Pouvons-nous faire affaire? Faites jouer les accords commerciaux en votre faveur

  • 25 mai 2018
  • Kim Covert

Pour la personne inattentive, les conventions politiques internationales, comme les accords commerciaux et les sanctions visant certains pays, peuvent ressembler Ă  des labyrinthes aux mille virages brusques et pierres d’achoppement; mais pour l’avocat interne rompu Ă  leurs rouages, ils recèlent un trĂ©sor de possibilitĂ©s.

C’Ă©tait lĂ  le message clĂ© de la table ronde qui, Ă  la dernière ConfĂ©rence annuelle de l’ACCJE Ă  Toronto, portait sur les moyens de tirer le maximum d’un accord commercial. Ses participants, Me Heather Innes, avocate spĂ©cialisĂ©e en commerce international ayant travaillĂ© pour General Motors, Me Cyndee Todgham Cherniak, fondatrice de LexSage, et Me Elliot J. Burger, directeur de la conformitĂ© chez ATS Atomation Tooling Systems Inc., y ont abordĂ© les obstacles comme les possibilitĂ©s de ces conventions internationales.

« Vous n’ĂŞtes pas que les avocats de votre entreprise : vous en ĂŞtes des partenaires stratĂ©giques », a expliquĂ© Me Innes. Les avocats internes sont les mieux placĂ©s pour comprendre non seulement les lois, les politiques et les relations internationales, mais aussi leurs possibles mutations et ce que leur entreprise peut en tirer.

« Tout flux international met en jeu des variables commerciales, fait remarquer Me Innes. Chaque fois que des gens, des produits, des composantes ou des biens finis traversent une frontière, il y a des variables Ă  apprĂ©hender. »

Qui plus est, ces variables risquent fort de toucher tous les services de l’entreprise. Ainsi, dans un cas rĂ©cent, a rapportĂ© Me Todgham Cherniak, le sens de « pays d’origine » Ă©chappait au service des TI d’une entreprise qui, par le fait mĂŞme, n’Ă©tait pas conscient des possibles consĂ©quences de cette ignorance advenant l’arrivĂ©e de composantes ou de code Ă©trangers. « Si vous dites aux TI Ă  quel point cette notion est importante dans leur travail, mais sans leur expliquer ce qu’elle veut dire, vous n’avez rien fait d’utile. »

Certes, il s’agit lĂ  d’un exemple d’obstacle, mais qu’en est-il des potentialitĂ©s? L’histoire nous enseigne, a soulignĂ© Me Innes, qu’en cas d’incertitude Ă©conomique, c’est les États-Unis qui profitent le plus du commerce international. Cela Ă©tant, il existe des facteurs internationaux susceptibles de renverser la vapeur; certains tirent mĂŞme leur source de la conjoncture actuelle chez nos voisins du Sud.

Par exemple, les États-Unis ont menacĂ© d’imposer des droits sur l’acier. La rĂ©ponse de l’Allemagne et du Japon a Ă©tĂ© sans Ă©quivoque : ils ne nĂ©gocieront pas sur cette question. Ne serait-ce pas lĂ  l’occasion pour le Canada, remarque Me Innes, de produire lui-mĂŞme son acier exempt de droits? Les États-Unis menacent aussi d’imposer des droits sur certaines marchandises chinoises sous prĂ©texte que la Chine ne respecte pas ses accords commerciaux, ajoute Me Innes. VoilĂ  une occasion profitable pour les entreprises canadiennes qui vendent ces marchandises. Qui plus est, la Chine a menacĂ© les États-Unis de leur rendre la monnaie de leur pièce – comme quoi une possibilitĂ© n’attend pas l’autre. « Les entreprises canadiennes ont tout intĂ©rĂŞt Ă  surveiller la prĂ©sence des États-Unis sur leurs marchĂ©s : avec l’imposition de droits exorbitants, cette prĂ©sence risque de se rĂ©duire comme peau de chagrin. »

« On ne fanfaronne pas comme ça sans en subir les consĂ©quences », ajoute Me Burger. Le fait pour Trump de gazouiller son intention d’imposer des droits d’importation peut avoir des rĂ©percussions concrètes sur votre entreprise. « On vous demande, Ă  titre de juriste d’entreprise, d’interprĂ©ter ce que ces gazouillis signifient pour votre entreprise. La rĂ©ponse, c’est qu’il faut attendre que la poussière retombe et que les adultes prennent la parole. »

Le Canada signait dernièrement le PTPGP, un Accord de Partenariat transpacifique amĂ©liorĂ©, et a conclu l’AECG avec l’Union europĂ©enne – deux accords auxquels les États-Unis ne sont pas partie.

Me Todgham Cherniak donne l’exemple d’une situation oĂą l’absence des États-Unis peut s’avĂ©rer profitable aux entreprises canadiennes : supposons qu’il y a un an, l’UE entreposait des marchandises aux États-Unis en vue de les revendre Ă  l’international. Ă€ prĂ©sent, cet entrepĂ´t pourrait se trouver au Canada, d’oĂą les marchandises seraient alors expĂ©diĂ©es aux États-Unis.

Les sanctions aussi, a ajoutĂ© Me Burger, regorgent de possibilitĂ©s, car les États-Unis ont tendance Ă  ratisser plus large que le Canada sur ce plan. Ainsi, certaines activitĂ©s pourraient se trouver sanctionnĂ©es par les États-Unis, mais pas par le Canada, ce qui se traduirait par des occasions d’affaires pour les entreprises canadiennes.

« MĂŞme dans l’incertitude, les sociĂ©tĂ©s peuvent agir pour optimiser leur efficacitĂ© et leur compĂ©titivitĂ© », a affirmĂ© Me Innes. Ses recommandations :

  • Cernez les domaines dans lesquels votre entreprise fait affaire.
  • Cernez les accords commerciaux qui peuvent influer sur l’empreinte, les schĂ©mas d’approvisionnement et les marchĂ©s de votre entreprise.
  • Demandez-vous si vous tirez pleinement profit de ces accords commerciaux. Sinon, pourquoi?

En ce qui a trait Ă  la prĂ©paration aux changements anticipĂ©s ou Ă  la mise en branle de changements souhaitables :

  • Veillez Ă  ce que toute l’entreprise comprenne les enjeux.
  • Collaborez avec vos Ă©quipes de direction, d’approvisionnement, de commercialisation, des finances et des communications pour tirer le maximum des accords en vigueur, gĂ©rer les recours commerciaux et les changements opĂ©rationnels, et planifier les changements anticipĂ©s.
  • Participez au processus : prenez part aux nĂ©gociations et collaborez avec votre Ă©quipe des relations gouvernementales et avec les associations externes pour faire jouer les rĂ©sultats en votre faveur.