Oui, le diplôme en droit mène à tout

  • 01 janvier 2015
  • Kim Nayyer

Que peut-on faire avec un diplĂ´me en droit? C’est le titre d’un livre dans lequel Ă©tait plongĂ©e une de mes anciennes camarades de classe, il y a plusieurs annĂ©es, alors qu’elle Ă©tait Ă  un carrefour de sa vie professionnelle. Cela ne faisait pas longtemps que nous Ă©tions sorties de la facultĂ©, que nous avions complĂ©tĂ© nos stages et que nous Ă©tions devenues membres de nos barreaux respectifs.

Nous avions alors toutes les deux un emploi. Mais il nous semblait que nous avions fait le saut entre les Ă©tudes en droit et le « vrai » travail d’avocate Ă  temps plein de façon un peu machinale. Notre vie professionnelle nous paraissait toute tracĂ©e par notre J.D., et les restrictions imposĂ©es par nos diplĂ´mes nous donnaient la nette impression d’une cage.

C’Ă©tait du moins notre perception. La rĂ©alitĂ©, c’est que nous allions bientĂ´t, chacune de notre cĂ´tĂ©, nous engager sur des voies toutes diffĂ©rentes. Alors qu’il nous semblait que nos carrières Ă©taient gravĂ©es dans le marbre, nous allions chacune trouver — ou crĂ©er — des possibilitĂ©s nouvelles et intĂ©ressantes, et ce, avec une facilitĂ© inattendue. D’autres orientations encore devaient s’ensuivre pour chacune d’entre nous, et des chemins inconnus se prĂ©senteront dans les annĂ©es Ă  venir, j’en suis certaine.

Mais Ă  l’Ă©poque, le sentiment d’un avenir limitĂ© et dĂ©crĂ©tĂ© Ă©tait authentique. Peut-ĂŞtre cette hĂ©sitation Ă  l’Ă©gard d’une trajectoire toute tracĂ©e par notre J.D. tenait-elle en partie Ă  une inquiĂ©tude sous-jacente Ă  l’Ă©gard de l’Ă©conomie et du marchĂ© du travail? Je connais des nouveaux diplĂ´mĂ©s et des jeunes avocats qui nourrissent aujourd’hui les mĂŞmes prĂ©occupations vis-Ă -vis de leurs perspectives d’emploi.

Je n’ai pas enquĂŞtĂ©, mais j’imagine que les livres sur les dĂ©bouchĂ©s possibles d’un diplĂ´me en droit existent toujours, se font toujours publier, et se vendent probablement toujours. Ă€ l’Ă©vidence, les sites Web et les blogues sur les orientations de carrière offertes aux titulaires de J.D. abondent. Et des gens comme moi Ă©crivent des articles comme celui-ci pour prĂ©senter aux Ă©tudiants, aux nouveaux diplĂ´mĂ©s et aux jeunes avocats des avenues, des idĂ©es et des histoires qui leur feront dĂ©couvrir tout ce qu’il est possible de faire avec un J.D.

Ma propre cohorte de diplĂ´mĂ©s compte dĂ©jĂ  plusieurs exemples fabuleux. MĂŞme les quelques personnes avec lesquelles j’ai gardĂ© contact ou sur lesquelles je suis tombĂ©e par hasard, en personne ou en ligne, font des choses passionnantes. Cette amie qui Ă©tudiait les dĂ©bouchĂ©s possibles du diplĂ´me en droit, par exemple, a travaillĂ© au Service extĂ©rieur pendant des annĂ©es, vivant Ă  l’Ă©tranger dans des lieux fascinants, et apportant son aide aux Canadiens Ă  l’Ă©tranger dans leurs affaires, leurs voyages et d’autres opportunitĂ©s. Son diplĂ´me en droit lui avait donnĂ© un rĂ©el avantage dans le processus compĂ©titif menant Ă  cette carrière.

Professeur, doyen, juge, politicien

Certains de mes anciens camarades de classe qui n’exercent plus le droit aujourd’hui se sont engagĂ©s dans des carrières de rechange plus « traditionnelles ». Par exemple, quelques professeurs de droit, au Canada et ailleurs, comptent parmi mes anciens collègues. Ils sont tous impressionnants et distinguĂ©s, et je tire une certaine fiertĂ© du fait de pouvoir les mentionner comme d’anciens camarades (mĂŞme si, naturellement, je ne revendique aucun rĂ´le de leurs exploits). Certains sont mĂŞme passĂ©s Ă  l’administration pour poursuivre la carrière de doyen.

Certains de mes anciens camarades sont maintenant juges. Je trouve cela très impressionnant, et un petit complexe d’infĂ©rioritĂ© pointe le bout de nez quand j’y pense trop longtemps.

La politique et l’implication civique sont d’autres voies professionnelles possibles. Je compte au moins trois ou quatre personnalitĂ©s politiques, Ă  tous les niveaux de gouvernement, dont certains qui occupent des postes d’assez haut niveau. Un membre de ma cohorte de diplĂ´mĂ©s est aujourd’hui un chef très respectĂ© et influent.

Auteur, agent, producteur, réalisateur

Bien sĂ»r, parmi ces camarades de classe qui ont persistĂ© dans la voie universitaire, la publication d’un livre n’est pas rare. En tant que responsable de la collection de la bibliothèque d’une facultĂ© de droit, je vois les ouvrages nouvellement publiĂ©s entrer dans notre bibliothèque. Ce n’est plus surprenant — bien que ce soit toujours excitant — de voir le nom de mes anciens collègues sur la couverture. Dernièrement, lors d’une visite Ă  une cĂ©lèbre bibliothèque de droit amĂ©ricaine, je me suis fait un devoir de prendre en photo certains de ces livres sur ses vĂ©nĂ©rables Ă©tagères.

D’autres camarades publiĂ©s cĂ´toient ces professeurs dĂ©tenteurs d’ISBN. Un membre de ma cohorte est aujourd’hui une journaliste et une auteure respectĂ©e. Je suis convaincue que sa formation juridique et l’approche critique de la pensĂ©e juridique qu’on nous a inculquĂ©e y ont Ă©tĂ© pour quelque chose. J’ai aussi les essais d’un autre camarade sur mon Ă©tagère.

Le secteur de l’Ă©dition rĂ©serve aussi d’autres espaces pour les juristes. C’est avec beaucoup d’intĂ©rĂŞt que j’ai pris connaissance, il y a peu de temps, du travail d’une ancienne camarade devenue agente littĂ©raire. Je n’Ă©tais toutefois pas surprise : pour ĂŞtre un agent compĂ©tent, quel que soit le milieu, on tire un avantage certain du fait de possĂ©der une formation en droit.

D’autres avenues encore dans le domaine des arts sont illustrĂ©es par les rĂ©alisations de mes anciens collègues. La première fois que j’ai vu le nom d’un ami apparaĂ®tre au gĂ©nĂ©rique final d’un film, Ă  titre de producteur, j’Ă©tais ravie, mĂŞme excitĂ©e. Mais encore une fois, quoique le titre de « producteur de films » ait sans aucun doute de l’Ă©clat, un tel rĂ´le n’est pas si inattendu pour un avocat qui compte le droit du divertissement dans son champ d’expertise.

Plus rĂ©cemment, je suis tombĂ©e sur un autre ex-camarade de classe, alors que j’Ă©tais en congrès. Après nous ĂŞtre mutuellement replacĂ©s dans notre cohorte, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ©e d’apprendre qu’il menait une carrière de crĂ©ateur, rĂ©alisateur et producteur de documentaires. J’aime Ă  croire qu’il a lui aussi trouvĂ© assez cool que je sois bibliothĂ©caire d’une facultĂ© de droit.

Des annĂ©es après avoir mĂ©ditĂ© sur ce qui Ă©tait possible de faire avec un diplĂ´me en droit, j’ai appris que l’Ă©ventail des carrières et des activitĂ©s qu’il pouvait soutenir Ă©tait surprenamment large. Il est vrai que certains des collègues citĂ©s plus haut ne travaillent pas Ă  strictement parler avec leur J.D., ou que le rĂ´le de leur formation juridique dans leurs activitĂ©s ne saute pas aux yeux. Je suis cependant certaine que la plupart d’entre eux jugent que leur diplĂ´me en droit a Ă©tĂ© un outil prĂ©cieux dans leur travail, ou qu’il amĂ©liorait leurs perspectives. Je crois que ce qu’on apprend dans une facultĂ© de droit ne peut ĂŞtre dĂ©sappris, mĂŞme si on peut en oublier les dĂ©tails. Je ne pourrais peut-ĂŞtre pas restituer la dĂ©finition prĂ©cise de la règle d’interdiction des perpĂ©tuitĂ©s, mais j’ai senti un lien secret supplĂ©mentaire avec The Descendants.

Kim Nayyer est bibliothĂ©caire universitaire adjointe, Droit, et professeure agrĂ©gĂ©e auxiliaire Ă  la FacultĂ© de droit de l’UniversitĂ© de Victoria.