Le maintien de l’autonomie personnelle, élément essentiel de la législation sur l’aide médicale à mourir

  • 25 mai 2020

Les modifications qui ont été proposées quant à la législation fédérale sur l’aide médicale à mourir n’atteignent pas l’objectif d’harmonisation et de clarification de la loi, affirme l’ABC dans un mémoire adressé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Elles ont été conçues pour répondre à l’arrêt Truchon rendu par la Cour supérieure de justice du Québec qui a invalidé l’exigence de la « mort raisonnablement prévisible » pour toute personne cherchant à recourir à l’aide médicale à mourir. La Cour a accordé six mois au gouvernement fédéral pour modifier la législation, mais a prorogé ce délai jusqu’au 11 juillet.

En janvier, le Groupe de travail de l’ABC sur la fin de vie a participé à une table ronde ministérielle au sujet de la proposition de réponse législative à l’arrêt Truchon et a ensuite rédigé un mémoire (en anglais seulement).

Constitué de membres ayant des compétences dans divers domaines, notamment le droit constitutionnel et les droits de la personne, le droit de la santé et le droit relatif aux personnes aînées, le groupe de travail dit nourrir plusieurs préoccupations au sujet du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

Entre autres choses, les modifications proposées ne clarifient pas la question de la « mort raisonnablement prévisible » qui était au cœur de l’affaire Truchon.

« Dans la pratique, le critère de “mort raisonnablement prévisible” a été source de beaucoup d’incertitude et de difficultés, et le projet de loi C-7 ne fournit aucune orientation quant à la façon de l’appliquer », précise le groupe de travail.  « Nous recommandons qu’une telle orientation soit donnée afin de dissiper toute confusion à l’égard des mesures de sauvegarde qui s’appliquent et de garantir un accès approprié à l’AMM. »

Une renonciation à un consentement final devrait s’appliquer tant en cas de mort raisonnablement prévisible que lorsque cela n’est pas le cas, puisque la capacité de prendre une décision pourrait avoir été perdue dans les deux situations, selon le groupe de travail.

Un grand nombre des préoccupations du groupe de travail ont trait à la question de l’autonomie personnelle.

Ainsi, le projet de loi exigerait que les praticiens conviennent que la personne qui se prévaut de l’aide médicale à mourir ait sérieusement envisagé toutes les autres solutions raisonnables et disponibles pour mettre fin à ses souffrances. Selon le groupe de travail, le praticien devrait seulement être tenu de certifier que la personne a reçu toutes les informations nécessaires. N’a aucune pertinence le fait que le praticien convienne que la personne a examiné sérieusement ces renseignements.

L’autonomie est également une question dans les cas de personnes ayant une maladie mentale. De l’avis du groupe de travail, les troubles mentaux devraient être inclus dans la définition de la maladie grave et incurable, que la mort soit raisonnablement prévisible ou non. « Dans Truchon, la Cour a affirmé qu’il faut prôner une approche individualisée de la vulnérabilité en évaluant la capacité de fournir un consentement éclairé. Il y a fort à parier qu’une exclusion générale de l’ensemble des personnes atteintes de maladie mentale fera l’objet de contestations fondées sur la Constitution », dit-il.

La nouvelle exigence inscrite dans le projet de loi C-7 selon laquelle l’un des deux évaluateurs doit être expert dans le trouble dont est atteint le demandeur va probablement ériger des obstacles au recours à l’aide médicale à mourir puisqu’il faut parfois des années pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste; et ce, plus particulièrement dans les domaines dans lesquels il y a pénurie de ressources médicales. La loi actuelle exige du praticien qu’il détermine son propre degré d’expertise lorsqu’il évalue le patient et cherche à obtenir un consentement en connaissance de cause.