Quand faut-il refuser un client ou une cliente ?

  • 18 mars 2014
  • Edward Poll

Les avocats et avocates sont en affaires pour rendre service Ă  des clients et des clientes. Tant que les mandats sont rentables ou utiles Ă  l’apprentissage de nouveaux avocats, on peut croire en l’opportunitĂ© de les mener Ă  terme. La question, cependant, consiste Ă  savoir s’il s’agit d’une cause adĂ©quate. Je crois qu’il existe deux scĂ©narios oĂą l’avocat a pleinement le droit de refuser des clients Ă©ventuels ou de cesser d’occuper pour des clients actuels. Dans les deux cas, il s’agit essentiellement d’un jugement d’affaires.

Premier scénario : le client déraisonnable

Il est essentiel, sur les plans tant d’affaires que professionnel, d’obtenir une lettre-contrat d’un nouveau client, Ă©nonçant la responsabilitĂ© de chacune des parties, pour assurer le succès du rapport professionnel. Vous pourrez plus facilement rĂ©pondre aux attentes du client et percevoir vos honoraires si la lettre-contrat contient tous les Ă©lĂ©ments essentiels du mandat. Assurez-vous que vos clients comprennent qu’il s’agit d’une relation bidirectionnelle. L’avocat s’engage Ă  les reprĂ©senter au meilleur de ses compĂ©tences en conformitĂ© avec les normes professionnelles, et le client s’engage Ă  communiquer et Ă  coopĂ©rer pleinement – ce qui inclut le paiement de toute facture.

Si le client trouve, après avoir pris connaissance de tous les dĂ©tails, que vous « coĂ»tez trop cher », vous pouvez rĂ©pondre en affirmant que d’autres clients trouvent leur investissement justifiĂ© par les rĂ©sultats obtenus. Vous ajoutez que vous comprenez ses sentiments et qu’il a toujours le loisir de trouver un autre avocat parce que vos honoraires ne sont pas nĂ©gociables. Le plus souvent, le client rĂ©agira de l’une de deux façons :

  1. il sera impressionné par vos habiletés de négociateur et voulant être représenté par un avocat coriace et dispendieux, acceptera vos conditions;
  2. le client quittera mais deviendra une publicitĂ© ambulante, disant Ă  qui veut bien l’entendre que vous devez ĂŞtre hautement qualifiĂ© parce que vous ĂŞtes agressif, dispendieux et ne vous en excusez pas.

Ce processus d’Ă©numĂ©rer et de nĂ©gocier une lettre-contrat permet d’Ă©viter un client aux attentes ou demandes irrĂ©alistes qui croit que votre estimation (par rapport au temps, Ă  l’issue ou aux coĂ»ts) constitue des garanties et non des estimations Ă©clairĂ©es. Une discussion sur les conditions du contrat permettra souvent de dĂ©couvrir les clients qui, Ă  l’avenir, exprimeront leur irritation devant les retards, se plaindront sans arrĂŞt de tout, demanderont de vous une attention constante ou s’attendront Ă  un accompagnement anormal ou excessif.

Les clients qui ne peuvent ou refusent de discuter ou de s’entendre sur les honoraires ou de payer un acompte devraient ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme suspects. Les clients qui veulent de l’action immĂ©diate et reporter la facture, ou s’obstiner inutilement au sujet des honoraires annoncent peut-ĂŞtre un Ă©ventuel diffĂ©rend sur les sommes Ă  payer. (Ă€ noter : assurez-vous de bien distinguer entre les clients tatillons et ceux qui nĂ©gocient avec assurance le meilleur arrangement possible qu’ils honoreront pleinement une fois la lettre-contrat signĂ©e). MĂ©fiez-vous aussi des clients :

  • qui insistent que leur affaire est « une question de vie ou de mort »; de tels clients deviennent souvent une source d’urgence de dernière minute, au mieux irritante, au pire une occasion de commettre des erreurs sous pression.
  • qui utilisent des moyens de pression pour vous convaincre de prioriser leur cause au dĂ©but du mandat.
  • qui dĂ©montrent une mauvaise attitude Ă  l’endroit des avocats et du système judiciaire, ou qui disent savoir mieux que l’avocat ce qui doit ĂŞtre fait.
  • qui sont incapables d’articuler ce qu’ils attendent de vous.

Refuser de tels clients au dĂ©part, avant de les reprĂ©senter, minimisera le risque de problèmes de perception des honoraires et d’Ă©ventuelles plaintes de nĂ©gligence professionnelle.

Deuxième scĂ©nario : le client trop petit… ou trop gros

Une hypothèse statistique appelĂ©e le principe Pareto veut qu’au fil des ans, la plupart des rĂ©sultats (80 %) sont produits par quelques causes (environ 20 %). Appliquant ce principe au marketing des cabinets juridiques, on en dĂ©duit que 80 % des revenus d’un cabinet typique proviennent de 20 % de ses clients et clientes – les gros joueurs d’impact.

La perte d’un important client constitue un risque que vous devez transformer en axiome d’affaires – assurez-vous qu’aucun client ne reprĂ©sente Ă  lui seul plus de 10 % de vos revenus. Ainsi, si l’un de vos clients « oublie » de vous payer, ou vous abandonne, vous serez en mesure d’encaisser la perte. J’ai vu trop de cabinets mettre l’accent sur quelques très importants clients et subir de graves dommages quand les honoraires d’un tel client disparaissent – soit Ă  cause de l’insatisfaction du client, d’un changement d’avocat, d’une fusion, d’une rĂ©cession ou d’autres problèmes imprĂ©vus.

Certains cabinets croient qu’un grand nombre de petits clients engendre une plus grande stabilitĂ© des revenus. Des Ă©tudes suggèrent cependant qu’il y a disproportion entre les ressources drainĂ©es par les petits clients et les revenus qu’ils produisent. Je favorise la recherche de clients plus importants, avec plus d’argent et des dĂ©fis plus intĂ©ressants. Toutefois, cet effort ne doit pas crĂ©er une situation oĂą l’on ne conserve que quelques gros clients, au point oĂą le dĂ©part de l’un pourrait mettre le cabinet en pĂ©ril.

Vous pouvez toujours accepter ce risque Ă  court terme, en vous engageant Ă  recruter plus de clients pour que les honoraires provenant du « gros » client reprĂ©sentent une proportion plus faible des revenus du cabinet, sans en rĂ©duire les montants.

Quoiqu’il en soit, n’engagez pas de dĂ©penses technologiques ou autres Ă  long terme pour ces gros clients sans une assurance quelconque qu’ils resteront chez vous au moins jusqu’au moment oĂą vous en aurez complĂ©tĂ© l’amortissement. Une stratĂ©gie Ă  long terme fondĂ©e exclusivement sur quelques gros clients entraĂ®ne presque toujours un dĂ©sastre.

La vraie leçon sur les clients

La croissance des cabinets se fonde bien sĂ»r sur la clientèle. Les avocats et avocates doivent donc rechercher des clients avec un potentiel de croissance. Quand vous choisissez des clients qui accordent Ă  votre travail une grande valeur, vous ĂŞtes en mesure d’augmenter vos honoraires – ou mĂŞme d’obtenir un pourcentage de la valeur de votre travail. Cela vous permettra de vous Ă©loigner de la facturation horaire pour facturer davantage en fonction de la valeur, ce qui est bien plus payant. C’est un principe simple de commerce 101 – mais un trop grand nombre de cabinets juridiques n’ont pas appris la leçon.

Edward Poll (edpoll@lawbiz.com) est CMC et mentor de procureurs et de cabinets juridiques Ă  Los Angeles pour les aider Ă  devenir plus rentables. Il est l’auteur de Attorney and Law Firm Guide to the Business of Law : Planning and Operating for Survival and Growth, 2nd ed. (ABA, 2002), Collecting Your Fee: Getting Paid from Intake to Invoice (ABA, 2003) et, plus rĂ©cemment, de Selling Your Law Practice: The Profitable Exit Strategy (LawBiz, 2005).