La déontologie à l’ère de l’électronique : comment éviter les icebergs

  • 22 août 2007
  • Sharon D. Nelson and John W. Simek

Tout est plus facile et plus rapide grâce à la technologie. Tout, y compris la négligence professionnelle. Nous pouvons désormais manquer de diligence, perdre des données personnelles, exercer avec incompétence et violer les règles de la publicité en un temps record.

Avec la technologie actuelle, il existe tellement de manières différentes de commettre une faute professionnelle qu’il est impossible d’en faire la liste. Nous allons quand même tenter de vous éviter certains des faux pas les plus communs.

12 façons de se piéger avec la technologie :

  1. Entretenir des relations avec un client et lui offrir des avis par courriel avant d’avoir conclu un contrat. Une erreur trop facile à commettre, surtout si votre adresse courriel apparaît sur le site Web de votre employeur. Il est important que le mandat de représentation soit signé avant de donner un avis si vous voulez éviter des complications. Rappelez-vous que chaque courriel laisse une trace; faites preuve de beaucoup de prudence avec tout ce qui peut ressembler même de loin à un avis juridique.
  2. Envoyer un document à un client pour signature sans l’avoir d’abord converti en PDF et verrouillé. Trop souvent, les clients se permettent d’altérer un document qui leur a été envoyé par leur avocat ou leur avocate. C’est ensuite qu’ils le signent et le renvoient. Soyez prudents : convertissez en format PDF tous les documents importants et verrouillez-les, à moins que vous travailliez sur une ébauche et que vous voulez utiliser la fonction « Suivi des modifications » de Word. Une fois dans sa version définitive, le document doit toutefois être converti et verrouillé avant d’être envoyé pour signature!
  3. Ne pas faire de « backups » et — ce qui est presque aussi grave — ne pas faire de restauration d’essai. La plupart des avocats devraient faire des sauvegardes incrémentales (ou différentielles) tous les jours et une sauvegarde totale au moins chaque semaine. Si vous n’en faites pas autant, réfléchissez sérieusement aux risques que vous prenez ainsi. Sachez aussi que les supports de sauvegarde peuvent mal fonctionner, alors ne tenez pas pour acquis que vous avez toujours une bonne copie de sauvegarde de vos documents et faites périodiquement des restaurations d’essai.
  4. Le placotage en ligne. Nous sommes devenus une société de pies internautes, jacassant joyeusement dans les salons de clavardage, sur les blogues, sur les listes de diffusions, par courriel et par messagerie instantanée. Vous devez toujours partir du principe que tout ce que vous transmettrez électroniquement peut vivre indéfiniment. Rappelez-vous que ce qui est supprimé n’est jamaisvraiment supprimé et que la capacité des informaticiens judiciaires à récupérer des données supprimées est effroyable. Si vous ne voulez pas avoir à répondre de ce que vous avez écrit trois ans auparavant, ne l’envoyez pas!
  5. Utiliser un ordinateur portable sans mot de passe à l’ouverture, ni chiffrement, ni accès biométrique. Dans un monde où les ordinateurs portables sont la cible numéro un du vol dans les aéroports (et figurent au top cinq dans les hôtels, les autos, etc.), vous devez prendre des précautions. Les nouveaux portables avec lecteur d’empreintes digitales ne sont plus hors de portée de la plupart des bourses. Le chiffrement des données n’est plus une chose compliquée. Il faut au minimum vous assurer que personne ne puisse accéder au contenu de votre portable sans connaître le mot de passe à l’ouverture. Ne pas prendre cette précaution élémentaire constitue carrément de la négligence.
  6. Ne pas chiffrer les données confidentielles placées sur sa clé USB. Il est essentiel que les données relatives à un client stockées sur une clé de mémoire USB soient protégées soit par un mot de passe soit en chiffrant la partie de la mémoire sur laquelle se trouvent les données.
  7. Avoir des données confidentielles sur un téléphone cellulaire qui n’est pas protégé par un mot de passe. Il se peut bien que nous soyons simplement la génération pressée qui n’a pas de temps pour les étapes supplémentaires, mais s’il y a des données qui se rapportent à vos clients sur votre cellulaire, il est évident que nous devons prendre le temps de nous assurer que personne ne puisse accéder à ces données si jamais nous devions oublier notre téléphone dans un taxi!
  8. Décider que vous n’avez pas besoin de vous y connaître en matière de preuve électronique. Désolé, mais cela n’est plus possible. Vous ne pouvez plus conclure une entente avec l’avocat adverse du genre « Je ne recourrai pas à ça si vous ne le faites pas non plus ». Dans un monde où 95 % des données sont générées électroniquement et où seulement une fraction d’entre elles sont reproduites sur papier, vous n’avez pas le choix d’envisager la possibilité que l’information stockée électroniquement puisse faire partie des questions à considérer.
  9. Faire en sorte de ne plus pouvoir retrouver vos propres dossiers. Si vous n’avez pas un système de gestion de dossiers, assurez-vous de nommer vos dossiers électroniques d’après le nom des clients et de donner un titre descriptif à chacun de vos documents incluant le nom du client au cas où vous le déplaceriez par erreur dans un autre dossier.
  10. Ne pas effacer les métadonnées. Il est impossible d’exagérer l’importance de ce point. Il arrive que des dossiers déposés au tribunal contiennent encore toutes les métadonnées. Dans un commentaire mémorable, un avocat demandait à ses collègues si quelqu’un croyait que ce « juge lunatique » comprendrait seulement les arguments invoqués. Comme vous pouvez l’imaginer, le juge en question n’a pas été très amusé en lisant ce commentaire dans le document électronique. Notre effaceur de métadonnées préféré estMetadata Assistant, de la compagnie Payne Consulting (environ 80 $ par utilisateur). Vous avez déjà Acrobat? Convertissez votre document en PDF et presque toutes les métadonnées seront nettoyées, habituellement celles qui importent.
  11. Ne rien prévoir sur le courrier électronique dans votre mandat. Plusieurs avocats considèrent, et nous sommes d’accord, qu’il devrait toujours y avoir un paragraphe distinct dans le mandat de représentation se rapportant au courriel et dans lequel le client confirme explicitement si la communication par courriel est acceptable ou non. Cette pratique devrait inciter les clients à cesser de communiquer à partir de leur lieu de travail et leur rappeler l’importance de ne pas divulguer des informations critiques. Plusieurs avocats, dont l’un des auteurs du présent article, demandent que ce paragraphe soit paraphé, de sorte qu’il soit tout à fait clair que le client a pris conscience des risques associés à l’utilisation du courrier électronique.
  12. Malmener ou abîmer l’information stockée électroniquement. Jusqu’à récemment, les avocats le faisaient régulièrement sans être inquiétés, mais plus maintenant. Les juges en ont eu assez, et ils commencent à distribuer des sanctions comme des bonbons, surtout aux clients, mais aussi aux cabinets. Vous devez comprendre la technologie de votre client suffisamment pour éviter de l’abîmer et déterminer où la preuve pertinente pourrait se trouver de manière à la préserver et pouvoir la présenter. Si vous n’êtes pas encore à ce niveau, il est temps de vous mettre au travail.

Cette liste pourrait s’allonger indéfiniment. Nous espérons seulement qu’elle vous fasse prendre conscience du fait qu’il existe des pièges très dangereux dans l’univers électronique qui attendent seulement qu’un avocat non averti vienne s’y prendre. Vous aurez au moins ici un bon point de départ pour vous assurer que vous avez couvert le plus de lacunes déontologiques possible.

Besoin d’aide supplémentaire? Rendez-vous aux Legalethics.com, the American Bar Association, ou FindLaw.

Sharon D. Nelson et John W. Simek sont respectivement président et vice-président de Sensei Enterprises, un cabinet d’experts en technologies juridiques et en informatique judiciaire basé à Fairfax, en Virginie. Tél. : 703 359-0700.