’un bon payeur qui en est Ă  son premier retard, « vous serez enclin Ă  vous montrer clĂ©ment et Ă  attendre Ă  la prochaine facture pour lui rappeler ce qu’il vous doit », concède Me Regev. Mais si le client ne paie pas sa première facture Ă  Ă©chĂ©ance, mieux vaut ne pas tarder. « Vous ne voulez pas lui laisser croire, en attendant un mois, que vous ĂŞtes prĂŞts Ă  lui laisser ce dĂ©lai Ă  chaque fois. »

Nombre de cabinets qui facturent mensuellement n’interviennent qu’après deux mois de retard, indique Me Regev, mais si « vous croyez raisonnable de penser que le client peine Ă  vous payer, songez Ă  interrompre votre travail jusqu’Ă  ce qu’il vous paie. »

Au-delĂ  des rappels

Si votre client fait la sourde oreille malgrĂ© vos multiples rappels tĂ©lĂ©phoniques et Ă©crits, « il est temps de monter le ton », souligne Me Merovitz. « Vous pouvez soit le poursuivre, soit demander la liquidation de son mĂ©moire », ajoute-t-il, soulignant que la liquidation est normalement la voie la plus rapide. Avec un jugement Ă  cet effet, il est possible de pratiquer une saisie-arrĂŞt sur la paie du client. « S’il s’agit d’un mĂ©decin, la saisie-arrĂŞt peut s’opĂ©rer sur le RĂ©gime d’assurance-santĂ© de l’Ontario. » Par ailleurs, vous pouvez mener un interrogatoire du dĂ©biteur judiciaire pour identifier les clients de votre client et en choisir un ou deux sur lesquels pratiquer la saisie-arrĂŞt. »

Si le client ne paie toujours pas, vous pouvez en outre faire valoir votre « droit de confier le recouvrement Ă  une agence d’Ă©valuation du crĂ©dit, ce qui peut nuire gravement Ă  sa capacitĂ© d’obtenir du crĂ©dit », indique Me Silverthorn. Bien que certains procèdent systĂ©matiquement de cette façon, les coĂ»ts pour ce faire correspondent Ă  peu près au tiers de la somme due : n’employez ce moyen qu’en dernier recours.

Si tout Ă©choue, « rien ne vous empĂŞche de poursuivre le client pour dĂ©faut de paiement », remarque Me Silverthorn. En obtenant un jugement contre le client, l’avocat « a accès aux mĂŞmes recours extraordinaires que n’importe quel autre crĂ©ancier judiciaire »; il peut pratiquer une saisie-arrĂŞt sur le compte bancaire ou le salaire du client, ou encore grever ses immeubles d’un privilège.

Mais parfois, mieux vaut laisser filer un compte impayĂ©. « Si vous vous montrez trop agressifs, vous risquez fort de faire face Ă  une poursuite pour nĂ©gligence », remarque Me Merovitz, mĂŞme si vous n’avez nullement Ă©tĂ© nĂ©gligent. « Si je sais que le client est mĂ©content et ne me doit qu’un ou deux mille dollars, je risque de ne pas trop insister : je n’ai pas de temps Ă  perdre Ă  me dĂ©fendre contre une poursuite. »

Ann Macaulay est une contributrice régulière à EnPratique de l'ABC.