Si la Loi sur la concurrence fonctionne bien, pourquoi la changer?

  • 17 mai 2021

Le Canada possède l’un des rĂ©gimes d’application du droit de la concurrence le plus sophistiquĂ© du monde, dit la Section du droit de la concurrence et de l’investissement Ă©tranger de l’Association du Barreau canadien. C’est la raison pour laquelle ce n’est que très prudemment que la Loi sur la concurrence doit ĂŞtre modifiĂ©e, au terme de dĂ©libĂ©rations appropriĂ©es et de l’examen de tous les Ă©lĂ©ments de preuve afin d’Ă©viter de graves consĂ©quences imprĂ©vues.

Dans des commentaires destinĂ©s au ComitĂ© permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes alors qu’il Ă©tudie la compĂ©titivitĂ© au Canada, la section souligne Ă  quel point il est important de ne pas s’empresser Ă  promulguer de modifications et de faire en sorte que la Loi demeure centrĂ©e sur les facteurs Ă©conomiques et les objectifs de politique spĂ©cifiquement canadiens. Cet article prĂ©sente quelques-uns des enjeux commentĂ©s par la section.

Fusions et acquisitions, gains en efficience

Le Bureau de la concurrence examine attentivement les fusions et acquisitions, particulièrement les fusions complexes. « Le Bureau oblige gĂ©nĂ©ralement la production de dizaines de milliers de documents et de donnĂ©es internes de l’entreprise remontant Ă  plusieurs annĂ©es, qui sont examinĂ©s par une grande Ă©quipe d’agents chargĂ©s du dossier, d’Ă©conomistes et de juristes, afin de dĂ©terminer si une transaction doit ĂŞtre refusĂ©e ou approuvĂ©e, sous condition ou non », Ă©crit la section.

En outre, il a des antĂ©cĂ©dents bien Ă©tablis de promotion de la concurrence conformĂ©ment aux objectifs de la Loi et est très bien armĂ© pour veiller Ă  la conformitĂ©, y compris des « enquĂŞtes formelles et informelles, la possibilitĂ© de demander l’autorisation d’un tribunal sur une base ex parte afin d’obliger la production de documents et le tĂ©moignage, et mĂŞme des pouvoirs de perquisition et de saisie dans les entreprises dont la conduite est mise en doute. »

Qui plus est, aux dires de la section, le budget fĂ©dĂ©ral 2021 « renforce le rĂ©gime en augmentant considĂ©rablement les ressources du Bureau au cours des cinq prochaines annĂ©es. Ă€ notre avis, ce ne serait pas prudent de se prĂ©cipiter pour modifier les lois canadiennes en matière de concurrence, compte tenu du travail en cours du Bureau et de l’augmentation rĂ©cente de ses ressources. » Nous devrions accorder au Bureau le temps nĂ©cessaire pour utiliser ses ressources et attendre jusqu’Ă  ce qu’il ait eu la possibilitĂ© de dĂ©terminer les questions connexes Ă  l’application qui demeurent en suspens avant d’envisager de modifier la Loi.

La section met en garde contre le fait de dire que la dĂ©fense fondĂ©e sur les gains en efficience favorise les entreprises au dĂ©triment des consommateurs. Selon elle, la dĂ©fense est « une approche Ă©quilibrĂ©e dans laquelle certains accords ou fusions peuvent ĂŞtre Ă©valuĂ©s selon leurs propres mĂ©rites afin de dĂ©terminer si les gains en productivitĂ© et en innovation l’emportent sur les coĂ»ts potentiels d’une concurrence rĂ©duite ». Elle ajoute que les gains en efficience prĂ©sentent d’importants avantages Ă©conomiques pour la population canadienne en produisant des Ă©conomies d’Ă©chelle, une meilleure productivitĂ© et une innovation accrue.

« L’objectif des lois canadiennes en matière de concurrence est de prĂ©venir les comportements anticoncurrentiels plutĂ´t que la consolidation de l’industrie elle-mĂŞme », dit la section, et l’un des principaux mandats du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie est de soutenir les Ă©cosystèmes novateurs pour aider les entreprises Ă  se dĂ©velopper. Les consolidations qui n’Ă©rigent pas d’obstacles insurmontables Ă  l’entrĂ©e ne sont pas incompatibles avec une solide concurrence.

Économie numérique

Il ne fait aucun doute que notre dĂ©pendance envers l’Internet soulève des questions au sujet de la collecte des donnĂ©es et des droits Ă  la vie privĂ©e des consommateurs. Cependant, la section n’est pas d’avis qu’il Ă©choit au Bureau de la concurrence de relever ces dĂ©fis. « Les prĂ©occupations concernant la collecte, l’utilisation et la diffusion de renseignements personnels et de donnĂ©es par les grandes entreprises technologiques sont abordĂ©es dans le cadre des modifications proposĂ©es Ă  la loi canadienne sur la protection de la vie privĂ©e dans le projet de loi C-11, la Loi de 2020 sur la mise en Ĺ“uvre de la Charte du numĂ©rique », dit-elle, avant d’ajouter qu’elles devraient ĂŞtre abordĂ©es prudemment afin d’Ă©viter de nuire par inadvertance au comportement novateur et concurrentiel.