L’ABC formule des recommandations pour la mise en place de garde-fous dans le contexte de l’aide médicale à mourir

  • 25 février 2020

L’arrêt rendu par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon, qui a réputé inconstitutionnelle la loi canadienne sur l’aide médicale à mourir et a fixé au 11 mars la date limite pour que le gouvernement fédéral la fasse correspondre aux principes énoncés dans l’arrêt Carter de la Cour suprême du Canada, a déclenché une vague de consultations, y compris un mémoire en ligne et des tables rondes avec des intervenants de tout le pays.

En janvier, l’Association du Barreau canadien a participé à une table ronde ministérielle et, à titre de suivi, a rédigé un mémoire (disponible uniquement en anglais) qui réaffirme son engagement envers la clarification de la législation et propose un certain nombre de suggestions pour procéder à l’avenir.

Le Groupe de travail sur la fin de vie affirme le soutien de l’ABC envers l’arrêt Truchon, affirmant que dans l’arrêt Carter [TRADUCTION] « il ne s’agit pas de la proximité de la mort, mais bien de prévenir des souffrances intolérables, et de protéger la dignité et l’autonomie » d’une personne manifestement apte à consentir à l’aide médicale à mourir.

Le groupe de travail demande tout d’abord que soient établies des lignes directrices quant aux modalités de l’interprétation de tout nouveau garde-fou, soulignant que l’ancien critère de « la mort naturelle raisonnablement prévisible » a causé des incertitudes dans la pratique. [TRADUCTION] « La portée d’un critère similaire (en l’absence de toute ligne directrice) pourrait avoir un effet dissuasif sur les praticiens et faire obstacle à l’accès à l’aide médicale à mourir », dit-il.

Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême a souligné que les acteurs du système médical font quotidiennement face à au moins un patient [TRADUCTION] « vulnérable dans la prise de sa décision » qui peut refuser un traitement qui sauverait ou maintiendrait sa vie, ou demander la cessation du traitement. Les médecins doivent déjà évaluer si le patient est en possession de la volonté ou de la capacité de prendre ces décisions.

Globalement, le groupe de travail estime que la réponse aux questions de vulnérabilité dans le contexte de l’aide médicale à mourir est de veiller à ce que le consentement soit donné en connaissance de cause. Selon lui, les médecins concernés peuvent réaliser ces évaluations au cas par cas.

[TRADUCTION] « Dans le même ordre d’idées, la Cour supérieure du Québec a déclaré, dans l’arrêt Truchon, que la vulnérabilité doit être évaluée du point de vue de la personne en cause et non d’un point de vue collectif, à savoir un groupe réputé constitué de personnes vulnérables qui peut ne pas refléter fidèlement la diversité des situations personnelles de chacun de ses membres. Pour ce qui est de la capacité et du consentement, nous appuyons cette approche axée sur le patient. »

Cela dit, l’ajout d’une période de réflexion allongée avant l’administration de l’aide médicale à mourir ou d’une évaluation psychiatrique serait compatible avec les principes énoncés dans l’arrêt Carter et réglerait les questions connexes à la capacité et au consentement.

Le groupe de travail suggère l’imposition d’un délai entre le diagnostic initial de maladie potentiellement mortelle et une demande d’aide médicale à mourir afin de donner au patient le temps nécessaire pour accepter le diagnostic et lui permettre de donner son consentement en pleine connaissance de cause. Un délai supplémentaire pourrait être imposé entre la demande d’aide médicale à mourir et la mise en œuvre de la mesure.

[TRADUCTION] « Alors que la longueur du délai approprié peut être discutée, la législation devrait toujours permettre qu’elle soit réduite dans les circonstances appropriées pour tenir compte des souffrances endurées par la personne et de sa perte de capacité imminente […] ».

Une évaluation psychiatrique ne devrait pas nécessairement être obligatoire, dit le groupe de travail. Toutefois, pour permettre une évaluation complète de l’état mental du patient,  elle pourrait être justifiée lorsque la capacité de la personne à consentir à l’aide médicale à mourir est mise en question ou lorsque le patient n’est pas aux portes de la mort. La demande d’une évaluation psychiatrique pourrait susciter ses propres problèmes. Le groupe de travail recommande par conséquent que des consultations plus approfondies soient menées pour déterminer les situations dans lesquelles cette évaluation pourrait être justifiée.

Le groupe de travail est en outre convaincu que la législation fédérale devrait autoriser les demandes anticipées dans certaines circonstances, moyennant l’existence de garde-fous appropriés. Il recommande toutefois que soient réalisées des consultations plus approfondies en la matière.

Si le gouvernement autorise les demandes anticipées, le groupe de travail [TRADUCTION] « souligne l’importance de la définition des mécanismes visant à désigner un tiers qui déclenchera la demande d’aide médicale à mourir en fonction du consentement préalablement accordé par le patient et dans la mesure des limites des pouvoirs dont ce tiers est investi. Les contestations de la validité et de la contemporanéité des demandes anticipées devront également être traitées pour veiller à ce que ces demandes demeurent représentatives des souhaits de la personne au fil du temps ».