Comment évaluer une offre d’association

  • 09 septembre 2014
  • Janice Mucalov, LL.B.

Voilà enfin la récompense tant attendue après toutes ces années de dur labeur : on vient de vous offrir la possibilité de devenir associé! Maintenant vous pourrez enfin rapporter « votre » argent à la maison; vous pourrez vous asseoir à la table des associés et avoir voix au chapitre pour tout ce qui touche au fonctionnement du cabinet. Votre avenir au sein de l’entreprise est dorénavant assuré. En tout cas, c’est ce que vous croyez…

Une société d’avocats et d’avocates est essentiellement une forme d’entreprise commerciale; le contrat de société est en fait un contrat de propriété. Chaque société étant différente, l’offre d’association qui vous est faite est donc unique et propre à ce groupe d’avocats en particulier. Mais avant de signer ce contrat, il faut examiner soigneusement ce que signifie le fait d’être propriétaire au sein de ce cabinet – et donc suivre exactement le conseil que vous donneriez à un client intéressé à s’associer à une entreprise.

Catégories de sociétés

En général, les cabinets juridiques fonctionnent à titre de société en nom collectif ou, dans les cas autorisés, de société à responsabilité limitée (SRL)

Société en nom collectif

Dans une société en nom collectif, les associés sont conjointement et individuellement responsables de toutes les dettes et obligations du cabinet. En outre, chaque associé est personnellement responsable des dettes de tous les autres associés et peut être tenu de rembourser le montant intégral de toutes les dettes de la société.

Société à responsabilité limitée

Dans une société à responsabilité limitée, chaque associé n’est responsable que de ses propres dettes. Les associés ne sont pas responsables des actes de négligence ou de la mauvaise conduite des autres associés et, à moins qu’un associé ne soit l’auteur d’un acte de négligence ou d’une faute professionnelle, ses biens personnels seront protégés. Cependant, la société d’avocats continue d’être globalement responsable pour la négligence du fait de ses associés, ce qui expose les biens de la société au risque de perte.

Les sociétés à responsabilité limitée sont un phénomène relativement nouveau au Canada, mais un nombre croissant de cabinets juridiques sont en train de modifier leur statut pour acquérir celui de société à responsabilité limitée. Les s.r.l. doivent être enregistrées en vertu de leur législation provinciale applicable en la matière et auprès du barreau concerné.

En tant que nouvel associé, vous serez enclin à trouver les s.r.l. plus attirantes qu’une société en nom collectif, affirme Nick Jarrett-Kerr, conseiller en gestion de cabinets juridiques pour Edge International, et qui a déjà exercé le « droit des sociétés d’avocats » dans un grand cabinet juridique britannique. Ce sera votre cas si vous concluez cette entente d’association avec un grand cabinet, où vous pourriez être confronté à des pratiques inconnues et où les attentes vis-à-vis de votre capacité de générer des revenus à partir des dossiers pourraient être particulièrement élevées.

Les associés qui participent au capital par rapport à ceux qui n’y participent pas

Dans bon nombre de cabinets, il existe deux catégories d’associés : ceux et celles qui participent au capital et ceux et celles qui n’y participent pas.

Les associés à pleine participation peuvent voter et participer au partage des bénéfices. Les associés non participants, également appelés avocats salariés ou associés minoritaires, n’ont en général pas le droit de voter (quoiqu’ils puissent assister aux réunions d’associés) et ils ne peuvent prendre part au partage des bénéfices. Les associés non participants sont en outre exemptés de contribuer au capital du cabinet. En général, le statut d’associé non participant dure le temps d’une période d’essai ou de probation, soit de deux à trois ans, avant qu’on offre à l’intéressé le statut d’associé à part entière.

Le principal revers inhérent au statut d’associé salarié est que, du point de vue de l’extérieur, vous êtes censé posséder la qualité d’associé. Dans une société en nom collectif, vous risquez donc d’être tenu responsable des dettes et obligations du cabinet. Ainsi, malgré votre statut d’associé salarié, assurez-vous d’obtenir une pleine indemnisation par les associés ayant le droit de participer aux bénéfices pour toute dette contractée par les associés ou le cabinet. (Le contrat de société stipulera en général les conditions auxquelles les associés seront tenus responsables d’indemniser les autres associés ou la société pour les dettes contractées).

La gouvernance du cabinet et la prise de décision

Le contrat de société devrait stipuler les conditions du processus décisionnel pour toutes les questions importantes. Car si les associés peuvent esquiver la prise de décision, le cabinet risque de stagner.

Dans bon nombre de petits cabinets juridiques, tous les associés contribuent en général à la gestion courante du cabinet au moyen de réunions mensuelles. Dans les cabinets plus importants, les décisions relatives au fonctionnement quotidien du cabinet peuvent être déléguées à un comité de gestion ou même au conseil d’administration. Mais le vote des associés est obligatoire en cas de modifications fondamentales et de décisions majeures telles que le changement de la dénomination du cabinet, la fusion avec un autre cabinet, la liquidation de la société, des investissements d’importance, la modification du contrat de société et le remaniement de la structure de rémunération.

Habituellement, les décisions mineures au jour le jour nécessitent la majorité simple. Les changements et questions de fond exigent souvent le vote majoritaire des associés, soit aux deux tiers ou aux trois quarts. À noter que tous les votes n’ont pas systématiquement une valeur égale. Dans les cabinets où les associés reçoivent des points ou des parts de la société, le cabinet peut attribuer des votes pondérés – c’est-à-dire que si un associé détient 100 parts de la société, son vote comptera pour le double du vôtre si vous-même disposez de 50 points.

Lorsqu’un comité de gestion est en place, il faut vérifier de quelles décisions le comité sera responsable et sur quelles décisions vous serez appelé à voter en tant que nouvel associé. À moins que vous n’exerciez dans un gros cabinet ou un cabinet national, vous voudrez probablement avoir voix au chapitre des questions comme celles de choisir de nouveaux associés.

La rémunération des associés

« Vous devez examiner à fond le système de rémunération en vigueur dans le cabinet », recommande Richard Stock, associé oeuvrant pour la société de consultation en matière de services juridiques, Consultants Catalyst. Les conditions doivent être énoncées dans le contrat de société ou dans des documents écrits auxquels le contrat de société doit obligatoirement référer.

Il existe différents types de systèmes de rémunération, notamment :

  • Un partage égal des bénéfices entre tous les associés
  • Un régime de rémunération par échelons – tous les associés ayant atteint un certain niveau d’ancienneté sont reconnus et rémunérés également
  • Un système où « vous gagnez ce que vous plaidez » fondé exclusivement sur les facturations et les rentrées de fonds
  • Une formule fondée sur les facturations et l’ancienneté
  • Un système fondé sur le mérite et calculé selon le rendement facturable et non facturable
  • Toute combinaison des régimes susmentionnés

N’oubliez pas d’examiner la manière dont les activités non facturables sont reconnues. Comment serez-vous rémunéré si vous dirigez le comité des stages et devez vous rendre dans des facultés de droit afin de parler aux étudiants et étudiantes? Existe-il une formule ou des fonds discrétionnaires disponibles pour rémunérer vos services et votre temps?

Il faut aussi vérifier la reconnaissance attribuée aux avocats ayant fondé le cabinet. Que se passera-t-il si vous présentez une banque à titre de client à votre cabinet, susceptible de rapporter des honoraires d’environ 1 million de dollars? Comment serez-vous rémunéré pour les dossiers que vous amènerez mais dont vous ne vous occuperez pas?

Dans les cabinets plus importants, on peut s’attendre à ce que la rémunération des associés soit fixée en fonction d’une carte de résultats équilibrée décrivant les connaissances/compétences, les facturations/rentrées d’argent et le rendement non facturable tel que le recrutement de clients et de clientes, la tenue de séminaires de perfectionnement professionnel et les contributions apportées au cabinet ou à l’équipe de direction. Cette collaboration active peut être récompensée par l’attribution d’un certain nombre de points ou de parts de la société et un nombre accru de points se traduira en retour par des revenus supérieurs.

Ferguson préfère un régime de rémunération combiné. « La meilleure approche est le système prescrivant en partie une rémunération fixe tout en laissant ouverte la possibilité d’allouer des primes en cas de rendement supérieur. »

Critères de rendement

En devenant associé, vous devez connaître les exigences de rendement qu’on attend de vous et si elles sont respectées. Bien que le contrat de société couvre en général les obligations générales des associés, il est peu probable qu’il énonce les critères de rendement applicables, que l’on retrouve normalement dans d’autres documents relatifs au système de rémunération.

Certains cabinets disposent d’un programme de développement professionnel pour chaque associé, qui a reçu l’assentiment de l’associé en question et du comité de direction ou de rémunération. La rémunération de chaque associé est ensuite pondérée en fonction des objectifs fixés par le programme de développement professionnel.

Qui décide de la rémunération accordée?

Lorsque la rémunération est discrétionnaire, le comité de rémunération dispose, dans certains cabinets, d’un pouvoir absolu sur la fixation de la rémunération. À l’autre extrême, on retrouve des cabinets où tous les associés votent chaque année la rémunération allouée à chaque associé (c’est ce qu’on appelle « la nuit des longs couteaux »). Certains cabinets ne publient pas de tableau décrivant la rémunération des associés, ainsi vous ne connaissez que votre rémunération et ignorez celles de vos collègues.

Il faut vous assurer que les dispositions du contrat relatives à la rémunération sont suffisamment flexibles pour permettre des gratifications. « Si vous suivez une formule stricte pour le partage des bénéfices ou des primes, vous ignorerez ce qui vous reviendra personnellement à titre d’associé », rappelle Ferguson. « Il est bon de savoir qu’il reste une marge de manÅ“uvre permettant des ajustements au cas où la formule ne reconnaît pas équitablement les événements spécifiques à une année particulière pour les associés ».

À quel moment verse-t-on les rétributions?

Le contrat de société peut préciser à quel moment les rétribution seront versées - elles sont en général calculées sur 80% des bénéfices nets prévus, tandis que le solde des bénéfices nets est payé après la préparation des états financiers annuels. La plupart des cabinets de moyenne et de grande importance disposent des ressources suffisantes (comme les marges de crédit bancaires) pour distribuer aux associés des rétributions à une cadence mensuelle, que le travail en cours ait été ou non transformé en argent comptant. Mais dans les cabinets de moindre effectif, la fréquence et les montants des paiements aux associés peuvent varier, en fonction de ses mouvements de trésorerie. Vous pourriez être désagréablement surpris si, en tant que nouvel associé, vous dépendez de ces paiements mensuels pour payer votre hypothèque et autres dépenses de ménage.

L’apport de capitaux

La plupart des sociétés exigent des nouveaux associés qu’ils apportent des capitaux au cabinet. Cependant, les dispositions prévues au contrat de société sont en général rédigées en termes plutôt généraux et stipulent seulement que chaque associé doit déposer une première mise de fonds d’un montant et à une date déterminés. Ainsi, on vous conseille de solliciter des précisions lors de vos discussions avec l’associé directeur et d’examiner soigneusement les états financiers du cabinet.

À combien devra se monter cet apport de capitaux?

La somme peut varier de 10 000 $ à 100 000 $. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, réclamer une mise de fonds de 100 000 $ n’est pas si inhabituel que cela », souligne Jarrett-Kerr. Il arrive que ce montant soit calculé en fonction du nombre de points ou de parts de la société attribués à chaque associé. Ainsi plus vous avez de points, plus cet apport de capitaux sera important et chaque fois que votre part de points sera modifiée à la hausse, vous devrez verser davantage de capitaux.

À quoi seront employés ces capitaux?

« Il faut que vous sachiez à quoi ces apports de capitaux serviront », soutient Stock. Êtes-vous purement et simplement en train de financer les activités professionnelles du cabinet? Ou êtes-vous en train d’investir dans des immobilisations, comme les bureaux, lesquels sont la propriété du cabinet?

En général, votre paiement ira au fonds de roulement, lequel sert de fonds général de fonctionnement du cabinet. Étant donné que les fonds du cabinet sont alloués au travail en cours, il peut y avoir un intervalle de trois à six mois avant que le travail soit facturé et l’argent perçu. Votre apport en capitaux aide ainsi le cabinet à payer les salaires, les paiements versés aux associés et à payer les factures pendant ce laps de temps. Vos capitaux permettent également de financer d’autres dépenses d’exploitation (ordinateurs, ouvrages de référence, etc.).

Même si votre contribution prend la forme d’un paiement unique, il est possible que par la suite vous ayez à verser des montants d’argent supplémentaires au fil des années, selon les besoins du cabinet.

Le financement de votre apport de capitaux

Certains cabinets aident les nouveaux associés, associées, à accumuler des capitaux à partir des bénéfices que le cabinet n’utilise pas, de sorte que les nouveaux associés reçoivent des rétributions moindres chaque mois jusqu’à ce qu’ils aient accumulé suffisamment pour équivaloir au montant de l’apport de capitaux déterminé. En général, cependant, le cabinet vous référera à sa banque, laquelle vous prêtera le montant de capitaux requis à un taux d’intérêt intéressant.

Allez-vous récupérer votre apport de capitaux?

Examinez soigneusement les dispositions du contrat de société qui portent sur le remboursement de votre apport de capitaux. « Il faut vérifier que le cabinet vous traitera en toute équité, à la fois lors de votre entrée au cabinet, mais également au moment où vous le quitterez, qu’il s’agisse d’une démission, d’un décès ou d’une expulsion », rappelle Cliff Johnson, un associé directeur régional du cabinet albertain de McCarthy Tetrault situé à Calgary.

Attendez-vous à récupérer le montant que vous avez versé, quoique dans certains cabinets, vous devrez renoncer en partie ou en totalité à votre apport de capitaux si, par exemple, vous quittez la société dans les cinq ans suivant votre entrée dans la société.  (Dans ce cas, votre apport de capitaux n’est pas un bon investissement et devrait plutôt être considéré comme une « cotisation de membre » qui vous permet d’adhérer à un « club » de partage des bénéfices). À noter qu’il ne devrait pas y avoir de retenue effectuée sur le remboursement de votre capital si votre départ est exigé par le cabinet même.

Idéalement, le contrat de société devrait préciser que vous recevrez le remboursement de votre capital dans le mois qui suit votre départ du cabinet. Mais comme ce remboursement pourrait imposer un lourd fardeau aux ressources de trésorerie du cabinet (par exemple, lorsque plusieurs associés quittent ou prennent leur retraite en même temps), souvenez-vous que certains cabinets retiennent le remboursement des capitaux versés pendant plusieurs années. Comme Johnson le fait observer, si vous effectuez un déplacement latéral entre cabinets et que votre apport de capitaux (que vous avez emprunté) est immobilisé, il vous sera peut-être difficile de trouver les capitaux nécessaires que votre nouveau cabinet réclame.

Frais généraux et responsabilités

Le contrat de société peut préciser que le comité de gestion ou le directeur associé se chargera de la gestion et du contrôle au quotidien des frais généraux. Les dépenses peuvent être réparties également entre les associés ou partagées de manière différente selon ce qui aurait été déterminé au préalable. En cas de partage inégal, vous devrez savoir qui décide du montant attribué et de quelle manière cette décision sera prise.

Il importe également que vous compreniez les responsabilités que vous assumerez à long terme – les responsabilités professionnelles, les coûts de location des bureaux, les dettes bancaires, etc.

La couverture d’assurance du cabinet, laquelle vise à la fois la responsabilité professionnelle et la responsabilité générale du cabinet, est l’une de vos principales protections. Examinez soigneusement les antécédents du cabinet en matière de plaintes et réclamations. Si le dossier des plaintes est important, vérifiez que les facteurs ayant déclenché ces plaintes ont été éliminés et que les programmes destinés à minimiser la possibilité de plaintes à l’avenir (comme l’obligation de suivre des cours de Formation juridique permanente) sont bel et bien mis en place.

Vous vérifierez en outre si vous avez signé des engagements personnels, par exemple, à propos des baux de location des bureaux (si c’est une société externe de gestion qui s’en charge). Si le cabinet a conclu un accord officiel avec sa banque et/ou détient ses propres actifs, la banque peut ne pas réclamer de garanties personnelles. Sinon, les banques demandent en général des garanties personnelles. Même si elles sont solidaires, ces garanties sont souvent limitées afin que les risques courus par chaque associé ne soient pas inutilement excessifs.

Congés parentaux et congés sabbatiques

Examinez avec soin les dispositions du contrat de société sur les congés de maternité et de paternité, les congés sabbatiques et les horaires de travail flexibles. Ces dispositions favorisent-elles un environnement de travail ouvert à l’embauche et à la conservation des avocats salariés et associés?

Pour consulter des politiques sur les congés parentaux et le réaménagement des horaires de travail, visitez le site Web du Law Society de la Colombie-Britannique à www.lawsociety.bc.ca.

Retraite et cessation d’emploi

Retraite

« Tout contrat de société digne de ce nom devrait prévoir des arrangements pour l’âge de la retraite », soutient Jarrett-Kerr. L’âge de retraite obligatoire se situe en général entre 67 et 75 ans; 70 est assez courant. L’âge est important dans la mesure où les finances seront un sujet moins préoccupant pour vous si l’âge de la retraite est fixé à 70 ans, mais vous n’aurez peut-être pas les moyens de prendre votre retraite si vous devez quitter le cabinet à 60 ans.

Hormis la lecture rigoureuse du contrat, on vous conseille d’examiner la structure d’ancienneté du cabinet. Y a-t-il un bassin important d’associés d’un certain groupe d’âge? Si plusieurs associés sont sur le point de prendre leur retraite (et de récupérer leurs capitaux), cela entraînera-t-il une pénurie d’associés principaux? Le cabinet est-il en mesure de supporter cette fuite de capitaux? Idéalement, le cabinet devrait comprendre un bon mélange d’âges différents afin que les associés les plus jeunes puissent grimper les échelons à un rythme continu.

Pour de plus amples renseignements, consultez l’article EnPratique de l’ABC sur Planification à l’avance du départ à la retraite d’un associé.

Cessation d’emploi

La Loi sur les sociétés en nom collectif prévoit, dans la plupart des provinces, qu’ « une majorité des associés ne peut exclure un associé, à moins que le pouvoir d’agir ainsi leur soit conféré par une entente expressément conclue entre eux et que ce pouvoir soit exercé de bonne foi ». Par conséquent, vérifiez que le contrat de société prescrive bien les modalités liées à la cessation des fonctions d’un associé, sinon la société aura le pouvoir de se débarrasser d’un membre qu’elle juge indésirable.

En temps normal, le contrat précisera qu’un vote à la majorité des deux tiers ou des trois quarts des associés est requis pour décider de l’expulsion d’un associé et la période de préavis peut aller de six mois à un an. (En réalité, il est rare que les associés soient éjectés de cette manière – en général, on suggère à l’associé de remettre lui-même sa démission). À noter que si une décision visant à expulser un associé n’exige pas un vote majoritaire des associés et qu’elle ne reçoit pas leur appui majoritaire, cette mesure peut entraîner le démantèlement du cabinet, rappelle Ferguson.

Il faut également examiner en quoi consistent les ententes de non-concurrence. Si vous quittez le cabinet, ladite entente peut vous empêcher d’emmener des clients, clientes, avec vous (qui sont considérés comme « appartenant » au cabinet). Il arrive souvent que ces ententes vous interdisent d’approcher les clients du cabinet pendant un an suivant votre départ ou d’établir votre cabinet dans un certain rayon géographique entourant le cabinet. Bien que l’on puisse s’objecter aux aspects légaux de ces clauses, surtout si elles sont particulièrement exigeantes, il vaut mieux éviter d’entamer un conflit au sujet de votre droit d’agir pour des clients que vous avez recrutés pour le cabinet.

Vous devez aussi vérifier la nature exacte des règles de déontologie professionnelle applicables. En C.-B. par exemple, le Professional Conduct Handbook renferme une règle prescrivant que le droit du client de choisir son propre avocat ne peut être restreint par aucune entente contractuelle ou autre. Lorsqu’un avocat quitte un cabinet juridique  pour constituer son propre cabinet ou pour se joindre à un autre cabinet, l’avocat ainsi que le cabinet ont l’obligation d’aviser les clients de cet avocat de leur droit de choisir qui les représentera dorénavant.

Les documents à revoir absolument

Voici, hormis le contrat de société, les documents que vous devriez impérativement examiner avant de vous engager :

  • Les états financiers
  • Les critères régissant la rémunération, y compris les renseignements sur le programme des points (et de rétribution) de la société et la politique relative aux rétributions
  • Tous les formulaires de rémunération personnels que vous devez soumettre pour faire reconnaître vos contributions non facturables
  • Les documents relatifs aux baux à long terme, les emprunts bancaires et autres dettes et obligations du cabinet que vous serez amené à partager
  • Tout document modifiant le contrat de société depuis sa rédaction initiale

Dans de nombreux cabinets, et en particulier dans les gros cabinets, une offre de devenir associé est souvent assortie d’une trousse d’information pour le nouvel associé ou d’un manuel d’orientation. Si ces renseignements ne vous sont pas offerts, il vous suffira d’en faire la demande.

Les états financiers (vérifiés de préférence) qui remontent à trois ans au moins seront décisifs pour comprendre la rentabilité réelle du cabinet et devraient révéler toute tendance problématique. Ne vous fiez pas outre-mesure aux meilleures années du cabinet -  particulièrement, si cette réussite financière est due à des facteurs uniques et ponctuels, par exemple lorsqu’un client ou une cliente a eu besoin pendant une année donnée de nombreux services juridiques ou que le fonds de réserve est particulièrement élevé cette année-là. Examinez à fond les bilans pour relever les détails des actifs, ainsi que les états détaillant les profits et pertes. Un cabinet prospère dressera aussi des comptes de gestion à une fréquence périodique (en général, une fois par mois) afin que les associés puissent constater les progrès réalisés par le cabinet tout au long de l’année.

Négocier un meilleur statut d’associé

Il est rare que l’on remanie les contrats de société, et on ne le fait qu’en cas de nécessité réelle, lors du fusionnement avec un autre cabinet, par exemple. Si vous souhaitez négocier un aspect spécifique du statut d’associé qui vous est offert, disons votre rémunération, les termes mêmes du contrat de société demeureront sans doute inchangés.

Dans les cabinets de plus grande importance, l’offre d’association est en général une proposition à prendre ou à laisser. Dans les cabinets de moindre effectif cependant, il est faux de croire qu’une offre d’association sera retirée en cas de suggestion de changement.

« Les avocats salariés ont la possibilité de réclamer des modifications », affirme Adam Pekarsky, directeur de Robert Half Legal, situé  à Calgary, une société de recrutement de juristes en Amérique du Nord. « Tout est une question de pouvoir de négociation. Si après quelques années seulement d’un rendement supérieur d’heures facturables, on vous invite à devenir associé et que le cabinet court le risque de vous perdre au profit d’un autre cabinet avoisinant, alors vous êtes en bonne position pour réclamer de meilleurs avantages. Dans ce cas, le cabinet a davantage besoin de vous que vous de lui. »

Conclusion

Pour que votre évaluation de l’offre de devenir associé soit complète, il faut également prendre en considération les facteurs dits « accessoires » comme :

  • Le cabinet s’est-il fixé une orientation intéressante pour l’avenir?

  • Quel est le type de clientèle du cabinet et quel est son principal champ d’expertise? Sachant cela, est-ce le genre de travail qui vous intéresse?

  • Quelles possibilités de formation et de perfectionnement professionnel le cabinet offre-t-il à ses membres?

  • La société forme-t-elle un groupe cohérent ou peut-on sentir des dissensions parmi les associés?

  • Avez-vous confiance dans les associés?

  • La culture du cabinet convient-elle à votre style de vie? Vos valeurs correspondent-elles à celles de la société? Comment le cabinet traite-t-il les minorités, vous sentiriez-vous à l’aise si vous étiez handicapé, noir, ou gai?

  • Existe-t-il un « plafond de verre » pour les femmes?

  • Pensez-vous obtenir la satisfaction que vous recherchez dans le cadre votre emploi?

Enfin, il ne faut pas oublier que devenir associé équivaut à une sorte de saut dans l’inconnu. Un examen approfondi des conditions financières et juridiques de l’offre, la comparaison de vos valeurs et principes avec ceux de la société et des autres associés, etc., ne peuvent que vous aider à prendre une décision éclairée sur vos chances de prospérer au sein du cabinet et, au cas où les choses tourneraient mal, vous aurez au moins la certitude que vos intérêts ont été convenablement respectés.