Juger les juges : l’ABC commente le processus disciplinaire de la magistrature

  • 23 septembre 2016

Ils appellent ça « sortir les poubelles ». Vous savez, lorsque la nouvelle est communiquĂ©e un vendredi soir après la fermeture des bureaux ou la veille d’un congĂ© quelconque du gouvernement. C’est prĂ©cisĂ©ment le moment qu’a choisi le gouvernement pour publier son document de consultation sur le processus disciplinaire de la magistrature : le dernier jour de travail de juin, Ă  16 h 30 sur Twitter, avec une date limite pour rĂ©pondre fixĂ©e au 31 aoĂ»t.

MalgrĂ© tout, l’ABC a composĂ© une Ă©quipe de juristes, dont la prĂ©sidente du ComitĂ© de dĂ©ontologie, expĂ©rimentĂ©s dans le domaine du processus disciplinaire de la magistrature et dans d’autres questions de discipline professionnelle, et l’a chargĂ©e de commenter les propositions. Leur lettre est fondĂ©e sur un mĂ©moire de 2014 (disponible uniquement en anglais) portant sur ce sujet et adressĂ© au Conseil canadien de la magistrature (CCM).

L’ABC a conçu sa rĂ©ponse (disponible uniquement en anglais) dans les limites de l’exigence double de protĂ©ger l’indĂ©pendance de la magistrature et de garantir que justice sera rendue et qu’elle le sera au vu et au su de tous.

[TRADUCTION] « Les professions autonomes sont vulnĂ©rables, car le public tend Ă  soupçonner que leurs instances dirigeantes agissent dans l’intĂ©rĂŞt des membres de la profession plutĂ´t que dans le sien », affirme le mĂ©moire.

Le mĂ©moire comporte 16 recommandations, dont les suivantes.

  • Des profanes devraient participer Ă  toutes les Ă©tapes du processus d’enquĂŞte afin de garantir la transparence et la responsabilisation.
  • Les juges puĂ®nĂ©s devraient jouer un rĂ´le plus important dans le processus d’enquĂŞte.
  • Le rĂ´le des conseillers indĂ©pendants devrait ĂŞtre restaurĂ© conformĂ©ment aux règlements administratifs du CCM et celui d’avocat ou de conseiller du comitĂ©, s’il doit ĂŞtre maintenu, devrait ĂŞtre limitĂ© Ă  une fonction essentiellement administrative. Le but de cette recommandation Ă©tant de prĂ©server la nature inquisitoire, et non accusatoire, de l’enquĂŞte.

Le mĂ©moire rĂ©itère Ă©galement un appel lancĂ© en 2014 au Conseil canadien de la magistrature pour qu’il Ă©labore un code de procĂ©dure Ă  l’usage des comitĂ©s d’enquĂŞte. Ce mĂ©moire reconnaissait qu’il faudra du temps pour le faire et que, pendant ce temps, les enquĂŞtes devraient se poursuivre. Cependant, selon le dernier mĂ©moire en date, il est temps de faire des progrès Ă  cet Ă©gard. L’ABC recommande maintenant que pour remplacer ses Principes de dĂ©ontologie judiciaire actuels, le Conseil canadien de la magistrature Ă©labore un code de dĂ©ontologie normatif Ă  l’intention des juges.

Remarquant que les organismes provinciaux et territoriaux ont compĂ©tence pour imposer un grand nombre de sanctions alors que le Conseil canadien de la magistrature ne dispose que d’une seule option rĂ©elle, soit celle de rĂ©voquer les juges, le mĂ©moire recommande Ă©galement qu’outre la rĂ©vocation, le CCM ait accès Ă  un plus vaste Ă©ventail de mesures et de sanctions d’ordre disciplinaire de moindre gravitĂ©.

[TRADUCTION]  « Le fait de ne fournir qu’un recours, le plus sĂ©vère de tous les recours possibles, peut soit faire hĂ©siter les comitĂ©s d’enquĂŞte Ă  conclure Ă  l’inconduite, ce qui se traduit par le fait que des juges qui devraient ĂŞtre sanctionnĂ©s ne le sont pas, soit imposer aux juges coupables d’inconduite la sanction ultime qu’est la rĂ©vocation alors que l’inconduite en cause justifie une sanction de moindre gravitĂ©. »

S’agissant de genre de plaintes qui devraient ĂŞtre portĂ©es devant un comitĂ© d’enquĂŞte, le mĂ©moire recommande que seules celles qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© examinĂ©es par le CCM progressent jusqu’Ă  ce stade.

Dans l’intĂ©rĂŞt de la transparence encore une fois, l’ABC recommande que le Conseil canadien de la magistrature Ă©largisse l’Ă©ventail des plaintes qu’il rĂ©sume dans son rapport annuel et fournisse de plus amples renseignements Ă  leur Ă©gard au sujet de la nature des plaintes rejetĂ©es et des motifs de leur rejet, sans pour autant identifier les juges en question. Elle recommande en outre l’Ă©laboration d’une politique officielle pour la divulgation des renseignements concernant les affaires une fois qu’elles ont atteint l’Ă©tape de l’enquĂŞte.

[TRADUCTION]  « Dans le cadre de l’Ă©laboration de ces recommandations, l’ABCa envisagĂ© les rĂ©formes qui seraient favorables Ă  l’intĂ©rĂŞt du public concernant la responsabilisation tout en protĂ©geant l’indĂ©pendance de la magistrature et en crĂ©ant un Ă©quilibre entre lesdits intĂ©rĂŞts et les risques pour la vie privĂ©e et la rĂ©putation de chacun des juges », dĂ©clare le mĂ©moire. « Nos commentaires portent, de façon gĂ©nĂ©rale, sur l’Ă©quilibre qui doit ĂŞtre atteint entre les instruments lĂ©gislatifs et de politique dans le cadre de la mise en Ĺ“uvre de ces rĂ©formes. »

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