Entrée en fonction de l’Autorité des marchés publics : à quoi doit-on s’attendre?

  • 11 février 2019
  • Clémentine Sallée, Alexis Beaudin-Fol et Alexia Magneron

Le 25 janvier 2019, certaines dispositions régissant l’Autorité des marchés publics (l’« AMP ») sont entrées en vigueur. Ce moment était attendu avec impatience, tant par les donneurs d’ouvrages que les entreprises privées.

Rappelons que l’AMP, autorité neutre et indépendante de supervision et de contrôle des marchés publics au Québec et instance unique au Canada, a été créée par la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics (la « Loi 108 »), adoptée le 1er décembre 2017, et constituait l’une des recommandations clés de la Commission Charbonneau.

La Loi 108 prévoit une entrée en vigueur graduelle des fonctions et pouvoirs de l’AMP afin de s’assurer de son opérationnalité dès le début de ses activités. Même si le premier président-directeur général de l’AMP, Me Denis Gallant, est entré en fonction le 15 juillet 2018, ce n’est que le 25 janvier 2019 que certains pouvoirs et fonctions d’intervention, de supervision et d’enquête de l’AMP ont pris effet. L’AMP s’est également substituée à cette date à l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») dans ses responsabilités quant aux contrats publics, notamment en ce qui a trait à l’autorisation préalable requise pour certains contrats et sous-contrats publics.

Fonctions et pouvoirs en vigueur au 25 janvier 2019

Voici quelques-uns des pouvoirs et des fonctions de l’AMP qui sont entrés en vigueur le 25 janvier 2019 :

Conformité

L’AMP a pour fonction d’examiner la conformité au cadre législatif et réglementaire applicable, notamment la Loi sur les contrats des organismes publics (« LCOP ») :

  1. des processus d’adjudication, d’attribution et d’exécution des contrats des organismes publics, de l’initiative de l’AMP ou sur demande du président du Conseil du trésor; et
  2. de la gestion contractuelle d’un organisme public que l’AMP désigne ou désigné par le Gouvernement du Québec. Le ministère des Transports est le premier organisme public dont la gestion contractuelle sera examinée par l’AMP.

Dans l’exercice de ces fonctions, l’AMP dispose des pouvoirs de vérification et d’enquête lui permettant d’exiger la divulgation de tout renseignement pertinent ainsi que la production de documents, et d’entrer dans les locaux des organismes publics ou tout autre lieu où peuvent se trouver ces renseignements et documents.

Aux termes d’une enquête ou d’une vérification, l’AMP peut :

  1.  émettre des ordonnances motivées aux organismes publics. Ces dernières comprennent un ordre de recourir à un vérificateur de processus indépendant pour un processus d’adjudication donné, de modifier ou d’annuler un appel d’offres public, et, pour les organismes publics dont la gestion contractuelle est sous examen, de suspendre de manière temporaire l’exécution ou la résiliation d’un de leur contrat si la gravité des manquements le justifie. Il faut noter que, si ces ordonnances sont contraignantes pour les organismes publics visés par la LCOP, elles ne constituent que des recommandations pour les organismes municipaux; et
  2. désigner une personne indépendante pour agir sur un comité de sélection donné.

L’AMP peut également faire des recommandations qui peuvent s’adresser, entre autres, au Conseil du trésor, au ministre responsable des affaires municipales ou au dirigeant d’un organisme public dont la gestion contractuelle est sous examen.

Autorisation de l’AMP et intégrité

L’AMP assumera désormais les fonctions de l’AMF se rapportant au régime d’autorisation préalable à la conclusion de contrats et sous-contrats publics (l’« Autorisation de l’AMP ») et assurera la tenue du registre des entreprises autorisées à conclure un contrat ou un sous-contrat public (le « REA »). L’AMP maintiendra également le registre des entreprises non admissibles aux contrats (ou aux sous-contrats) publics (le « RENA »), jusqu’alors tenu à jour par le Conseil du trésor.

Il est important de noter qu’afin d’assurer une transition harmonieuse entre l’AMF et l’AMP, la Loi 108 a prévu le transfert des activités entre les deux organisations. Ainsi le processus de demande (ou de renouvellement) des Autorisations de l’AMP demeure le même, les employés, les systèmes, et les dossiers des demandes en cours étant transférés et traités de façon continue par l’AMP. Les entreprises ayant déposé des demandes ou détenant une Autorisation de l’AMP n’ont donc aucune démarche à effectuer afin d’assurer la migration de leur dossier vers l’AMP.

Fonctions et pouvoirs entrant en vigueur au 25 mai 2019

L’élément de la Loi 108 le plus attendu est le nouveau système de plainte extrajudiciaire en cas d’irrégularités d’un processus d’octroi d’un contrat, d’homologation ou de qualification d’abord devant les organismes publics, puis devant l’AMP. Ce système n’entrera cependant en vigueur qu’à compter du 25 mai 2019, tout comme les dispositions relatives à la communication de renseignements ou à la divulgation d’actes répréhensibles en matière de contrats publics.

Cette période de quatre mois permettra notamment à l’AMP et à son président-directeur général de développer les procédures internes et les formulaires de plaintes standardisés et de recruter et former ses employés.

Les organismes publics devront, quant à eux, s’assurer de mettre en place avant le 25 mai 2019, un processus administratif de réception et d’analyse des plaintes relatives à leurs marchés publics, premier palier du nouveau système de plainte. Ils devront également prendre en compte dans leurs processus d’adjudication et d’attribution les délais que pourraient occasionner de potentielles plaintes, former leur personnel sur ce nouveau système et les informer des conséquences de ne pas le respecter.

Ils devront finalement tenir compte d’une nouvelle règle : l’obligation de publier sur le système électronique d’appel d’offres (le « SEAO »), au moins 15 jours avant de conclure, se fondant sur l’exception de l’intérêt public, un contrat de gré à gré qui aurait dû faire l’objet d’un appel d’offres public, un avis d’intention permettant à toute entreprise de manifester son intérêt à réaliser ce contrat, sous peine de résiliation de plein droit de ce contrat.

Beaucoup attendent ces changements avec impatience, anxieux certes, mais optimistes quant à cette nouvelle autorité.

Clémentine Sallée est associée, Alexis Beaudin-Fol est avocat et Alexia Magneron est avocate dans le cabinet Blake, Cassels & Graydon s.e.n.c.r.l., s.r.l. à Montréal.