L’ABC suggère que soit modifiée la législation sur le droit d’auteur

  • 08 janvier 2019
  • Ann Macaulay

Ce n’est pas tous les jours qu’une vedette du rock a pour public les membres du Parlement du Canada. Pourtant, c’était bien l’auteur-compositeur-interprète Bryan Adams qui témoignait en septembre devant un comité de la Chambre des communes.

Le gouvernement envisageant de modifier la Loi sur le droit d’auteur, Bryan Adams est venu à Ottawa pour proposer une modification qui aiderait les compositeurs et les auteurs canadiens à reprendre le contrôle de leur création après l’avoir vendue à une société. « En vertu de la loi actuelle, il faut attendre 25 ans après la mort d'un auteur ou d'un compositeur qui a transféré ou cédé ses droits pour les récupérer », a dit M. Adams au comité. « Je propose de modifier le paragraphe 14(1) de la Loi sur le droit d'auteur, afin d'y lire « 25 ans à compter de la cession des droits » plutôt que « 25 ans à compter de la mort de l'auteur ». C'est tout ce qu'il faudrait faire. »

Bryan Adams est l’une des nombreuses parties intéressées qui ont comparu devant le gouvernement suite à l’ouverture, en décembre dernier, de l’examen quinquennal de la Loi. Les statistiques du gouvernement indiquent que les droits d’auteurs sont [traduction] « un moteur important de l’économie canadienne », les secteurs fondés sur les droits d’auteur contribuant environ 50 milliards de dollars à l’économie et fournissant 483 000 emplois en 2015.

Avec de tels chiffres, il n’est pas surprenant que la consultation sur les propositions de modifications de la Loi ait incité des dizaines de parties prenantes à déposer leurs commentaires couvrant un vaste éventail de points de vue, y compris ceux des créateurs, des diffuseurs, des enseignants, des libraires et des maisons d’édition.

« Les droits d’auteurs sont essentiels pour l’essor de la créativité et la promotion de l’activité commerciale », a déclaré Georgina Danzig, avocate de Toronto spécialisée dans la lutte contre la contrefaçon et qui exerce dans le cabinet Kestenberg Siegal Lipkus LLP. « Dans la gamme des droits en présence, la législation a pour objectif de trouver le point d’équilibre parfait entre l’octroi de droits exclusifs aux créateurs et les droits d’accès des utilisateurs. »

« Les créateurs ont généralement tendance à souhaiter voir des mesures de protection plus strictes alors que les utilisateurs veulent une méthode d’accès et d’utilisation plus généreuse et plus ouverte. Selon votre place sur cette gamme, vous prônez différents degrés de protection, d’accès, d’utilisation et d’application » a ajouté Me Danzig, qui préside le Comité de la contrefaçon et des infractions relatives au commerce de l’ABC et siège au Comité de direction de la Section nationale de la propriété intellectuelle. « Ce que nous proposons, à la lumière d’une expérience maintenant bien établie du régime actuel, c’est de mieux faire les choses. »

Le débat portant sur l’opposition entre créateurs et utilisateurs présente « de très importants enjeux financiers pour les deux camps en présence », a déclaré Steve Seiferling, du cabinet Seiferling Law à  Saskatoon et président du Comité de la politique du droit d’auteur de l’ABC et président sortant de la Section nationale de la propriété intellectuelle. Me Seiferling devait présenter un mémoire devant le Comité de l’industrie au nom de la Section de la propriété intellectuelle de l’ABC en décembre. Le mandat de l’ABC étant de traiter de questions importantes pour les juristes et leur pratique, il a déclaré que le comité a convenu de restreindre la portée du mémoire afin de « présenter une position unifiée qui touche réellement l’exercice du droit connexe au droit d’auteur. »

Au terme du premier des cinq points soulevés par l’ABC, il serait bon d’examiner le régime actuel d’avis et avis en vigueur au Canada, et d’envisager la mise en œuvre d’un régime d’avis et retrait. En vertu du régime actuel, un fournisseur d’accès Internet transmet à la personne dont le titulaire du droit d’auteur allègue qu’elle contrefait son droit, un avis que lui a adressé ledit détenteur d’un droit d’auteur. Si un utilisateur de droit d’auteur se trouve dans un autre pays, mais que le titulaire de ce droit est basé au Canada, « les chances d’application de la loi sont nulles à toutes fins utiles en cas de refus de retrait », a affirmé Me Seiferling. Le titulaire du droit d’auteur doit intenter des poursuites judiciaires pour que ce qui a été affiché soit retiré. Cependant, le Canada ne dispose que de ressources judiciaires limitées pour traiter ce genre de question.

Un grand nombre d’autres pays, y compris les États-Unis, utilisent le régime d’avis et retrait dans lequel l’hébergeur en ligne retire le contenu dont l’illégalité est alléguée et « la personne qui l’a affiché peut répondre soit en affirmant qu’elle pense que c’est une utilisation équitable soit qu’elle devrait pouvoir l’afficher de nouveau », a dit Me Seiferling.

En ce qui concerne la question des sûretés sur une propriété intellectuelle, il n’existe aucune exigence d’inscription auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Cependant, le mémoire de l’ABC affirme qu’ « il vaut la peine de se demander s’il y aurait lieu d’inclure dans la Loi un droit d’enregistrer une sûreté mobilière sur une propriété intellectuelle ». Me Seiferling a déclaré que la proposition se résume à l’inscrire au cas où le droit serait transféré, ce qui faciliterait les recherches.

La Section de la propriété intellectuelle de l’ABC prône en outre une simplification des procédures pour traiter les produits constituant des contrefaçons incontestées lors de leur arrivée aux frontières. Le mécanisme actuel permet d’inscrire le droit de propriété intellectuelle auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada. Cependant, si l’importateur conteste la nature contrefaisante des produits « vous devez déposer une demande d’ordonnance judiciaire dans les dix jours », a déclaré Me Seiferling. « C’est le seul recours. »

Puisque la vaste majorité des importateurs importe probablement sciemment des produits issus d’une contrefaçon, « il est manifeste qu’ils ne vont pas répondre dans les 10 jours », a-t-il ajouté. « Même si vous pouvez les retrouver, ils admettent rarement, voire jamais, que ces biens sont des faux. » En l’absence d’un mécanisme plus simple pour traiter les biens issus de la contrefaçon qui arrivent aux frontières que le recours aux tribunaux, les ressources judiciaires finissent par être utilisées. Il n’existe aucune méthode simplifiée pour traiter les produits réellement issus de la contrefaçon, « et cela coûte cher aux clients des avocats ».

Selon le mémoire de l’ABC, s’agissant des œuvres dites artistiques, la ligne de démarcation entre le droit d’auteur et le dessin industriel est floue. La Section de la propriété intellectuelle prône un examen des zones législatives de cohabitation entre les deux, la réalisation de comparaisons avec les régimes d’autres pays et recommande d’envisager une solution mieux équilibrée : « Bien que cela sorte peut-être du cadre de l’examen actuel, on pourrait envisager l’établissement d’un droit pour protéger les dessins non enregistrés au Canada ».

L’ABC recommande enfin d’adopter un droit de revente au profit des artistes visuels; droit qui existe dans plus de 90 pays. Cela s’applique aux œuvres vendues ou revendues par l’entremise d’une galerie ou d’une maison de vente aux enchères reconnue. Le droit de revente se traduirait par le versement d’une redevance de 5 % à l’artiste créateur ou au détenteur du droit d’auteur pendant toute la durée de l’existence du droit d’auteur, permettant aux artistes et à leurs héritiers de toucher des redevances, bien que limitées, même après la première vente.

Me Seiferling doute que le gouvernement modifie la Loi sur le droit d’auteur avant les prochaines élections. Cependant, toute modification « aura probablement des répercussions sur l’exercice du droit, que vous représentiez les créateurs ou les utilisateurs, ou les deux ».

Le mémoire aide à « axer l’attention de nos législateurs sur certaines des lacunes de la législation et à proposer des solutions pour l’améliorer à la lumière des commentaires des participants intéressés qui forment une communauté très éclectique. Cela devrait conduire à une plus grande clarté, et donc à plus de certitude, ce qui, en fin de compte, profite à tous », a déclaré Me Danzig.

Ann Macaulay rédige fréquemment des articles pour EnPratique