Comment rédiger une lettre-contrat pour éviter d’éventuels problèmes par la suite

  • 18 septembre 2014
  • Edward Poll

Il est absolument impĂ©ratif que, dans le cadre d’une entreprise commerciale et professionnelle, les avocats et avocates obtiennent une lettre-contrat signĂ©e pour tout nouveau client ou cliente, prĂ©cisant les responsabilitĂ©s assignĂ©es Ă  chacune des parties, et ce, afin de faire de la relation d’affaire une vĂ©ritable rĂ©ussite.

En intĂ©grant tous les Ă©lĂ©ments essentiels Ă  votre lettre-contrat, vous savez avec certitude que vous rĂ©pondrez bien aux attentes de votre client tout en garantissant que obtiendrez les honoraires qui vous sont dus. Veillez Ă  ce que votre client comprenne bien qu’il s’agit d’une relation bilatĂ©rale. L’avocat ou l’avocate convient en effet d’exĂ©cuter son mandat au mieux de sa capacitĂ© et conformĂ©ment aux normes qui rĂ©gissent sa profession, tandis que le client accepte de communiquer et de collaborer entièrement avec l’avocat ce qui implique le paiement des honoraires.

Il faut au minimum que les points suivants soient traitĂ©s dans la lettre-contrat, dans laquelle l’avocat et le client affirment leur entente Ă  propos des faits Ă©noncĂ©s et conviennent de respecter les clauses Ă©tablies de concert:

  • Qui l’avocat reprĂ©sente-t-il exactement?
  • La portĂ©e de cette reprĂ©sentation - ce que l’avocat doit faire et ne pas faire
  • Les honoraires facturĂ©s et la manière dont ils seront calculĂ©s
  • La date de paiement des honoraires
  • Les consĂ©quences dĂ©coulant du non-paiement des honoraires, y compris le droit de retrait de l’avocat
  • Le budget et la dotation en personnel
  • La frĂ©quence et le mode de communications privilĂ©giĂ© entre l’avocat et le client
  • Les responsabilitĂ©s du client, y compris le paiement des honoraires conformĂ©ment Ă  l’entente
  • Les mĂ©canismes de rĂ©solution des conflits advenant que l’une des parties Ă  l’entente entre en conflit avec l’autre
  • RĂ©solutions des conflits d’intĂ©rĂŞts et autres questions de nature dĂ©ontologique.

Cette liste est Ă©videmment plutĂ´t axĂ©e sur les aspects financiers de l’entente, et ce, pour de bonnes raisons : en effet, stipuler dans l’entente les tarifs des honoraires et les conditions de paiement dès le dĂ©but est la meilleure façon de se faire payer. Et c’est particulièrement vrai si l’on tient compte d’un certain nombre de facteurs sur la liste susceptibles d’influencer la conduite du client Ă  l’Ă©gard du paiement, par exemple :

  • Les budgets : dans chaque lettre-contrat, prĂ©cisez que vous dresserez un budget Ă©numĂ©rant les Ă©vĂ©nements, les dates et l’argent impliquĂ©; le client ou la cliente paiera ce qu’il doit Ă  partir de ce budget, qu’il doit accepter avant que l’avocat ne commence Ă  exĂ©cuter le travail. Cette mesure augmente considĂ©rablement les chances que vous obteniez vos honoraires parce que le client sait et comprend exactement ce que vous attendez de lui.

  • DĂ©penses accessoires : chaque dĂ©pense accessoire devrait ĂŞtre prĂ©cisĂ©e dans la lettre. Sachez, cependant, que mĂŞme si l’entente avec le client Ă©nonce que vous pouvez facturer Ă  l’ouverture d’un dossier pour chaque affaire ou pour la photocopie d’un dossier avant de le remettre au client sur demande, il se peut que le client se sente lĂ©sĂ© parce qu’on lui facture des « peccadilles » qui, selon lui, devraient faire partie des frais gĂ©nĂ©raux.

  • Communications : la communication, ou son absence, constitue la raison la plus frĂ©quemment citĂ©e par les clients et clientes pour motiver leur insatisfaction. La lettre-contrat devrait explicitement Ă©noncer que vous aviserez le client au prĂ©alable de toute dĂ©pense majeure, particulièrement si cette somme n’est pas prĂ©vue au budget tel qu’approuvĂ©. Si vous soupçonnez que le ralentissement montrĂ© par votre client dans le paiement de vos honoraires est dĂ» Ă  son insatisfaction, tâchez de vĂ©rifier immĂ©diatement ce qu’il en est auprès de lui et de savoir pour quelle raison il n’est pas satisfait de vos services.

Un autre secteur qui doit impĂ©rativement ĂŞtre traitĂ© dans la lettre-contrat concerne les comptes en fiducie. Les honoraires fixes ou les sommes versĂ©es en acompte peuvent ĂŞtre prĂ©levĂ©s sur le compte en fiducie du client selon les conditions Ă©noncĂ©es dans la lettre-contrat. Les prĂ©lèvements peuvent ĂŞtre prĂ©vus en fonction de la survenue d’Ă©vĂ©nements spĂ©cifiques comme une date dĂ©terminĂ©e, le dĂ©pĂ´t d’une plainte ou la signature d’un règlement ou d’une entente de fusionnement.

MĂŞmes les sommes versĂ©es Ă  titre d’acompte peuvent ĂŞtre versĂ©es dans un compte gĂ©nĂ©ral si l’entente prĂ©cise que cette avance sur honoraires ne concerne pas un futur travail, mais ce pour quoi l’avocat a Ă©tĂ© engagĂ© (et ainsi retirĂ© du commerce). Certains avocats et avocates diviseront cette somme en plaçant une partie Ă  titre de provision pour frais non remboursable et le solde dans un compte en fiducie qui sera prĂ©levĂ© dès que le travail aura Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©. Cette mĂ©thode Ă©tablit une distinction nette entre les deux Ă©lĂ©ments, une fois encore en fonction d’un Ă©vĂ©nement ou d’une date spĂ©cifique qui dĂ©clenche le prĂ©lèvement sur le compte en fiducie et vous permet de verser cette somme dans votre compte gĂ©nĂ©ral ou compte d’exploitation. Ce qui vous Ă©vite d’attendre l’approbation du client après le fait et vous permet d’obtenir votre argent plus rapidement.

Si, malgrĂ© cela, le client vous reproche d’ĂŞtre trop cher, vous pouvez rĂ©pondre que d’autres clients estiment que l’investissement qu’ils placent dans vos services pour rĂ©gler leurs problèmes est largement justifiĂ© par les rĂ©sultats obtenus. Vous pouvez aussi vous mettre Ă  la place de ce client et accepter qu’il cherche un autre avocat parce que vos honoraires ne sont pas nĂ©gociables. Souvent, cette attitude suscite deux rĂ©actions :

  1. le client est impressionné par vos talents de négociateur et veut être représenté par vous, même si vous êtes cher et il acceptera par conséquent les conditions stipulées dans la lettre-contrat; ou
  2. le client vous quitte, mais devient une sorte de publicitĂ© nĂ©gative ambulante, tentant de convaincre ceux et celles qui veulent bien l’Ă©couter que vous devez ĂŞtre vraiment compĂ©tent vu que vous ĂŞtes agressif, cher et arrogant.

Vous pouvez aussi vous montrer plus souple et tenir compte de cette prĂ©occupation financière, non pas en baissant vos tarifs mais en acceptant de fournir des services « en-dessous du marchĂ© ». Autrement dit, pour un montant X , vous exĂ©cuterez telle tâche et pour un montant Y vous en accomplirez une autre (X moins « abc »). Ainsi, le client ou la cliente saisit le message que, sans modifier vos tarifs pour autant, vous facturez un prix diffĂ©rent selon qu’il s’agit d’un service de qualitĂ© diffĂ©rente.

Si le fait de retourner les appels du client dans les deux heures suivantes est compris dans votre tarif horaire rĂ©gulier, avisez le client qu’il peut bĂ©nĂ©ficier d’un tarif spĂ©cial en acceptant un dĂ©lai de rĂ©ponse de 24 heures. En prenant ainsi des ententes de ce type dès le dĂ©part, vous augmentez considĂ©rablement vos chances d’obtenir vos honoraires en temps voulu car le client sait prĂ©cisĂ©ment Ă  quoi s’attendre.

Passer par le processus de nĂ©gociation avec le client potentiel en vue de prĂ©parer la lettre d’engagement et d’Ă©numĂ©rer en dĂ©tail les services qui seront fournis empĂŞche le client d’avoir des attentes ou des requĂŞtes irrĂ©alistes. Votre client comprendra aussi que vos Ă©valuations, qu’il s’agisse des dĂ©lais d’action, de l’issue de la cause ou des coĂ»ts demandĂ©s, sont des garanties au lieu d’ĂŞtre de simples estimations.

Le fait de discuter des conditions de l’engagement vous rĂ©vèlera le client facilement irritable avec la question des retards, qui se plaint systĂ©matiquement Ă  propos de tout, qui exige une attention immĂ©diate ou continuelle ou encore qui a des attentes irrĂ©alistes ou extravagantes.

Il faut se mĂ©fier des clients qui ne peuvent ou ne veulent pas discuter des honoraires ni prendre une entente Ă  leur sujet ou encore qui refusent de signer une entente sur vos honoraires ou de verser un acompte Ă  l’ouverture du dossier. Les clients qui veulent commencer immĂ©diatement et payer plus tard ou qui tergiversent au sujet des honoraires pourraient ĂŞtre enclins Ă  dĂ©poser une plainte ou contester vos honoraires en justice. MĂ©fiez-vous aussi des clients et clientes qui :

  • Clament que leur affaire est une  « question de vie ou de mort »; ce type de clients aura tendance Ă  rĂ©clamer des services d’urgence Ă  la dernière minute qui, au mieux, seront irritants et, au pire, pourraient vous faire commettre des erreurs Ă  cause des pressions exercĂ©es.
  • Recourent Ă  des tactiques de pressions pour vous forcer Ă  traiter de leur dossier en prioritĂ© dès que le mandat vous est confiĂ©.
  • Ont tendance Ă  dĂ©nigrer les avocats et le système judiciaire ou laissent entendre qu’ils en savent plus que les avocats sur ce qu’il faut faire.
  • Sont incapables de formuler clairement ce qu’ils attendent de vous.

Refuser ces clients avant de vous engager Ă  les reprĂ©senter minimisera les difficultĂ©s que vous auriez eues Ă  vous faire payer et Ă©vitera que vous fassiez l’objet de plaintes pour faute professionnelle. Retenez que le moment idĂ©al pour mettre les choses au point, c’est dès le dĂ©but de la relation, lorsque l’avocat et le client prĂ©parent ensemble la lettre d’engagement.

Edward Poll (edpoll@lawbiz.com) est CMC et mentor de procureurs et de cabinets juridiques Ă  Los Angeles pour les aider Ă  devenir plus rentables. Il est l’auteur de Attorney and Law Firm Guide to the Business of Law : Planning and Operating for Survival and Growth, 2nd ed. (ABA, 2002), Collecting Your Fee: Getting Paid from Intake to Invoice (ABA, 2003) et, plus rĂ©cemment, de Selling Your Law Practice: The Profitable Exit Strategy (LawBiz, 2005).