Techniques de négociation gagnant-gagnant pour avocats : L’art de satisfaire les deux parties

  • 15 octobre 2014
  • Janet Ellen Raasch

Les dirigeants de cabinets juridiques doivent constamment nĂ©gocier avec leurs collègues, qu’il s’agisse de fixer l’Ă©chĂ©ancier d’un projet, de s’entendre sur un budget, de rĂ©gler un diffĂ©rend, d’engager des employĂ©s ou de dĂ©terminer leur salaire. Ils doivent aussi discuter avec les fournisseurs du coĂ»t des produits et services dont ils ont besoin.

Quel style de négociation devriez-vous employer dans votre cabinet?

La carpe, le requin et le dauphin

La nĂ©gociation est le processus dans lequel deux parties ayant des buts diffĂ©rents tentent de s’entendre sur une solution optimale.

Le trait de caractère le plus important d’un nĂ©gociateur efficace est la souplesse. « Lorsqu’une façon d’aborder une situation n’aboutit pas, le bon nĂ©gociateur parvient Ă  s’adapter et Ă  emprunter une dĂ©marche diffĂ©rente », dit Peter Stark, un expert-conseil de San Diego qui se spĂ©cialise dans le perfectionnement des aptitudes en nĂ©gociation ainsi qu’en leadership et en gestion.

M. Stark compare la situation de nĂ©gociation Ă  un monde de carpes, de requins et de dauphins, s’appuyant sur une mĂ©taphore de l’ouvrageThe Strategy of the Dolphin de Dudley Lynch et Paul Kordis. « Au moment d’aborder des nĂ©gociations, vous ne voulez pas ĂŞtre une carpe, dit M. Stark. Une carpe ne voit que des options limitĂ©es, ne pense pas qu’il puisse gagner, n’aime pas la confrontation et s’efforce de prĂ©server le statu quo. Vous ne voulez pas non plus ĂŞtre un requin. Un requin ne perçoit aussi que des options limitĂ©es, mais tient Ă  gagner Ă  tout prix, use de la confrontation comme d’une stratĂ©gie et met toute son Ă©nergie dans l’anĂ©antissement de l’adversaire quel qu’en soit le coĂ»t Ă  long terme. »

Selon M. Stark, « Les meilleurs nĂ©gociateurs sont des dauphins. Ils sont souples dans leur rĂ©flexion et dans leur personnalitĂ©; ils peuvent modifier leurs stratĂ©gies et tactiques en fonction de l’espèce Ă  laquelle ils sont confrontĂ©s – carpes, requins ou autres dauphins. »

« Les dauphins perçoivent un univers infini d’options. Ils coopèrent tant que leur vis-Ă -vis est coopĂ©ratif. En revanche face Ă  une manĹ“uvre de requin, ils rĂ©agissent rapidement afin de conserver la maĂ®trise de la situation. Lorsqu’une stratĂ©gie s’enlise, les dauphins sont prĂŞts Ă  changer de voie. Ils consacrent toute leur Ă©nergie Ă  la rĂ©alisation d’une solution gagnant-gagnant. »

Solutions gagnant-gagnant

Lorsque des parties nĂ©gocient, les rĂ©sultats possibles sont limitĂ©s :

  • perdant-perdant, oĂą ni une ni l’autre des parties ne rĂ©alise ses objectifs;
  • perdant-gagnant ou gagnant-perdant, oĂą une seule des parties rĂ©alise ses objectifs;
  • gagnant-gagnant, oĂą les deux parties rĂ©alisent leurs objectifs;
  • impasse, oĂą ni une l’autre des parties ne gagne ou ne perd.

Parmi ces possibilités, les résultats perdant-perdant, perdant-gagnant (si vous êtes la partie qui perd) et impasse sont les moins utiles à la réalisation de vos buts.

« Parfois, l’impasse est le meilleur rĂ©sultat, fait toutefois remarquer M. Stark. Faites confiance Ă  vos instincts : certains accords ne mĂ©ritent pas d’ĂŞtre conclus. »

Le rĂ©sultat gagnant-perdant (si c’est vous qui gagnez) peut sembler souhaitable de prime abord, mais votre relation avec votre contrepartie sera compromise, et ce, parfois de façon irrĂ©mĂ©diable. La partie perdante ne sera pas heureuse de l’accord et sera rĂ©ticente Ă  nĂ©gocier de nouveau avec vous. C’est vous qui pouvez en fin de compte perdre le plus.

« Le meilleur rĂ©sultat de toute nĂ©gociation est gagnant-gagnant, oĂą les deux parties Ă  la nĂ©gociation sont heureuses de la conclusion et estiment avoir rĂ©alisĂ© leurs objectifs, affirme M. Stark. La confiance s’installe entre les parties, qui seront bien disposĂ©es Ă  la poursuite de cette relation mutuellement avantageuse. »

Trois conseils pour créer un contexte gagnant-gagnant

« Premièrement, ne rĂ©duisez pas votre nĂ©gociation Ă  une seule question, conseille M. Stark. S’il y a une seule question, il ne peut y avoir qu’un seul gagnant. Quand il y a une seule question, c’est souvent le prix. Faites des recherches et posez des questions, de façon Ă  ajouter d’autres dimensions Ă  la nĂ©gociation. »

« PrĂ©voyez autant de questions ou d’Ă©lĂ©ments de nĂ©gociation que vous le pouvez, dit-il. Lorsque vous et votre contrepartie butez sur une question et que vous vous relancez sans cesse la mĂŞme balle, mettez ces autres Ă©lĂ©ments en jeu et jonglez avec eux pour dĂ©bloquer la situation. »

Deuxièmement, reconnaissez que les besoins et souhaits de votre contrepartie ne sont pas les mĂŞmes que les vĂ´tres. « MĂŞme “un bon prix” peut avoir un sens diffĂ©rent pour chaque partie, dit M. Stark. Si vous ne le comprenez pas, le gain de l’autre partie est nĂ©cessairement une perte pour vous et il devient pratiquement impossible de crĂ©er un rĂ©sultat gagnant-gagnant. »

« Troisièmement, ajoute M. Stark, après avoir compris que les besoins et souhaits de votre contrepartie sont diffĂ©rents des vĂ´tres, ne prĂ©sumez pas de les connaĂ®tre. Dans toute nĂ©gociation, il y a des besoins “explicites” qui sont exprimĂ©s, comme le prix, le taux de financement ou une Ă©chĂ©ance. Mais il y a aussi des besoins “implicites” qui ne sont pas exprimĂ©s. Ceux-ci sont très puissants et dĂ©terminent de fait l’issue de la nĂ©gociation. Par exemple, il y a le dĂ©sir d’ĂŞtre apprĂ©ciĂ© ou aimĂ©, de faire confiance et d’inspirer confiance, d’avoir raison, de faire bonne impression au patron, d’ĂŞtre “meilleur” ou supĂ©rieur, d’obtenir un bon marchĂ©, d’ĂŞtre Ă©coutĂ©, d’ĂŞtre reconnu, de paraĂ®tre intelligent, de gagner et d’entretenir une relation. »

Soyez prĂŞt

Une grande part du travail qui mène à une négociation gagnant-gagnant réussie est effectuée avant même que les parties ne se rencontrent.

« Prenez le temps voulu pour dĂ©terminer vos propres besoins, souhaits et objectifs avant d’entamer une nĂ©gociation, suggère M. Stark. Mettez-les par Ă©crit. Par exemple, vous avez peut-ĂŞtre reçu un devis de 50 000 $ pour un nouveau tapis dans vos bureaux, et vous voulez obtenir un meilleur prix afin de satisfaire l’associĂ© directeur. IdĂ©alement, vous voulez payer 40 000 $. Cependant, votre but est d’obtenir le tapis Ă  45 000 $ ainsi que quelques concessions au sujet de la pose. »

Votre but est le rĂ©sultat final que vous visez; si vous ne pouvez pas le rĂ©aliser, vous devez ĂŞtre prĂŞt Ă  renoncer au marchĂ© – donc Ă  accepter une impasse.

Vous devez aussi prendre le temps de dĂ©terminer – Ă  l’avance – les besoins, souhaits et objectifs de votre contrepartie. « La partie qui possède le plus d’information et la meilleure information obtient habituellement le meilleur rĂ©sultat, affirme M. Stark. Si vous ĂŞtes soigneusement prĂ©parĂ©, vous avez de l’assurance – un Ă©lĂ©ment essentiel dans les nĂ©gociations. »

Un des meilleurs moyens de se prĂ©parer Ă  des nĂ©gociations consiste Ă  poser des questions. « Les questions ouvertes sont les plus efficaces lorsque vous voulez cultiver une relation et obtenir de l’information, prĂ©cise M. Stark. Il peut s’agir de questions dĂ©butant par qui, quoi, oĂą, quand, pourquoi et comment, et ces questions peuvent servir Ă  dĂ©couvrir les besoins explicites et implicites de votre contrepartie. »

Les questions sont aussi utiles pendant la nĂ©gociation elle-mĂŞme. Vous devriez poser des questions fermĂ©es – oui ou non – lorsque vous tentez d’obtenir une concession ou de confirmer un Ă©lĂ©ment convenu.

« Presque tout ce que vous dites pendant une nĂ©gociation devrait prendre la forme d’une interrogation, soutient M. Stark. Des questions stratĂ©giques, opportunes et respectueuses peuvent servir Ă  obtenir, Ă  donner ou Ă  vĂ©rifier de l’information, Ă  jauger la comprĂ©hension et le niveau d’intĂ©rĂŞt, Ă  dĂ©terminer le type comportemental, Ă  susciter la participation, Ă  stimuler la rĂ©flexion, Ă  ramener la discussion au sujet voulu, Ă  conclure un accord, Ă  faire mieux accepter vos idĂ©es, Ă  rĂ©duire la tension, Ă  apaiser ou Ă  crĂ©er un rapport. »

Et de conclure M. Stark, « ArmĂ© des compĂ©tences voulues, tout administrateur de cabinet juridique peut devenir un dauphin – suffisamment adaptable pour rĂ©aliser des rĂ©sultats gagnant-gagnant dans presque toute situation. »

Peter Stark dirige la firme Peter Barron Stark & Associates et a publiĂ© l’ouvrage The Only Negotiating Guide You’ll Ever Need: 101 Ways to Win Every Time, in Every Situation.

Janet Ellen Raasch est une rĂ©dactrice / rĂ©dactrice anonyme travaillant Ă©troitement avec des avocats et autres fournisseurs de services professionnels afin de les aider Ă  se positionner comme leaders d’opinion au sein de leur marchĂ© cible grâce Ă  la publication d’information sous forme d’articles, de livres et de contenu Internet.