Les défis inhérents à l’évaluation du rendement des dirigeants d’un cabinet

  • 21 septembre 2017
  • Patrick J. McKenna

Performance evaluationRemarque : Cet article a été publié pour la première fois en ligne (disponible uniquement en anglais). Il est reproduit avec l’autorisation de son auteur.

Dans un article que j’ai lu récemment, Donald Mrozek, l’ancien président du cabinet Hinshaw Culbertson, écrivait sur la question de savoir comment évaluer les dirigeants des cabinets juridiques (How To Evaluate Law Firm Leaders - disponible uniquement en anglais). Alors que je suis d’accord sur la théorie générale véhiculée par ce message selon laquelle les dirigeants des cabinets juridiques devraient recevoir une rétroaction, mon expérience révèle qu’il est essentiel de reconnaître qu’en pratique sa mise en œuvre présente un certain nombre d’obstacles.

Première difficulté : la plupart des dirigeants de grands cabinets juridiques ne possèdent pas de description de tâche officielle. Alors, comment évaluer quelqu’un qui n’est pas exactement certain de l’étendue de ses tâches?

J’ai toujours été surpris par le nombre de dirigeants de cabinets juridiques qui NE POSSÈDENT PAS de description de tâche officiellement couchée par écrit. Les recherches indiquent que moins de 23 % des dirigeants de cabinets AmLaw 100 et 200 en possèdent une et que parmi ceux des cabinets AmLaw 100, ce chiffre n’atteint même pas la dizaine. 

Je n’oublierai jamais que lorsque Bob Dell a mis fin à ses nombreuses années à la tête du cabinet Latham & Watkins, il a déclaré « Il semble que mes associés n’avaient aucune idée de ce que je faisais! » Cette réaction reflète le fait que la plupart des professionnels sous-estiment réellement et très largement la portée de la gestion de tout un cabinet et la responsabilité qui s’y attache. Je taquine souvent les nouveaux dirigeants de cabinets, leur demandant ce qu’ils ont bien pu s’imaginer lorsqu’ils ont accepté une telle responsabilité. Pendant ce temps, les associés dans les cabinets grincent souvent des dents à l’idée qu’ils peuvent ou devraient être dirigés. À l’autre extrémité du spectre, le dirigeant d’un cabinet AmLaw 50 m’a déclaré sans ambages : « je ne voyais pas l’intérêt de me doter d’une description de tâche puisque cela ne pourrait que limiter mes pouvoirs ».

La plupart des dirigeants de cabinets affirment l’existence « officieuse » de la description de tâches, soit quelque part dans le contrat de société du cabinet en termes imprécis, vagues, subjectifs et mal définis. Dans notre atelier intitulé First 100 Days (page disponible uniquement en anglais) réalisé avec les nouveaux dirigeants de cabinets, nous leur présentons une analyse détaillée de plus de 50 points qui reflètent les responsabilités et activités d’un dirigeant ou d’une dirigeante de grand cabinet juridique typique. Ils ont ainsi au moins de grandes lignes à partir desquelles élaborer leur propre description de tâches; description qui devrait être diffusée largement au sein du cabinet afin que tout un chacun puisse apprécier l’ampleur du travail à sa juste valeur.

Après tout, si on ne peut pas définir l’ampleur du travail et des responsabilités, comment, alors, véritablement évaluer le rendement? Que pensez-vous donc évaluer?

Deuxième difficulté : après avoir formulé la description de tâche, êtes-vous certain de ce que vous voulez évaluer précisément?

Ainsi, Donald Mrozek cite sept facteurs qui [traduction] « pour la plupart des cabinets, sont les facteurs les plus importants pour la réussite ». Il suggère ensuite qu’un poids particulier soit attribué à chacun. On nous dit ensuite que, parmi ces facteurs,  « l’établissement d’un plan stratégique cohérent et convaincant » serait l’un des plus importants.

Le processus décrit ici semble évident, mais les facteurs choisis peuvent ne pas l’être autant.

Je connais un grand nombre de cabinets dans lesquels, quelle qu’en soit la raison, le dirigeant ou la dirigeante a choisi de confier l’élaboration du plan stratégique à son comité de planification stratégique constitué d’associés choisis dans l’ensemble du cabinet, peut-être pour éviter que les associés ne pensent que cette personne jouit d’une influence écrasante sur le résultat final.

Ce qui est plus important, et sauf tout le respect que je dois, je me permets d’affirmer que le fait de posséder un plan stratégique écrit ne constitue pas la base d’une « mesure d’évaluation ». Mes recherches ont révélé que 89 % des cabinets de plus grande taille (plus de 500 avocats) possèdent déjà un plan stratégique écrit. Ce qui est le plus étonnant, c’est de découvrir que moins de 25 % de ces cabinets disent avoir mis en œuvre avec succès la plus grande partie de ce plan officiel. La véritable mesure du succès que je voudrais évaluer, si je siégeais au conseil d’administration d’un cabinet, c’est ce que nous avons réellement accompli s’agissant de l’exécution de ce plan.

Dans un article que j’ai écrit il y a maintenant quelques bonnes années (2010) intitulé Evaluating Your Performance As A Managing Partner (disponible uniquement en anglais), j’ai dit : « selon un vieux dicton sur la gestion des attentes des clients, “que cela nous plaise ou non, nous allons être évalués. Si nous adoptons une attitude très passive, le client sera le seul maître de l’aune à laquelle nous serons jugés. En revanche, nous pouvons l’aider à créer et à façonner le critère de mesure” ». Je voulais souligner qu’en tant que dirigeant ou dirigeante de cabinet, vous devriez prendre l’initiative, et je proposais un échantillon de 29 facteurs d’évaluation pouvant être utilisés par n’importe quels dirigeants de cabinet pour susciter les commentaires de leurs collègues. 

Ce qui me surprend le plus à propos de ce concept d’évaluation des dirigeants de cabinet, c’est le très faible nombre d’entre eux qui ont été réellement proactifs pour établir leur propre outil d’évaluation du rendement et ont ensuite demandé à TOUS leurs associés des commentaires essentiels (et anonymes) sur leur rendement (d’ailleurs, mes plus sincères félicitations à ceux qui l’ont fait). 

Dernières nouvelles : Il existe une corrélation empirique entre la solidité d’un dirigeant ou d’une dirigeante et sa volonté de demander des commentaires francs et sincères. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, selon Joe Folkman (article disponible uniquement en anglais ), [traduction] « les dirigeants les mieux cotés (ceux ayant une note moyenne de 83 % pour l’efficacité du leadership) se trouvent également dans les premiers s’agissant de la demande de commentaires, si on en croit les données tirées de notre base de données d’examens exhaustifs. S’agit-il d’une coïncidence? Je ne le pense pas ».

Patrick J. McKenna a une renommée internationale en tant qu’auteur, conférencier, stratège et conseiller chevronné auprès des dirigeants de cabinets juridiques de premier ordre. Il a publié huit ouvrages dont ses livres couronnés d’un succès international intitulés First Among Equals et plus récemment Serving at the Pleasure of My Partners. Son savoir-faire en matière de conseils a été reconnu en 2008 lorsqu’il a été décrit dans une recherche indépendante effectuée et publiée par Lawdragon comme « l’un des consultants juridiques les plus reconnus ». Son expérience s’étalant sur plus de trente ans en a fait un sujet d’une étude effectuée par la Faculté de droit de Harvard intitulée Innovations In Legal Consulting (2011). On peut communiquer avec lui en écrivant à patrick@patrickmckenna.com.

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