Ce que les cabinets juridiques peuvent faire pour enrayer l’exode des femmes

  • 13 octobre 2009
  • Linda Robertson

Les femmes ont commencĂ© Ă  affluer dans les facultĂ©s de droit au dĂ©but des annĂ©es 1970. Vingt ans plus tard, environ la moitiĂ© des effectifs Ă©tudiants sont des femmes. Cela donnait Ă  croire que la profession juridique commencerait bientĂ´t Ă  intĂ©grer un plus grand nombre de femmes, mais la rĂ©alitĂ© de la profession est très diffĂ©rente.

Le nombre de femmes juristes a augmentĂ© d’environ un pour cent par annĂ©e, et les femmes reprĂ©sentent dĂ©sormais le tiers de la profession juridique. Pourquoi cet Ă©cart, donc, entre une prĂ©sence Ă©levĂ©e dans les facultĂ©s de droit et une prĂ©sence relativement faible Ă  l’emploi, après l’obtention du diplĂ´me ? Les Ă©tudes dĂ©montrent qu’en moyenne, les femmes abandonnent la profession Ă  un rythme deux fois plus Ă©levĂ© que les hommes.

Les femmes ont dĂ©couvert l’exercice du droit, mais n’y restent pas.

Pourquoi les femmes quittent

Les femmes invoquent trois motifs principaux en quittant la profession :

  • la discrimination existe toujours : les femmes sont traitĂ©es diffĂ©remment, personnellement et professionnellement;
  • les femmes s’occupent, plus que leur conjoint, des enfants et des tâches familiales. Les femmes ont moins de chance d’avoir un conjoint Ă  domicile qui les soutient dans leur emploi Ă  temps plein;
  • les femmes s’identifient moins que les hommes au titre sur leurs cartes d’affaires. Elles veulent d’autres activitĂ©s dans leur vie (mĂŞme quand elles n’ont n’ont pas d’enfants).

Pour plusieurs femmes, la discrimination et des perspectives de carrière peu encourageantes demeurent le principal obstacle Ă  une carrière longue et productive en droit. Les femmes ont peu de difficultĂ© Ă  obtenir un emploi dans un cabinet juridique, mais elles rencontrent une rĂ©sistance quand elles veulent devenir associĂ©es. MĂŞme quand elles rĂ©ussissent, elles sont rarement invitĂ©es Ă  siĂ©ger aux comitĂ©s les plus importants (le comitĂ© exĂ©cutif, le comitĂ© de rĂ©munĂ©ration). Elles sont encore plus rares Ă  trouver le temps et l’Ă©nergie pour Ă©quilibrer un poste supĂ©rieur dans un cabinet juridique et les dĂ©fis de la vie familiale et d’une vie au-delĂ  du droit. Par consĂ©quent, les femmes ont tendance Ă  se retrouver en surnombre au gouvernement et dans des contentieux, principalement Ă  cause de leur souci de travailler Ă  des heures raisonnables.

Le droit, comme profession, demeure modelĂ© sur la culture mâle. Le rĂ©seautage, le recrutement de clients et de clientes, le style de pratique, la structure hiĂ©rarchique des cabinets et la compĂ©titivitĂ© font en sorte qu’un nouvel arrivant doit exercer le droit comme ses prĂ©dĂ©cesseurs.

Ce que les cabinets juridiques peuvent faire pour contrer l’exode

Au cours de la prochaine dĂ©cennie, avec la retraite massive des baby boomers, la communautĂ© d’affaires aura de rĂ©elles difficultĂ©s de recrutement. Les professionnels, professionnelles, et le personnel de soutien, plus rares, exigeront de leurs employeurs – au-delĂ  des salaires Ă©levĂ©s – un Ă©quilibre accru entre leur vie au travail et leur vie privĂ©e. Et ce phĂ©nomène ne se limitera pas aux femmes. De plus en plus, les hommes se disent malheureux dans l’exercice du droit. La communautĂ© juridique doit reconnaĂ®tre qu’elle est aux prises avec un enjeu qui intĂ©resse l’ensemble de la profession, et non seulement les femmes.

Les cabinets juridiques doivent aborder de front la question de l’Ă©quilibre personnel-professionnel avec les principaux intĂ©ressĂ©s, et donner suite Ă  ses consultations. Demandez Ă  tous les avocats et avocates de votre cabinet, et particulièrement les femmes, ce qu’ils pensent du rĂ©gime de travail. PrĂ©parez-vous Ă  entendre des propos troublants, surtout au sujet du comportement d’avocats individuels (qui peuvent ĂŞtre de puissants associĂ©es, associĂ©s). DĂ©cidez Ă  l’avance du sort que vous rĂ©serverez aux nouvelles fâcheuses. Si c’est trop controversĂ© – songez Ă  refaire le sondage.

Sachez que plusieurs femmes quittent en raison de la façon dont elles sont traitĂ©es par d’autres avocats et qu’elles en informent rarement les associĂ©s. Elles ne veulent pas compromettre leurs chances d’obtenir un emploi ailleurs, ou mĂ©riter une rĂ©putation de « fauteuse de troubles », ou laisser entendre qu’elles ne peuvent soutenir lla pression reliĂ©e la vie professionnelle.

Des horaires flexibles sont essentiels. C’est devenu l’enjeu principal pour plusieurs avocates et, de plus en plus, pour les juristes masculins. Il y a beaucoup d’information sur le Web au sujet des horaires flexibles et de leur rentabilitĂ©.

Plusieurs avocats accepteront une rĂ©duction de salaire en retour d’une rĂ©duction d’heures de travail, Ă  condition que la formule soit Ă©quitable. Les groupes et les Ă©quipes de pratique au service du mĂŞme client rendent possibles les horaires de travail flexibles.

Tant les femmes que les hommes ont besoin de programmes de mentorat. Traditionnellement, les cabinets passent peu de temps Ă  former leurs salariĂ©s en droit ou en marketing. Plusieurs programmes de mentorat Ă©chouent faute d’appui des associĂ©s, ou parce que les mentors et leurs protĂ©gĂ©s sont mal assortis. Demandez Ă  vos avocats salariĂ©s comment les programmes existants pourraient ĂŞtre amĂ©liorĂ©s. Engagez-vous Ă  appuyer le programme amĂ©liorĂ©.

Il faut avouer qu’une grande partie du rĂ©seautage et du marketing se dĂ©roulent autour d’activitĂ©s mâles comme le golf ou l’appartenance aux bons clubs. Les femmes ont souvent besoin de l’appui de leurs cabinets Ă  cet Ă©gard. La force des femmes se situe au niveau de la fidĂ©lisation des clients, et dans le dĂ©veloppement de bonnes relations avec la clientèle.

- Automne 2003 - Bulletin de la Section nationale de la gestion de la pratique du droit et technologie