L’embauche de personnel et le travail en collaboration : mode d’emploi à l’intention des avocats et avocates exerçant seuls et en petits cabinets

  • 07 mai 2014
  • Janice Mucalov

De bons employées, employés, parfaitement qualifiés, sont un facteur essentiel à la prospérité de votre cabinet. Un ou une secrétaire juridique efficace peut grandement améliorer votre rendement tout en vous aidant à faire de votre bureau un lieu agréable et dépourvu de stress. Alors qu’un personnel médiocre peut vous faire perdre temps et argent en plus d’avoir une influence négative sur vos relations avec la clientèle et le milieu de travail.

Les grands cabinets juridiques possèdent leurs propres services de ressources humaines ou alors ils font appel à des agences externes pour trouver le personnel nécessaire. En revanche, si vous exercez seul ou en petit cabinet, la démarche est différente. À quel moment devez-vous engager un nouvel adjoint? Où allez-vous trouver la personne qui vous convient dans un marché serré? Va-t-il falloir que vous payiez le gros prix? Comment former les membres de votre personnel pour en faire des porte-parole efficaces du cabinet et améliorer le service à la clientèle?

Savoir déléguer

Les avocats et avocates exerçant en solo ont parfois l’impression qu’ils et elles peuvent gérer leur cabinet sans aucun employé. «  La technologie, combinée avec le mode de pensée traditionnel de la profession, fait en sorte que l’avocat est persuadé de pouvoir se débrouiller seul pour tout », explique Edward Poll, le président situé en Californie de LawBiz Management.

La plupart des avocats se débrouillent en effet assez bien pour ce qui est de dactylographier leurs textes. Et le traitement de texte, le logiciel de facturation, la boîte vocale et la messagerie électronique donnent facilement l’illusion que vous n’avez besoin d’aucune aide supplémentaire. En fait, c’est vrai, un avocat, une avocate exerçant seul pourrait produire environ 1 200 heures facturables par année, à raison de 50 heures de travail par semaine et en prenant deux semaines de vacances, estime Art Italo, un consultant en matière juridique auprès de Italo Consulting, en Géorgie.

Mais ce serait une erreur d’essayer et de tout assumer vous-même. Selon Poll, les avocats ne devraient en réalité se consacrer qu’à deux choses bien précises : la pratique du droit et le recrutement de nouveaux clients et dossiers. Toute autre tâche doit être déléguée à quelqu’un d’autre et en réalité, sera certainement mieux faite que par vous-même.

Bien sûr, engager un ou une secrétaire ou assistant, assistante, coûte cher. Mais si vous payez cette personne 25 $ ou 30 $ de l’heure, vous pourrez à votre tour facturer à 200 ou 300 $ de l’heure et ferez ainsi grimper vos profits de façon importante.

Pour réussir votre pratique en solo, vous aurez besoin d’une solide équipe, affirme Poll, même si cette équipe n’est constituée que de vous-même et de votre adjoint à qui vous déléguerez le travail qui ne nécessite ni votre expertise, ni votre attention personnelle.

À quel moment faut-il embaucher du personnel?

Quel volume de travail faut-il atteindre avant d’engager un nouvel employé? « Engagez du personnel lorsque le nombre de vos heures facturables est suffisant pour justifier cette nouvelle recrue ou lorsque cela vous permettrait de vous débarrasser de tâches afin de faire davantage d’heures facturables », soutient Poll. Votre nombre d’heures facturables est-il suffisant pour assumer le salaire de 30 000 $ ou 40 000 $ de cette nouvelle recrue? La ligne de démarcation se situe lorsque les revenus additionnels générés ou l’allégement de vos contraintes équivalent au coût d’embauche de cette personne. « Tout montant supérieur est un bonus. »

Commencez à examiner la question dès que vous pressentez cette nécessité. S’il vous arrive de rencontrer une personne qualifiée avant que ce besoin ne soit réel, engagez-la dès que possible car le volume de travail risque de s’accroître.

Si la quantité de travail est insuffisante pour justifier l’embauche d’une personne à temps plein, vous pouvez opter pour un employé à temps partiel ou confier du travail en sous-traitance au fur et à mesure de vos besoins.

Les petits cabinets juridiques peuvent s’interroger sur la nécessité d’engager les services d’un cadre de gestion pour se charger de la comptabilité, des payes, de la facturation, de l’achat des fournitures de bureau et des relations humaines. Italo fait observer que « certaines tâches font perdre un temps précieux, vont en augmentant avec le nombre d’associés et qu’on en confie souvent la responsabilité à un associé directeur (dont les heures facturables sont gaspillées). » Si l’associé directeur ou d’autres avocats dans votre cabinet gaspillent des heures facturables au profit de tâches de type administratif et donc non facturables, alors il vaut mieux les confier à un employé salarié.

Embauchez le meilleur

Tâchez d’engager le meilleur des candidats, dans les limites de votre budget, recommande Lonny Balbi, chez Balbi & Company, à  Calgary, et qui démontre un authentique intérêt pour la gestion d’un cabinet juridique.

« Il est également beaucoup plus payant d’engager quelqu’un d’expérimenté dès le début, plutôt que d’essayer de former une personne junior », ajoute-t-il. Une personne possédant déjà une formation et de l’expérience dans le milieu des cabinets juridiques pourrait aider votre cabinet à générer davantage de revenus que si vous engagez un jeune inexpérimenté et qu’il vous faudra former (n’oubliez pas que les grands cabinets affirment qu’il faut environ trois ans avant que les jeunes avocats rattrapent les coûts de leur embauche).

Si vous exercez dans un cabinet particulièrement productif, vous ne pouvez vous permettre d’engager quelqu’un capable de commettre des erreurs, fait observer Poll. Plus grand est le volume de travail ou plus complexe il est, plus la personne devra être expérimentée.

Il importe également d’avoir des affinités avec la personne que vous engagez et qu’elle s’intègre bien dans la culture du cabinet.

Comment trouver et recruter un personnel administratif de premier choix

Où chercher?

Comme le sait tout avocat ayant déjà cherché de nouvelles recrues, on assiste actuellement à une pénurie dans le monde des secrétaires juridiques qualifiés. Comment dans ces conditions difficiles recruter la personne idéale? La vieille méthode des petites annonces dans les journaux reste encore le meilleur outil de recherche, selon Balbi. Les agences de recrutement sont chères (les frais équivalent à environ trois mois du salaire de l’employé) et le bassin de candidats et candidates qualifiés est si restreint, elles risquent de vous référer tous ceux et celles qui répondent à leurs demandes. Vous pouvez aussi sonder vos collègues et demander l’aide de votre association de barreau locale. Balbi suggère également d’aller voir du côté des collèges et des écoles qui dispensent la formation des secrétaires juridiques et des parajuridiques.

Description exacte du poste

Lorsque vous rédigez la description du poste de la personne recherchée, soyez précis, dites clairement ce que vous recherchez et définissez avec soin les tâches et les responsabilités rattachées au poste. Avant de rédiger, sachez ce que vous considérez comme des facteurs importants pour vous et pour le poste lui-même. Pour un cabinet en droit de la famille comme celui de Balbi par exemple, la personne idéale sera quelqu’un d’aimable, d’attentif aux détails, ayant d’excellentes aptitudes aux communications téléphoniques et capable d’aider les clients et clientes en situation de gros stress.

Évitez les phrases générales du type : « un cabinet juridique en litiges est à la recherche d’un parajuridique ». Il vaut mieux écrire ceci : « un petit cabinet juridique, dynamique et productif, est à la recherche d’un parajuridique expérimenté, capable de mener des entretiens avec des clients et des témoins, de rédiger des actes de procédure et de préparer la documentation en vue du procès. Doit être apte à travailler sous pression. »

Préparation à l’entrevue

Efforcez-vous d’acquérir les techniques de base en matière d’entrevue d’embauche et de vous familiariser avec les préoccupations principales des candidats et candidates potentiels (comme les congés parentaux par exemple), recommande Poll. Pendant l’entrevue, posez des questions ouvertes du type « que feriez-vous si un client ‘x’ appelait dans cette situation? »; ainsi vous déclenchez chez la personne un processus de réflexion et constatez par là-même l’étendue de ses compétences. Si vous travaillez avec d’autres avocats dans le bureau, arrangez-vous pour que l’un d’eux interviewe également le candidat ou la candidate. Il se peut que cette personne finisse par travailler avec d’autres que vous ou soit par la suite affectée au service d’un autre avocat du bureau. Demandez aussi à un autre secrétaire ou adjoint du bureau de rencontrer le candidat pour savoir ce qu’il ou elle pense de cette personne.

Évaluation des qualifications du candidat

Voici, selon Italo, quelques éléments à prendre en compte lors de l’évaluation des qualifications du candidat ou de la candidate :

  • Durée de l’emploi précédent : pendant combien de temps le candidat a-t-il travaillé pour son précédent employeur? Si la personne a des antécédents d’emplois en dents de scie, ses qualifications peuvent être médiocres ou peut-être a-t-elle de la difficulté à travailler avec les autres. En règle générale, Italo déconseille « d’engager un candidat ou une candidate dont les antécédents montrent une moyenne de moins de trois ans avec le même employeur ».
  • La réputation des employeurs antérieurs : un employé qui a déjà travaillé de nombreuses années pour un cabinet réputé sera probablement un bon candidat.
  • Niveau de salaire précédent : si le salaire d’un candidat est actuellement supérieur au marché, il y a en général une raison à cela, affirme Italo. « En fait, vous devriez rechercher des personnes dont le salaire est de 30% supérieur à celui du marché. »

Vérification des références

Il faut toujours vérifier les références fournies par le candidat. Les lettres de référence tendent à être flatteuses ou neutres, vous devez donc aller fouiller plus loin. Faites en sorte de parler avec l’avocat qui a vraiment travaillé avec cette personne et non pas un simple collègue. Voici le type de questions que vous pourriez lui poser :

  • « Pourquoi cette personne a-t-elle quitté le cabinet? »
  • « Quels sont les meilleurs atouts de cette personne? »
  • « Quelles faiblesses avez-vous décelées chez cette personne? »
  • « La personne s’entendait-elle bien avec les autres dans le bureau? »
  • « La personne supporte-t-elle bien la pression? »
  • « Si vous en aviez l’occasion, ré-engageriez-vous cette personne? »

Faire passer des tests de compétences

Il faut toujours faire passer à la personne des tests d’aptitudes et de rendement pour évaluer ses compétences. Avant d’engager un employé administratif, Balbi fait passer aux candidats des tests de maîtrise de la dactylo, du classement de dossier, d’orthographe, de grammaire et de compréhension à l’aide de tests d’embauche normalisés que son cabinet a achetés.

Prise de décision

Il faut savoir que le processus d’embauche de la personne idéale est frustrant et long. Lorsque le cabinet de Balbi a publié une annonce pour trouver un ou une réceptionniste, il a reçu 200 réponses. Mais pour un ou une secrétaire juridique – étant donné la pénurie actuelle – comptez-vous chanceux si vous recevez deux ou trois réponses. Quel que soit le poste que vous cherchez à combler, assurez-vous de parler au plus grand nombre de candidats et candidates possible pour prendre une décision éclairée.

Techniques pour faciliter le travail d’équipe avec le personnel

Voici un conseil certes classique pour faire sortir ce qu’il y a de meilleur chez votre personnel, mais qui vaut la peine d’être répété. Soyez respectueux et poli et traitez votre personnel comme vous voudriez être traité vous-même. Hormis ce conseil de base, voici quelques points non négligeables :

Rendez le travail intéressant

Les employés aiment être mis au défi, apprendre de nouvelles tâches et se servir d’une gamme élargie de compétences et d’aptitudes. Confiez d’autres responsabilités à votre personnel que celles de classer des documents. Demandez-leur s’ils sont intéressés à rencontrer des clients et à en connaître davantage au sujet des dossiers (ce qui implique que le client vous a déjà rencontré). Encouragez-les à participer à la rédaction de certains documents. Bien entendu, en votre qualité d’avocat, il vous incombe d’exercer une surveillance sur leur travail.

Évitez la « microgestion »

L’objectif c’est de permettre à votre adjoint d’assumer des tâches avec le minimum d’instructions, fait observer Paul McLaughlin, ancien conseiller en gestion de la pratique pour le Barreau de l’Alberta, à présent à la tête d’un cabinet juridique en testaments et successions à Sherwood Park, en Alberta. « Au lieu de dicter une lettre de suivi à une ordonnance judiciaire destinée à un autre avocat en vue d’en obtenir l’approbation, créez une lettre standard et dictez : ‘veuillez assurer le suivi de l’ordonnance Smith’. Encore mieux, veillez à ce que votre adjoint assure automatiquement le suivi dans un délai pré-déterminé ».

Communiquez des instructions claires et précises

Apprenez à communiquer des instructions claires et précises. En voici selon MacLaughlin, un exemple. Lorsque vous dites : « voyez si John Smith peut venir à telle réunion », voulez-vous dire : « tâchez de savoir quand le client est disponible et je déciderai ensuite de l’heure de la réunion. » Ou est-ce plutôt : « organisez cette réunion, envoyez une lettre de confirmation et inscrivez la date et l’heure sur mon agenda? »

Montrez votre satisfaction

Le renforcement positif fait beaucoup pour faire ressortir les meilleurs atouts de votre personnel. « Bon nombre d’avocats semblent croire que c’est faire preuve de faiblesse que de complimenter un adjoint pour son excellent rendement », rappelle McLaughlin. Mais montrer sa satisfaction est un meilleur incitatif au rendement que l’insatisfaction. Si un client émet un compliment au sujet d’un membre du personnel, veillez à transmettre cette validation à la personne concernée. Accorder un congé ou offrir un modeste présent, comme une boîte de chocolats, sont des gestes toujours appréciés.

Conseils pour faire participer le personnel administratif au service à la clientèle

Le personnel administratif a une influence considérable sur le service à la clientèle. Les évaluations de la satisfaction de la clientèle révèlent dans quelle mesure le personnel peut dans un cabinet juridique entretenir ou briser les relations avec la clientèle.

Terry Gavulic, directrice du marketing chez Hildebrandt International, une société de consultants en services professionnels réputée, a eu l’occasion d’interviewer régulièrement des clients de cabinets juridiques. « Ils apprécient le fait que le ou la secrétaire reconnaît leur voix quand ils appellent, qu’il ou elle soit disposé à les aider et qui, lorsque l’avocat n’est pas disponible, leur donnera une idée exacte du moment où l’avocat les rappellera ou transfèrera leur appel à un autre avocat ». Parallèlement, ses évaluations révèlent l’insatisfaction des clients vis-à-vis d’une « correspondance bâclée », « des employés qui ne s’en tiennent qu’aux règles sans tenir compte des besoins spécifiques ou des circonstances particulières du client » et ceux ou celles qui ne vous livreront que le strict nécessaire.

« Pris individuellement, aucun de ces cas de figure ne peut inciter un client à changer de cabinet, mais ensemble, ils donnent au client une impression générale négative qui pourrait les faire fuir », met en garde Gavulic.

Former votre personnel au service à la clientèle

La formation du personnel est essentielle pour fournir un service de qualité à la clientèle. Poll recommande d’envisager l’embauche d’un consultant externe qui se chargera d’organiser un séminaire sur le service à la clientèle à l’intention des avocats comme du personnel administratif du cabinet. Les membres du personnel doivent aussi comprendre les règles de la confidentialité des communications avec le client et pourraient même suivre un cours en déontologie juridique. Les universités et les collèges à l’échelle locale offrent des cours sur le service à la clientèle dans le cadre de leurs programmes d’administration des affaires. C’est là une excellente manière d’inciter le personnel à jouer un rôle plus actif, sans que cela coûte une fortune au cabinet.

Adopter des normes pour le service à la clientèle

Pour aider votre personnel à saisir la qualité et l’importance du service que le cabinet s’efforce d’offrir à sa clientèle, vous devez fixer des normes écrites pour en régir la prestation. « Ces normes doivent comprendre des éléments comme les procédures acceptables pour ce qui est de retourner les appels téléphoniques, les protocoles applicables aux réponses formulées aux requêtes, la fréquence des communications avec les clients, les méthodes de facturation, etc. », mentionne Gavulic.

Constituer des équipes de service à la clientèle

« Bon nombre d’avocats adoptent dorénavant le modèle des « Équipes de services à la clientèle » pour travailler plus efficacement avec les clients », explique Gavulic. L’avocat ou l’avocate, la ou le parajuridique, la ou le secrétaire et toute autre personne ayant des contacts avec le client font partie de l’équipe.

Asseyez-vous avec votre personnel régulièrement et passez les dossiers en revue avec lui, recommande Poll. En tant qu’équipe, déterminez la stratégie applicable à chaque dossier. Pour un dossier en droit successoral par exemple, demandez à votre adjoint s’il peut communiquer des renseignements détaillés sur la famille et ses biens. Vous l’avisez ensuite que vous allez dresser un plan de l’état de la succession, votre adjoint se servira du logiciel pour produire la documentation et communiquera ensuite avec le client pour prendre le rendez-vous au cours duquel vous serez tous les deux témoins des signatures.

N’oubliez pas de demander l’avis de votre adjoint au sujet des affaires de la clientèle. Il peut apporter un éclairage et des suggestions intéressants et utiles.

Invitez aussi votre adjoint ou secrétaire à des réunions importantes avec des clients (n’oubliez pas cependant d’aviser votre client que la présence de cette personne ne lui coûtera pas un sou de plus).

Il importe que les employés considèrent qu’ils et elles ont un rôle important à jouer au sein du cabinet. Les employés ayant le sentiment de faire partie d’une équipe travailleront avec plus d’assiduité, seront plus efficaces et s’occuperont mieux des dossiers des clients lorsque vous ne serez pas disponible ou en cas d’absence. Mais ils ne peuvent assumer ces tâches que si vous travaillez en partenariat avec eux et s’ils connaissent l’évolution de chaque dossier.

Incitez votre personnel à prendre des initiatives

« Incitez votre personnel à prendre des responsabilités en matière de service à la clientèle », conseille Gavulic. « Évitez que votre employé ait à demander la permission avant de prendre des initiatives ». Elle cite en exemple la prestigieuse chaîne d’hôtels du Ritz Carlton, réputée pour la qualité exceptionnelle de son service.  Dès qu’« un client fait part d’un problème à un employé du Ritz Carlton ou exprime un besoin particulier, l’employé fait de son problème le sien, il ou elle interrompt immédiatement ses tâches habituelles pour tenter de résoudre le problème du client. » Vous devez encourager votre personnel à suivre cet exemple.

Janice Mucalov est une auteure de Vancouver.