Faire avancer l’aide médicale à mourir

  • 28 mars 2022

L’Association du Barreau canadien est rĂ©solue Ă  clarifier le droit rĂ©gissant la prise de dĂ©cisions en fin de vie, particulièrement pour les personnes souffrant d’une maladie mentale et les mineurs matures, et dans les cas de demandes anticipĂ©es d’aide mĂ©dicale Ă  mourir (AMM). Ă€ cette fin, le Groupe de travail sur la fin de vie de l’ABC recommande de modifier le Code criminel afin qu’il soit en harmonie avec les critères Ă©tablis par la Cour suprĂŞme du Canada dans l’arrĂŞt Carter.

Demandes anticipées

Le groupe de travail emploie le terme « demande anticipĂ©e » pour dĂ©crire une demande d’aide mĂ©dicale Ă  mourir que fait une personne affectĂ©e d’un problème de santĂ© grave et irrĂ©mĂ©diable. PrĂ©sentĂ©e durant une pĂ©riode oĂą la personne a encore toutes ses facultĂ©s, la demande d’aide mĂ©dicale Ă  mourir prend effet Ă  une date ultĂ©rieure, dans des circonstances prĂ©cises et dĂ©taillĂ©es oĂą cette personne pourrait ĂŞtre frappĂ©e d’incapacitĂ©.

Comme l’explique le groupe de travail, la « demande anticipĂ©e peut ĂŞtre vue comme une dĂ©marche qu’une personne apte entreprend de façon indĂ©pendante en prĂ©vision de sa propre incapacitĂ© après avoir reçu un diagnostic remplissant les critères, puisqu’elle offre le choix de reporter l’AMM au moment oĂą les conditions d’application seront remplies, sans risque d’arrĂŞt du processus en cas d’incapacitĂ© du demandeur ».

La demande anticipĂ©e rĂ©pond Ă  la prĂ©occupation d’accĂ©der Ă  l’aide mĂ©dicale Ă  mourir plus tĂ´t que prĂ©vu de crainte qu’elle soit refusĂ©e une fois que le demandeur est frappĂ© d’incapacitĂ©. Comme l’Ă©crit le groupe de travail, « si le sujet doit ĂŞtre apte au moment de demander l’AMM, alors il doit se faire administrer l’AMM alors qu’il est toujours apte, mĂŞme s’il ne se sent pas encore prĂŞt Ă  mourir; et s’il reporte l’AMM Ă  plus tard et que le risque d’incapacitĂ© se concrĂ©tise, alors il perd son accès Ă  l’AMM (sauf s’il existe une procĂ©dure de demande anticipĂ©e) ». Le groupe de travail formule des recommandations dĂ©taillĂ©es sur ce que devrait contenir un tel cadre.

Maladie mentale

Dans l’arrĂŞt Carter, la dĂ©cision rendue ne dĂ©finit pas le terme « problème de santĂ© ». Cependant, la Cour d’appel de l’Alberta, dans Canada (Attorney General) v. E.F., a conclu que l’arrĂŞt Carter devait ĂŞtre interprĂ©tĂ© de façon Ă  inclure les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique, pourvu que soient remplis l’ensemble des critères d’admissibilitĂ© Ă  l’AMM.

Le groupe de travail de l’ABC affirme que les personnes vivant avec une maladie mentale « ont droit Ă  l’autonomie et Ă  l’autodĂ©termination en ce qui concerne leur santĂ©, sans discrimination, leurs souffrances n’Ă©tant pas moindres que celles des personnes atteintes d’une maladie physique ». Toutefois, dans certains cas, elles peuvent se trouver dans des situations de vulnĂ©rabilitĂ© en raison d’une maladie mentale, d’oĂą la nĂ©cessitĂ© d’un mĂ©canisme de protection adĂ©quat, qui passe notamment par le consentement Ă©clairĂ© et par des soins de santĂ© professionnels compĂ©tents. Comme le fait remarquer le groupe de travail, « la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, dans Truchon, a dĂ©clarĂ© que la vulnĂ©rabilitĂ© dans le contexte de l’AMM devait ĂŞtre Ă©valuĂ©e au cas par cas plutĂ´t que par dĂ©duction Ă  partir du collectif, c’est-Ă -dire un groupe de personnes dites “vulnĂ©rables” qui ne reflĂ©tera pas toujours fidèlement la diversitĂ© des situations individuelles en son sein ».

Cependant, cette dĂ©cision ne s’applique pas aux cas oĂą la maladie mentale se pose comme seul problème de santĂ© de la personne demandant l’AMM. Le groupe de travail de l’ABC affirme que l’exclusion en bloc des personnes atteintes d’une maladie mentale sera probablement contestĂ©e sur le plan de sa constitutionnalitĂ© et privilĂ©gie par consĂ©quent une « une vision centrĂ©e sur le patient, avec des protections adĂ©quates, en ce qui concerne la capacitĂ© et le consentement ».

Mineurs matures

Dans A.C. c. Manitoba (Directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille), la Cour suprĂŞme du Canada a tranchĂ© que les mineurs matures peuvent prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es concernant leur vie et leur mort, mais elle fait aussi remarquer que ces situations exigent une Ă©valuation rigoureuse de la capacitĂ© individuelle de la jeune personne.

Le groupe de travail est de l’avis qu’il faut impĂ©rativement que des outils adĂ©quats d’Ă©valuation et de confirmation du consentement et de la capacitĂ© des mineurs soient mis au point afin de simplifier l’accès Ă  l’AMM pour les mineurs matures et, ainsi, de respecter leurs droits constitutionnels.