Double emploi : Jumeler le stage en droit au rĂ´le de parent

  • 01 octobre 2014
  • Carolynne Burkholder-James

Tout a changĂ© pour Nikki Kowalski lorsqu’elle a su qu’elle Ă©tait enceinte.

Elle Ă©tait alors Ă©tudiante en deuxième annĂ©e de droit Ă  l’UniversitĂ© de l’Alberta et venait tout juste d’accepter de faire son stage en droit au sein d’un cabinet d’avocats national Ă  Edmonton. Moins d’un an plus tard alors que le bĂ©bĂ© Ă©tait sur le point de naĂ®tre, Mme Kowalski et son conjoint ont dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Winnipeg pour se rapprocher de leurs familles.

Leur fils est nĂ© en juin 2013, seulement quelques jours après qu’elle eut passĂ© 12 entrevues pour dĂ©crocher un stage en droit. Mme Kowalski a fait sa dernière annĂ©e d’Ă©tudes en droit Ă  titre d’Ă©tudiante invitĂ©e de l’UniversitĂ© du Manitoba et est maintenant stagiaire au sein du cabinet D’Arcy & Deacon LLP Ă  Winnipeg.

Mme Kowalski n’est que l’une des nombreux Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit d’un peu partout au Canada qui doivent composer avec les exigences d’ĂŞtre nouveau parent et de faire son stage en droit en mĂŞme temps.

« Je crois que le meilleur conseil Ă  suivre est de prendre ça au jour le jour et de ne pas abandonner avant la fin de la première annĂ©e », explique Mme Kowalski.

Kristopher Henderson est devenu père en juillet 2013 au terme de sa deuxième année en droit à la Thompson Rivers University de Kamloops (Colombie-Britannique).

M. Henderson, qui est prĂ©sentement stagiaire auprès du cabinet Heather Sadler Jenkins LLP Ă  Prince George, en Colombie-Britannique, est du mĂŞme avis : entamer sa carrière en droit et fonder une famille au mĂŞme moment pose bien des dĂ©fis. Toutefois, il reconnaĂ®t que le domaine juridique peut ĂŞtre tout particulièrement difficile pour les mères qui travaillent.

 « Il est très difficile de bien Ă©quilibrer le travail et la vie personnelle lorsqu’on est parent, que l’on soit homme ou femme, » affirme-t-il. « Par contre, plusieurs de mes collègues Ă©tudiantes en droit m’ont dit que mĂŞme si elles Ă©taient prĂŞtes Ă  avoir des enfants, qu’elles se sentaient obligĂ©es de travailler quelques annĂ©es avant de fonder une famille ».

Quand Crystal Gillis a su qu’elle Ă©tait enceinte en 2011, elle Ă©tait rĂ©solue de ne pas laisser sa grossesse l’empĂŞcher de travailler dans un cabinet de Bay Street. Mme Gillis, qui a fait ses Ă©tudes Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa, est maintenant stagiaire en droit chez Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., Ă  Toronto.

« On voit souvent en manchette des titres semblables : Exode en masse des femmes qui laissent les cabinets de Bay Street. J’Ă©tais alors dĂ©terminĂ©e Ă  me battre contre ce phĂ©nomène et Ă  faire en sorte qu'un plus grand nombre de femmes restent au sein des cabinets de Bay Street et y rĂ©ussissent », explique Mme Gillis, qui a donnĂ© naissance Ă  un fils au mois d’aoĂ»t 2012.

« Mais maintenant que je suis mère, je conseille plutĂ´t aux femmes d’ĂŞtre rĂ©alistes. Il n’est pas facile d’ĂŞtre parent. C’est très enrichissant, mais ça rend certainement plus difficile le stage en droit », renchĂ©rit-elle. « Parfois, je me sens aux prises avec mon stage puisque je ne crois pas qu’il est adaptĂ© aux besoins de personnes qui ont des obligations en dehors des heures de travail ».

Il est communĂ©ment reconnu que le stage en droit reprĂ©sente l’annĂ©e la plus difficile pour tout avocat et que la première annĂ©e après la naissance d’un bĂ©bĂ© est celle qui est la plus difficile pour le nouveau parent; ainsi, il est peut-ĂŞtre insensĂ© de combiner les deux.

« Je me sens souvent comme si quelque chose m’Ă©chappait », avoue Mme Kowalski. Si je travaille durant le week-end ou bien si je reste au bureau après les heures de travail, je me sens coupable de ne pas passer plus de temps avec mon fils; si je quitte le bureau Ă  17 h, je me sens jugĂ©e par mes collègues qui s’attendent Ă  ce que je travaille plus fort ».

« Je me sens mĂ©diocre, Ă  la fois comme employĂ©e et comme mère – ce qui est difficile lorsqu’on a l’habitude d’exceller dans tout ».

Une question d’Ă©quilibre

Mme Gillis ajoute que la culture de son cabinet d’avocats lui permet de mieux faire l’Ă©quilibre entre le travail et la vie personnelle.

« Le tĂ©lĂ©travail est parfaitement acceptable chez Gowlings. Il n’y a presque personne au bureau après 19 h tous les soirs, » affirme-t-elle. « Plusieurs personnes rentrent chez elles, soupent avec leur famille et continuent de travailler une fois que les enfants sont au lit. Les ressources qui permettent l’accès Ă  distance sont fantastiques et j’y ai recours souvent ».

Mme Kowalski travaille fort au bureau, mais lorsqu’elle est avec son fils, elle lui porte toute son attention.

« En gĂ©nĂ©ral, je ne vĂ©rifie pas mes courriels le soir ou le week-end Ă  moins que je sache devoir aider dans un dossier quelconque », ajoute-t-elle.

M. Henderson trouve difficile de ne pas pouvoir passer du temps avec sa fille puisqu’il doit travailler 10 heures par jour presque tous les jours.

« Ce n’est vraiment pas Ă©vident », fait-il remarquer. « J’espère pouvoir la voir le matin et une heure ou deux le soir durant la semaine. Je suis chanceux d’avoir une conjointe qui en fait beaucoup ».

Soutien social

Un bon rĂ©seau d’aide rend la tâche d’assurer l’Ă©quilibre entre le rĂ´le de parent et le rĂ´le de stagiaire plus facile.

La mère de Mme Kowalski garde son fils pendant qu’elle et son conjoint travaillent; la conjointe de M. Henderson reste Ă  la maison avec leur fille; tandis que Mme Gillis et son conjoint ont dĂ©cidĂ© d’engager une gardienne qui s’occupe de leur fils.

« Une gardienne d’enfants qui n’habite pas Ă  domicile est peut-ĂŞtre l'option la plus dispendieuse, mais c’est le bon choix pour nous cette annĂ©e », souligne-t-elle. « Nous considĂ©rons que c’est un investissement dans nos carrières ».

Mme Gillis fait aussi savoir que ses collègues sont d’un grand soutien.

« Plusieurs des femmes avec qui je travaille ont Ă©tĂ© pour moi de magnifiques mentors », ajoute-t-elle. « Il faut pouvoir bĂ©nĂ©ficier d’un très bon et solide rĂ©seau d’aide sinon le stage sera certainement beaucoup plus difficile ».

Mme Kowalski souligne qu’elle peut se tourner vers ses collègues pour du soutien.

« C’est très agrĂ©able de pouvoir se confier aux gens du bureau », constate-t-elle. Mon directeur de stage me dit souvent que mon fils doit ĂŞtre en tĂŞte de mes prioritĂ©s en ce moment. Je suis heureuse de son soutien et je peux toujours lui parler si je ne sais plus oĂą donner de la tĂŞte ».

M. Henderson conseille aux nouveaux parents de demander de l’aide auprès des membres de la famille.

« Ne soyez pas gĂŞnĂ©s de laisser savoir aux autres que vous ne pouvez pas toujours tout faire par vous-mĂŞme », conseille-t-il. « Aucune mĂ©daille et aucun prix ne sont dĂ©cernĂ©s pour avoir accompli quelque chose sans avoir demandĂ© de l’aide Ă  personne ».

Mme Gillis donne un dernier conseil aux stagiaires en droit qui ont de jeunes enfants : « Ce n’est pas facile, mais on en vient certainement Ă  bout ».

Carolynne Burkholder-James est stagiaire en droit au cabinet Heather Sadler Jenkins LLP à Prince George (Colombie-Britannique). Sa fille, Mary, est née au mois de septembre 2012.