L’ABC, un précurseur quant aux enjeux soulevés par les affaires TWU

  • 26 juin 2018

L’Association du Barreau canadien s’intĂ©resse aux intentions de Trinity Western University quant Ă  la crĂ©ation d’une facultĂ© de droit depuis que la proposition a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e pour la première fois en 2012 Ă  la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada (FOPJ) en vue d’obtenir son approbation.

Robert Brun, alors prĂ©sident de l’ABC, a Ă©crit Ă  la FOPJ en 2013, exhortant Ă  la conformitĂ© avec la Charte et la lĂ©gislation en matière de droits de la personne dans le cadre de l’examen des demandes de crĂ©ation de nouvelles facultĂ©s de droit. Était jointe Ă  son courrier une lettre du ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ© et de la Section sur l’orientation et l’identitĂ© sexuelles qui exprimait des prĂ©occupations quant aux droits de la personne. En 2014, l’ABC a adoptĂ© une rĂ©solution exhortant Ă  la non-discrimination dans le contexte de la formation juridique, et lorsque les affaires Trinity Western University c. Barreau du Haut‑Canada et Law Society of British Columbia c. Trinity Western University se sont rendues jusqu’Ă  la Cour suprĂŞme, nous avons demandĂ© l’autorisation d’intervenir; autorisation qui nous a Ă©tĂ© accordĂ©e.

Les arrĂŞts rendus dans ces deux affaires Ă  la mi-juin non seulement consacrent les arguments de l’ABC, mais les efforts de reprĂ©sentation de l’Association semblent presque leur ouvrir la voie. Nous avons Ă©tudiĂ© les deux arrĂŞts et relevĂ© certaines des similaritĂ©s les plus frappantes entre les arguments de l’ABC et le langage de la CSC.

Lettre de Robert Brun adressée au président de la FOPJ le 18 mars 2013

« Ă€ notre avis, la FĂ©dĂ©ration et le ComitĂ© auquel incombe la responsabilitĂ© d’approuver les nouveaux programmes d’Ă©tudes en droit au Canada doivent trouver un juste Ă©quilibre entre la libertĂ© de religion et l’Ă©galitĂ©, et tenir pleinement compte de leur mandat d'intĂ©rĂŞt public et les valeurs consacrĂ©es par les lois relatives aux droits de la personne au Canada. »

(TWU c. Barreau du Haut-Canada) [3] […], la dĂ©cision du Barreau du Haut‑Canada de ne pas reconnaĂ®tre la facultĂ© de droit proposĂ©e par TWU reprĂ©sente une mise en balance proportionnĂ©e de la restriction imposĂ©e au droit en cause garanti par la Charte  et des objectifs prĂ©vus par la loi que cherchait Ă  poursuivre le Barreau du Haut‑Canada. La dĂ©cision du Barreau du Haut‑Canada Ă©tait donc raisonnable. 

Lettre de la Section sur l’orientation et l’identitĂ© sexuelles et du ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ© adressĂ©e au prĂ©sident de la FOPJ le 18 mars 2013

[TRADUCTION] « Le fait qu’il soit strictement impossible de renvoyer une personne qui Ă©tudie au motif qu’elle a enfreint les règles du Covenant portant sur l’intimitĂ© sexuelle n’est pas dĂ©terminant. Comme l’a reconnu la Cour suprĂŞme du Canada dans l’arrĂŞt Vriend c. Alberta, la crainte mĂŞme d’une discrimination peut causer de graves prĂ©judices psychologiques. »

(TWU c. Barreau du Haut-Canada) [41] Exception faite de la restriction dĂ©gagĂ©e prĂ©cĂ©demment, aucun chrĂ©tien Ă©vangĂ©lique n’est privĂ© de son droit de pratiquer sa religion comme et oĂą il l’entend. La dĂ©cision du Barreau du Haut‑Canada signifie que les membres de la communautĂ© de TWU ne peuvent imposer leurs croyances religieuses Ă  leurs condisciples Ă©tudiant le droit, car elles ont des consĂ©quences inĂ©quitables et peuvent causer un prĂ©judice important. Le Barreau du Haut‑Canada a retenu une interprĂ©tation de l’intĂ©rĂŞt public qui prescrit un accès aux facultĂ©s de droit fondĂ© sur le mĂ©rite et la diversitĂ©, et non sur des pratiques religieuses d’exclusion. Cette dĂ©cision empĂŞche que des prĂ©judices concrets, et non abstraits, soient causĂ©s aux personnes LGBTQ et aux membres du public en gĂ©nĂ©ral.

[TRADUCTION] « Les juristes sont considĂ©rĂ©s comme des chefs de file de leur communautĂ©. Ils se fient aux barreaux quant au leadership et Ă  la rĂ©glementation dans l’intĂ©rĂŞt public, y compris en ce qui concerne les questions d’Ă©galitĂ©. »

(LSBC c. TWU) [42] […] La loi a chargĂ© la LSBC d’assurer la compĂ©tence des avocats comme moyen de dĂ©fendre et de protĂ©ger l’intĂ©rĂŞt public dans l’administration de la justice (LPA, al. 3(b)). La LSBC n’a pas uniquement Ă  faire respecter des normes minimales de compĂ©tence Ă  l’Ă©gard de chaque avocat Ă  qui elle dĂ©livre un permis; elle peut Ă©galement se pencher sur la manière de favoriser la compĂ©tence du barreau dans son ensemble.

[TRADUCTION] « [L]a FĂ©dĂ©ration pourrait demander Ă  Trinity Western d’Ă©liminer ou de modifier son Covenant et certaines autres règles, pratiques et politiques. […] Cela pourrait ĂŞtre rĂ©alisĂ© sans porter atteinte Ă  la nature chrĂ©tienne de la facultĂ© tout en garantissant qu’elle est vĂ©ritablement ouverte Ă  “tous les jeunes quelles que soient leur race, leur couleur ou leurs croyances”, conformĂ©ment au mandat que lui accorde la loi. »  

(LSBC c. TWU) [85] […] La LSBC n’a pas refusĂ© d’agrĂ©er la facultĂ© de droit proposĂ©e par TWU dans l’abstrait; elle a plutĂ´t refusĂ© une proposition particulière qui comprenait le Covenant obligatoire. En effet, quand la LSBC a demandĂ© Ă  TWU si elle Ă©tait disposĂ©e Ă  [traduction] « envisager » d’apporter des modifications Ă  son Covenant, TWU n’a montrĂ© aucune volontĂ© de faire des compromis sur le caractère obligatoire de celui‑ci. La dĂ©cision empĂŞche donc uniquement les membres de la communautĂ© de TWU de frĂ©quenter une facultĂ© de droit agrĂ©Ă©e de TWU qui est rĂ©gie par un covenant obligatoire. 

Factum de l’ABC

[TRADUCTION] « En leur qualitĂ© de gardiens des points d’accès Ă  la profession, les barreaux sont tenus non seulement de veiller Ă  ce que leurs membres possèdent certaines qualifications universitaires, mais ils doivent Ă©galement promouvoir l’Ă©galitĂ© devant l’accès Ă  la profession sans Ă©gard aux caractĂ©ristiques personnelles des candidats et des candidates. Cette obligation dĂ©coule de la nature mĂŞme de la profession qui est axĂ©e sur l’Ă©galitĂ© et des obligations lĂ©gales de prendre des dĂ©cisions en matière de rĂ©glementation en matière d’administration de la justice qui sont dans l’intĂ©rĂŞt public. »

(TWU c. Barreau du Haut-Canada) [21] […] limiter l’accès Ă  la profession juridique sur la base de caractĂ©ristiques personnelles va Ă  l’encontre de l’intĂ©gritĂ© de la profession. Cela est particulièrement vrai en raison de la confiance dont la profession juridique jouit au sein de la sociĂ©tĂ©. En tant qu’acteur public, le Barreau du Haut‑Canada a un intĂ©rĂŞt primordial Ă  protĂ©ger les valeurs d’Ă©galitĂ© et des droits de la personne dans l’exercice de ses fonctions […]

[TRADUCTION] « La responsabilitĂ© de promouvoir l’Ă©galitĂ© et la diversitĂ© dĂ©coule de la nature inhĂ©rente de la profession, c’est-Ă -dire de ses obligations de respecter et de propager la primautĂ© du droit et le respect des droits et libertĂ©s protĂ©gĂ©s par la Constitution, ainsi que de reprĂ©senter tout un chacun. »

(LSBC c. TWU) [43] […] Un barreau qui reflète la diversitĂ© du public qu’il sert favorise indĂ©niablement l’administration de la justice et la confiance du public dans cette administration. Un barreau diversifiĂ© est plus sensible aux besoins du public qu’il sert. Un barreau diversifiĂ© est un barreau plus compĂ©tent (voir la LPA, al. 3(b)).

[TRADUCTION] « Les impĂ©ratifs indissociables de l’inclusion et de l’Ă©galitĂ© exigent des barreaux qu’ils empĂŞchent que soient Ă©rigĂ©s des obstacles Ă  l’accès Ă  la profession juridique qui sont discriminatoires de par leur nature. »

(TWU c. Barreau du Haut-Canada) [20] Selon nous, le Barreau du Haut‑Canada pouvait conclure que l’Ă©galitĂ© d’accès Ă  la profession juridique, la diversitĂ© au sein du barreau et la prĂ©vention d’un prĂ©judice Ă  l’endroit des Ă©tudiants en droit LGBTQ relevaient de son obligation de protĂ©ger l’intĂ©rĂŞt public dans le contexte de la reconnaissance, obligation qui suppose nĂ©cessairement de prĂ©server une perception publique positive de la profession juridique.

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