Une taxe sur Netflix pourrait être instaurée au Canada

  • 27 fĂ©vrier 2017
  • Julie Sobowale

Popcorn

Vos plans de dĂ©tente avec Netflix sont-ils menacĂ©s? C’est ce qu’affirment les gros titres depuis quelques semaines alors que le gouvernement fĂ©dĂ©ral envisage de prĂ©lever des taxes supplĂ©mentaires sur les services de diffusion en continu. Bien qu’on ne sache pas si une taxe sera perçue et quand cela pourrait avoir lieu, le dĂ©bat soulève les questions des mĂ©dias numĂ©riques, du contenu canadien et de la rĂ©forme fiscale.

L’histoire de Netflix a commencĂ© en 1997 lorsque la sociĂ©tĂ© expĂ©diait des DVD aux consommateurs par la poste. En 2007, elle a inaugurĂ© ses services de diffusion en continu et en 2013 a commencĂ© Ă  publier son propre contenu original. Netflix a conquis le marchĂ© canadien en 2010 et est dĂ©sormais exploitĂ©e dans plus de 190 pays. Alors mĂŞme que des concurrents s’aventurent sur le marchĂ©, y compris Amazon Prime Video et CraveTV de Bell, Netflix demeure chef de file dans le domaine des services de diffusion en continu. Au Canada, ce nouveau marchĂ© a suscitĂ© des questions quant Ă  la façon de traiter le contenu en ligne provenant de sociĂ©tĂ©s Ă©trangères.

« Il semble exister un nouveau consensus international selon lequel les services fournis aux consommateurs au moyen de technologies de communication numĂ©rique devraient ĂŞtre imposĂ©s conformĂ©ment aux règles du pays de rĂ©sidence du consommateur », dĂ©clare Bob Tarantino, avocat dans le cabinet Dentons, et prĂ©sident sortant de la section du droit du divertissement, de l’information et des communications de l’Association du Barreau de l’Ontario. « Ă€ un moment donnĂ©, ce consensus se traduira par des engagements exĂ©cutoires en vertu de traitĂ©s et des modifications des règles de perception des taxes nationales. »

Le dĂ©bat portant sur une « taxe sur Netflix » tourne autour de deux rĂ©gimes fiscaux possibles. Les fournisseurs de contenu canadien ont affirmĂ© que les services Ă©trangers de diffusion en continu devraient ĂŞtre tenus de s’acquitter de paiements au titre de l’apport culturel. Les services de diffusion en continu, dont Netflix, sont actuellement dispensĂ©s de contributions au Fonds des mĂ©dias du Canada. Les dĂ©fenseurs de la taxe soutiennent que les paiements aideraient Ă  financer davantage de contenu canadien et Ă  crĂ©er des conditions Ă©quitables pour les fournisseurs canadiens qui sont tenus d’effectuer les paiements. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a rejetĂ© cette idĂ©e et les groupes de consommateurs tels qu’Open Media dĂ©fendent l’idĂ©e de l’absence d’ajout de nouvelles taxes sur le contenu numĂ©rique ou sur l’Internet.

« Cette question n’est pas dĂ©battue », dĂ©clare Michael Geist, chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce Ă©lectronique et professeur titulaire Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa. « Ce n’est ni nĂ©cessaire, ni bien avisĂ©. Netflix effectue des investissements considĂ©rables au Canada et la politique d’apports fait partie d’un contexte plus vaste. »

L’autre solution serait que le gouvernement fĂ©dĂ©ral perçoive une taxe de vente sur les services Ă©trangers de diffusion en continu. Cela Ă©tendrait le cadre actuel de TPS/TVH aux sociĂ©tĂ©s telles que Netflix sans imposer de rĂ©gime fiscal entièrement nouveau. Alors que la taxe sur les ventes tomberait dans les recettes gĂ©nĂ©rales du Canada, selon l’une des propositions, une partie de ces fonds pourrait ĂŞtre utilisĂ©e pour soutenir le contenu canadien.

« Il s’agit d’une question d’Ă©quitĂ© », affirme M. Tarantino. « Les services de diffusion numĂ©rique situĂ©s au Canada doivent facturer et remettre la TVH. Les services de diffusion numĂ©rique qui ne sont pas situĂ©s au Canada ne sont pas tenus de le faire, mĂŞme s’ils visent spĂ©cifiquement des consommateurs canadiens. C’est injuste et cela donne aux Ă©trangers un avantage concurrentiel sur le marchĂ© canadien. »

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral n’a pas indiquĂ© quand il promulguera la lĂ©gislation visant Ă  taxer les services Ă©trangers de diffusion en continu, mais il apporte son soutien Ă  l’idĂ©e. Il a entĂ©rinĂ© le Principe de la destination Ă©noncĂ© par l’Organisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomique, selon lequel les fournisseurs devraient payer des taxes dans le pays de rĂ©sidence du consommateur final.

« Cela crĂ©erait des conditions Ă©quitables pour les fournisseurs de services numĂ©riques tant canadiens qu’Ă©trangers », affirme M. Tarantino. « En Ontario du moins, cela signifie l’Ă©limination de la diffĂ©rence de 13 % au niveau des frais payĂ©s par le consommateur dont profitent actuellement les fournisseurs de service Ă©trangers tels que Netflix. Si votre concurrent offre un meilleur prix de l’ordre de 13 % par rapport au vĂ´tre, avantage uniquement dĂ» au rĂ©gime fiscal, cela va inĂ©vitablement tĂ´t ou tard avoir des incidences sur les dĂ©cisions prises par les consommateurs. »

Si le gouvernement fĂ©dĂ©ral va de l’avant, le Canada serait l’un des seuls pays imposant une taxe de vente sur des services Ă©trangers de diffusion en continu. Cette annĂ©e, l’Australie commencera Ă  percevoir une taxe sur les sociĂ©tĂ©s telles que Netflix. En attendant, l’Union europĂ©enne s’efforce de concevoir un rĂ©gime fiscal uniformisĂ© pour les mĂ©dias numĂ©riques, mais se heurte aux diffĂ©rents rĂ©gimes de taxes de vente de ses membres. MĂŞme avec ces questions, l’obstacle le plus important est celui de l’exĂ©cution. Les sociĂ©tĂ©s Ă©trangères devraient s’inscrire pour pouvoir remettre la taxe.

« Le Canada a une capacitĂ© relativement faible pour forcer les Ă©trangers Ă  se conformer aux lois fiscales canadiennes », dĂ©clare M. Tarantino. « Pour ĂŞtre clair, il ne s’agit pas de difficultĂ©s spĂ©cifiques au Canada. Tous les pays qui perçoivent une TVA font face Ă  des dĂ©fis similaires, et il faudra fixer des normes internationales et coopĂ©rer pour mettre en Ĺ“uvre un rĂ©gime “Ă  toute Ă©preuve”. »

Une nouvelle taxe pourrait Ă©galement avoir des rĂ©percussions sur les fournisseurs de diffusion en continu de plus petite taille. L’expansion de la TPS/TVH aux fournisseurs de contenu numĂ©rique pourrait signifier que les petites sociĂ©tĂ©s pourraient avoir des difficultĂ©s Ă  percevoir et Ă  remettre la taxe. Existe en outre le risque de rĂ©percussion de ces coĂ»ts sur les consommateurs.

« La taxe sur Netflix obligera tous les fournisseurs de diffusion en continu numĂ©rique Ă  percevoir et Ă  remettre la taxe de vente, et il est probable qu’un grand nombre de ces entreprises ne produiront que des recettes fiscales minimes », dĂ©clare Len Glickman, associĂ© dans le cabinet Cassels Brock et ancien prĂ©sident de la Section du droit du divertissement, de l’information et des tĂ©lĂ©communications de l’ABC. « Cela pourrait rendre le processus administratif de collecte des dettes fiscales produites par un volume Ă©levĂ© de transactions de faible importance plus onĂ©reux que les recettes marginales produites par ces fournisseurs de petite taille. Il importera que le gouvernement et la communautĂ© internationale mettent en Ĺ“uvre un montant raisonnable au titre de l’exonĂ©ration. »

La taxe de vente sur les services de diffusion en continu freinera-t-elle la croissance du marchĂ© canadien ou fournira-t-elle les fonds nĂ©cessaires pour accroĂ®tre le contenu canadien? Seul l’avenir le dira.

Julie Sobowale rĂ©dige frĂ©quemment des articles pour EnPratique de l'ABC.

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