Plaidoyer pour la constitution de votre cabinet en société professionnelle

  • 29 janvier 2018
  • Ann Macaulay

Ouvert

Les juristes ont le choix entre plusieurs options en ce qui concerne la structure commerciale de leur entreprise. Ils devraient examiner les avantages et les inconvĂ©nients de chacune avant d’arrĂŞter leur choix sur celle qui leur convient le mieux.

Effectivement, ils peuvent dĂ©cider d’exercer seuls, de crĂ©er une association avec d’autres et partager les coĂ»ts et les ressources, de crĂ©er un cabinet d’avocats virtuel, de s’associer avec un ou plusieurs autres juristes avec une option de crĂ©ation d’une entitĂ© Ă  responsabilitĂ© limitĂ©e ou mĂŞme de crĂ©er une entreprise rĂ©sultant d’une combinaison de divers Ă©lĂ©ments caractĂ©risant ces diffĂ©rentes structures.

Chacune de ces options prĂ©sente ses propres avantages. Avec une entreprise individuelle, le juriste contrĂ´le intĂ©gralement tous les Ă©lĂ©ments de son cabinet, de son revenu et de son actif. Une sociĂ©tĂ© en nom collectif, elle, permet la mise en place d’un mĂ©canisme de partage des profits en vertu duquel chacun des juristes est responsable solidairement des dettes et obligations du cabinet. En revanche, une s.r.l. offre les mĂŞmes avantages fiscaux qu’une sociĂ©tĂ© en nom collectif mais limite la responsabilitĂ© individuelle des associĂ©s. Lorsqu’ils crĂ©ent une association, les juristes peuvent travailler ensemble en l’absence d’un contrat de sociĂ©tĂ©, offrant des services Ă  un plus vaste Ă©ventail de clients tout en mettant les dĂ©penses en commun.

Valentin Erikson, un avocat d’Ottawa, dit avoir soigneusement envisagĂ© la meilleure façon de structurer son entreprise individuelle avant d’ouvrir son cabinet en 2016. La structure de sociĂ©tĂ© professionnelle est ce qui lui convient le mieux, a-t-il conclu, en grande partie pour des raisons fiscales, y compris la possibilitĂ© de conserver les gains au sein de la sociĂ©tĂ© professionnelle.

« Si vous envisagez de faire prospĂ©rer votre pratique en vue de la vendre un jour, cela pourrait ĂŞtre une très bonne stratĂ©gie de planification fiscale », dĂ©clare Me Erikson, propriĂ©taire et principal avocat du cabinet Erikson Law Firm Professional Corporation, dont les services sont principalement axĂ©s sur le droit immobilier, le droit fiscal et le droit de la famille. Il ajoute que le taux d’imposition du revenu applicable aux juristes de l’Ontario excède 46 %, mais que le fait de constituer le cabinet en sociĂ©tĂ© professionnelle peut se traduire par un taux d’imposition de la sociĂ©tĂ© ne s’Ă©levant qu’Ă  16 %.

Pour Me Erikson, les autres avantages fiscaux de l’utilisation d’une sociĂ©tĂ© professionnelle incluent la possibilitĂ© de diffĂ©rer l’imposition sur le revenu, une rĂ©duction de l’impĂ´t sur le revenu personnel au moyen du fractionnement du revenu, la vente d’actions exonĂ©rĂ©e d’impĂ´t, et la possibilitĂ© d’accĂ©der Ă  des stratĂ©gies d’optimisation fiscale offertes exclusivement aux sociĂ©tĂ©s professionnelles.

Le fait de structurer un cabinet d’avocats sous forme de sociĂ©tĂ© professionnelle est « la solution idĂ©ale, sans aucun doute », conseille David Rotfleisch, comptable agrĂ©Ă© et fiscaliste qui exerce Ă  Toronto. « Constituez une personne morale dès le dĂ©part. » Selon Me Rotfleisch, l’avocat fondateur de Taxpage, l’une des principales raisons est que « vous pouvez mettre en place un rĂ©gime de retraite individuel et faire des cotisations beaucoup plus importantes qu’Ă  un REER ».

Puisque les avocats employĂ©s Ă  titre individuel n’ont pas de rĂ©gime de retraite, ils doivent penser Ă  leur retraite dès le dĂ©part, affirme Me Rotfleischs. « Si vous constituez une personne morale, un rĂ©gime de retraite individuel vous permet de faire des cotisations beaucoup plus Ă©levĂ©es qu’un REER. » Vous ne pourrez pas nĂ©cessairement vous permettre de cotiser Ă  un rĂ©gime de retraite individuel dès la crĂ©ation de votre cabinet, mais si « après 10 ans votre cabinet prend son essor et vous avez des fonds disponibles, vous avez accumulĂ© 10 ans de possibles cotisations et vous pouvez y verser une large somme, ce qui constitue un dĂ©part apprĂ©ciable pour le financement de votre retraite ».

Selon Me Rotfleisch, le seul inconvĂ©nient de la constitution en sociĂ©tĂ© professionnelle est le coĂ»t, y compris l’entretien annuel et l’inscription au barreau. « Il en coĂ»te plusieurs milliers de dollars par an pour maintenir une sociĂ©tĂ© », dit-il. Les coĂ»ts administratifs sont plus Ă©levĂ©s car il faut Ă©galement produire une dĂ©claration des revenus de la sociĂ©tĂ©. « Les profits qui restent dans les caisses de la sociĂ©tĂ© sont imposĂ©s Ă  un taux infĂ©rieur, et c’est la sociĂ©tĂ© qui paie. Vous avez donc deux ensembles de dĂ©clarations d’impĂ´ts : la dĂ©claration T2 pour la sociĂ©tĂ© et la T1 Ă  titre personnel. »

S’agissant des juristes qui exercent dĂ©jĂ  seuls ou au sein d’un petit cabinet et souhaitent adopter une structure de sociĂ©tĂ© professionnelle, Me Rotfleisch indique que c’est chose facile, bien « qu’il faille se conformer Ă  certaines exigences fiscales. Vous devez effectuer un transfert en franchise d’impĂ´t de la structure actuelle Ă  la sociĂ©tĂ© ». Il s’agit seulement de remplir un peu de paperasse et de dĂ©bourser quelques dollars. « Si vous exercez actuellement sous forme d’entreprise individuelle ou de sociĂ©tĂ© de personne, vous n’avez absolument aucune raison de ne pas constituer une sociĂ©tĂ© pour transformer votre entreprise ».

Quelle que soit la structure que vous choisirez pour votre cabinet, communiquez avec votre barreau pour obtenir des renseignements Ă  jour sur la lĂ©gislation et la rĂ©glementation provinciales. Ainsi, en Ontario, les avocats doivent constituer leur sociĂ©tĂ© en vertu de la Loi sur les sociĂ©tĂ©s par actions de l’Ontario et prĂ©senter une demande de certificat d’autorisation au barreau.

Me Rotfleisch conseille aux juristes de se procurer les services d’un bon comptable lorsqu’ils constituent une sociĂ©tĂ©. « Une comptabilitĂ© inadĂ©quate pose de multiples problèmes dĂ©coulant soit de l’absence d’un comptable dès le dĂ©part, soit de services fournis par un comptable incompĂ©tent. Assurez-vous que votre comptable agrĂ©Ă© sait ce dont il parle, connaĂ®t les règles spĂ©cifiques applicables aux juristes et connaĂ®t l’Ă©tat de vos dĂ©clarations. » Ayant vu, au fil des ans, des clients qui ont eu de graves problèmes avec l’ARC, y compris la saisie de comptes, il exhorte les juristes Ă  dĂ©poser leurs dĂ©clarations en temps utiles. « Ayez une carte de crĂ©dit distincte pour vos dĂ©penses d’entreprise. Que vous soyez constituĂ© en sociĂ©tĂ© ou non, ne combinez pas les dĂ©penses sur vos cartes de crĂ©dit. Cela facilite grandement la comptabilitĂ©. »

Ouvrez un compte bancaire distinct pour votre cabinet et tenez vos comptes de fiducie strictement Ă  jour, comme l’exige le barreau, dit Me Rotfleisch. « Cela peut sembler une tâche des plus ardues Ă  ceux qui ne s’y connaissent pas en comptabilitĂ©, confiez-la Ă  votre aide-comptable ou Ă  votre comptable dès le dĂ©part. Assurez-vous que vos comptes de fiducie sont Ă©tablis et maintenus correctement. Veillez scrupuleusement Ă  ce que les fonds en fiducie soient versĂ©s dans les comptes de fiducie. »

Alors qu’il a choisi de constituer son propre cabinet en sociĂ©tĂ©, Me Erikson ne pense pas que ceux qui ne le sont pas sont dĂ©savantagĂ©s, et il conseille aux autres juristes de choisir la structure qui leur convient le mieux. « Ă‰valuez votre situation, Ă©laborez un plan d’affaires, assurez-vous que vos finances sont Ă  jour, rĂ©seautez, puis dĂ©cidez de la structure qui convient le mieux Ă  votre cabinet. » Ensuite, tenez-vous-en au plan que vous avez mis en place. « N’hĂ©sitez pas Ă  prendre des risques », dit-il. « Soyez brave, lancez-vous et tout se passera bien. »

Ann Macaulay rédige fréquemment des articles pour EnPratique.