La conformité aux règles sur les changements climatiques à une époque incertaine

  • 25 mai 2018
  • Ann Macaulay

Selon les juristes qui exercent dans le secteur de l’Ă©nergie en Alberta, nous vivons une Ă©poque d’incertitude dans le domaine de la conformitĂ© aux règles sur les changements climatiques.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques en dĂ©cembre 2017 pour satisfaire Ă  l’engagement qu’il a pris, en vertu de l’Accord de Paris de 2015, de fixer des objectifs pour rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Il a ensuite publiĂ©, en janvier de cette annĂ©e, une proposition lĂ©gislative concernant la Loi sur la tarification de la pollution causĂ©e par les gaz Ă  effet de serre en vue de recueillir les commentaires du public. La Loi aidera Ă  clarifier ce Ă  quoi l’on s’attend de la part des entreprises. Elle propose un système fĂ©dĂ©ral de tarification du carbone, y compris une taxe sur les combustibles fossiles et un système de tarification fondĂ© sur la production pour les installations industrielles.

« L’incertitude quant aux provinces et territoires qui seront assujettis Ă  la nouvelle loi perdurera jusqu’Ă  l’automne », dĂ©clare Cairns Price, avocat principal chez MEG Energy Corp. Ă  Calgary. La lĂ©gislation fĂ©dĂ©rale proposĂ©e, qui devrait ĂŞtre promulguĂ©e cet automne, sera mise en Ĺ“uvre, en tout ou en partie, en janvier prochain dans toute province ne possĂ©dant pas de système de tarification du carbone satisfaisant Ă  la norme fĂ©dĂ©rale.

Le « projet de proposition lĂ©gislative pour la garantie fĂ©dĂ©rale s’appliquerait au cas oĂą les provinces n’atteignent pas le seuil infĂ©rieur de tarification du carbone prĂ©vu dans le cadre fĂ©dĂ©ral pancanadien », affirme Me Price, membre du groupe de discussion qui s’est penchĂ© sur la conformitĂ© avec les règles en matière de changements climatiques dans le secteur de l’Ă©nergie lors du Sommet de l'ABC en droit de l’environnement, de l’Ă©nergie et des ressources Ă  Winnipeg en mai.

Le gouvernement a demandĂ© aux provinces et aux territoires de lui indiquer, d’ici la fin mars 2018, si elles prĂ©voient d’utiliser le mĂ©canisme fĂ©dĂ©ral. Celles qui choisissent d’Ă©tablir ou de maintenir leurs propres plans de tarification du carbone doivent les prĂ©senter d’ici le 1er septembre. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral confirmera ensuite si le système provincial de tarification du carbone satisfait Ă  la norme fĂ©dĂ©rale, dit Me Price. La Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le QuĂ©bec possèdent dĂ©jĂ  ou sont en train de mettre en Ĺ“uvre leur propre système respectif, et l’on prĂ©voit que ces provinces tenteront chacune de convaincre le gouvernement fĂ©dĂ©ral que leur système satisfait Ă  la norme fĂ©dĂ©rale.

« Le gouvernement de l’Alberta a largement devancĂ© le Cadre pancanadien et les clients de son secteur de l’Ă©nergie rĂ©pondaient dĂ©jĂ  au Climate Leadership Plan de l’Alberta et Ă  son nouveau Carbon Competitiveness Incentive Regulation, entrĂ© en vigueur le 1er janvier de cette annĂ©e », dĂ©clare John Goetz, membre d’un groupe de discussion lors du Sommet et directeur chez EnerNext Partners Ă  Calgary. En vertu du nouveau règlement, les installations qui Ă©mettent plus d’une mĂ©gatonne de gaz Ă  effet de serre ont chacune reçu une affectation de fonds axĂ©e sur les rĂ©sultats en fonction des normes pour le genre d’installation exploitĂ©e, dit-il.

« Comme le programme fĂ©dĂ©ral est largement conçu sur le modèle de la taxe hybride sur le carbone et sur le programme d’affectation de fonds axĂ©e sur les rĂ©sultats en vigueur en Alberta, et puisque l’Alberta et le gouvernement fĂ©dĂ©ral ont collaborĂ© Ă©troitement, les reprĂ©sentants du Climate Change Office de l’Alberta ont dĂ©clarĂ© qu’ils s’attendent Ă  ce que leur programme satisfasse aux exigences fĂ©dĂ©rales et prĂ©voient d’accroĂ®tre leur tarification du carbone pour la faire correspondre Ă  la tarification fĂ©dĂ©rale. Ni conflit, ni doublon, n’est donc prĂ©vu. »

Les objectifs de rĂ©duction des Ă©missions pour les Ă©metteurs rĂ©glementĂ©s ont presque doublĂ© depuis 2015, et dans certains cas ont plus que doublĂ©, et d’autres augmentations s’en viennent, dit Me Goetz. « Cela signifie que ces clients s’efforcent de trouver des moyens de rĂ©duire leurs Ă©missions et le coĂ»t de leur conformitĂ© de toutes les façons possibles, y compris en participant Ă  des Ă©changes de droits d'Ă©mission et en mettant en Ĺ“uvre des technologies novatrices pour rĂ©duire les Ă©missions. »

En 2007, l’Alberta est devenue la première province canadienne Ă  promulguer une lĂ©gislation sensĂ©e en matière de changement climatique, affirme Thomas McInerney, associĂ© dans le cabinet Bennett Jones LLP Ă  Calgary. « Le Specified Gas Emitters Regulation Ă©tait axĂ© sur la rĂ©duction de l’intensitĂ© des Ă©missions des grands Ă©metteurs de la province. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a pris un Ă©lan considĂ©rable quant Ă  la lĂ©gislation sur le changement climatique. Le gouvernement de l’Alberta a vu ce qui se profilait Ă  l’horizon et a dĂ©cidĂ© qu’il serait sage de prendre les devants et de se doter lui-mĂŞme d’un rĂ©gime plutĂ´t que de risquer de s’en voir imposer un. » Il ajoute : « il est manifeste que la conception de la garantie de tarification du carbone fĂ©dĂ©rale est issue d’un dialogue entre Ottawa et les provinces, celle de l’Alberta en particulier ».

« L’Alberta aborde les changements climatiques sur un certain nombre de fronts dĂ©cisionnels, y compris l’Ă©limination graduelle de la production d’Ă©nergie produite par des centrales thermiques au charbon, la promotion de la production d’Ă©nergies renouvelable au moyen des encans du Renewable Electricity Program, le plafonnement des Ă©missions produites par l’exploitation des sables bitumineux Ă  100 MT par an et la mise en Ĺ“uvre d’une taxe sur le carbone et la promulgation du nouveau Carbon Competitiveness Incentive Regulation, qui remplace le Specified Gas Emitters Regulation. »

L’Alberta affecte actuellement avec efficacitĂ© un prix au carbone au moyen de la taxe sur le carbone et du CCIR, dĂ©clare Me McInerney, « la première s’applique aux combustibles destinĂ©s au chauffage et aux transports au sein de la province, et le second crĂ©Ă© un système d’affectation de fonds axĂ©e sur les rĂ©sultats qui exige des grandes installations Ă©mettrices qu’elles rĂ©duisent leurs Ă©missions nettes pour atteindre le niveau d’Ă©missions prescrit pour chaque produit qu’elle fabrique. »

Pour le moment, la garantie de tarification du carbone fĂ©dĂ©rale prĂ©sentĂ©e dans la Loi sur la tarification de la pollution causĂ©e par les gaz Ă  effet de serre ne signifie pas grand-chose pour l’Alberta, puisque sa tarification du carbone est supĂ©rieure Ă  celle prescrite par le gouvernement fĂ©dĂ©ral, soit 10 $ par tonne pour 2018, selon Me McInerney. Cependant, deux situations particulières pourraient opposer l’Alberta Ă  la garantie fĂ©dĂ©rale.

En premier lieu, si les Ă©lections provinciales de 2019 se soldent par l’avènement d’un nouveau gouvernement, il reste Ă  savoir s’il conservera le rĂ©gime actuel de tarification du carbone ou s’il adoptera une attitude plus combative Ă  l’instar de la Saskatchewan, sa voisine, qui s’est opposĂ©e Ă  une taxe sur le carbone et remet actuellement en cause la lĂ©gitimitĂ© de la garantie fĂ©dĂ©rale, qui lui en imposerait une en l’absence de prise de mesures par cette province.

En second lieu, mĂŞme si le NPD de l’Alberta demeure au pouvoir, la taxe sur le carbone et le CCIR, s’ils ne sont pas modifiĂ©s, ne satisferont pas aux exigences de la garantie fĂ©dĂ©rale en 2021 lorsque sa tarification du carbone sera rehaussĂ©e Ă  40 $ par tonne, avant de parvenir Ă  son maximum de 50 $ par tonne en 2022. « Le gouvernement actuel de l’Alberta a indiquĂ© très clairement que la mise en Ĺ“uvre de ses politiques en matière climatique doit ĂŞtre fondĂ©e sur l’Ă©limination de l’opposition Ă  la construction d’un olĂ©oduc vers un port maritime et sur l’appui du gouvernement fĂ©dĂ©ral pour la concrĂ©tisation de cette condition. Par consĂ©quent, tout Ă©chec de la construction d’un tel olĂ©oduc pourrait se solder par une approche radicalement diffĂ©rente de l’Alberta envers la politique en matière de changement climatique et la tarification du carbone en particulier. »

Ann Macaulay rédige fréquemment des articles pour EnPratique.