Faire face à l’inconnu : N’ayez pas peur des changements

  • 26 septembre 2018
  • Kim Covert

Arrêtez-moi si vous avez déjà entendu l’affirmation voulant que les juristes soient allergiques au changement.

D’accord, c’est de l’histoire ancienne. Certains d’entre nous s’adaptent mieux que d’autres à un milieu instable. Les juristes, en raison de leur personnalité et de leur formation, ont l’habitude d’être plus lents lorsque vient le temps d’accepter le changement.

Cette règle est-elle acquise ou existe-t-il des façons de s’adapter à la nécessité de s’adapter?

Wendy Law, procureure adjointe à la ville de Mississauga, croit qu’il faut s’adapter au changement de la même façon que, si l’on souhaite monter sur les planches du Carnegie Hall, il faut pratiquer, pratiquer et encore pratiquer.

 « Si l’utilisateur ne s’adapte pas au changement, alors le changement est un échec » a-t-elle déclaré lors d’une séance s’intitulant Émergence de l’artisan : L’esprit critique dans l’univers des machines à la Conférence de l’ACCJE de 2018 à Toronto. « Comment développer notre intuition face au changement? En vivant de nombreux changements. Les gens s’habituent à la réalité que, de toute façon, les choses ne vont pas rester au point mort. Alors, pourquoi offrir de la résistance? »

Wendy Law évite de tomber dans certaines ornières en consacrant de temps à autre un avant-midi à une activité ludique. Elle supprime de vieilles applications de son téléphone, en télécharge de nouvelles et se force à apprendre à travailler avec elles.

Cependant, elle croit également que si vous souhaitez que votre milieu de travail soit plus enclin à accepter le changement, il faut embaucher de nouveaux employés en gardant cela à l’esprit.

« Lorsque nous embauchons des juristes d’entreprise, nous ne sommes pas uniquement à la recherche de compétences juridiques. Nous recherchons plus que la capacité à exercer le droit. Nous recherchons la capacité à gérer les technologies, à incarner et à accepter le changement », déclare-t-elle.

« Je veux trouver des juristes qui peuvent réellement favoriser l’intégration du changement. J’évite les gens qui accueillent le changement avec scepticisme. »

Cela étant dit, malgré la peur de voir certains domaines de l’IA empiéter sur le gagne-pain de la profession juridique, Mme Law affirme que le rythme auquel s’opèrent les changements à l’heure actuelle ne doit pas être une source de préoccupation. Même si tout va de plus en plus vite, elle et ses collègues panellistes affirment que les machines devront faire plus que de simplement passer le test de Turing moyen pour dérober aux juristes leur emploi.

Carla Swansburg, directrice principale, Innovation de la pratique, tarification et gestion des connaissances chez Blakes, mentionne notamment que ce n’est pas tout le monde ni tous les domaines du droit qui disposent des fonds nécessaires pour acheter les technologies requises pour procéder à l’automatisation de processus.

« L’une des tensions est la question de savoir qui va payer pour ça », affirme Mme Swansburg. « Les occasions sont nombreuses, mais ces technologies sont dispendieuses à mettre en œuvre et à concevoir. Et qui donc va payer pour ça? »

Certains marchés ont un peu d’avance, d’autres disposent de meilleures ressources, fait-elle remarquer. Bien qu’il y ait une croissance marquée dans l’automatisation des documents, certains domaines susceptibles de réellement en tirer profit, le droit de la famille par exemple, ne le font pas, car ce sont les grands services et les grandes sociétés qui peuvent se le permettre.

« Si vous comptez intégrer des processus assistés par ordinateur à votre milieu de travail », ajoute-t-elle, « une bonne façon de commencer consiste à vous occuper des tâches que vous ne souhaitez pas faire, mais que vous devez régulièrement effectuer. »

Khalid Al-Kofahi, vice-président de la recherche et du développement chez Thomson Reuters, croit que certains travaux se prêtent réellement mieux à l’automatisation, alors qu’une touche humaine est plus appropriée pour d’autres tâches.

« Votre travail, ce n’est pas de chercher, mais d’analyser », a-t-il dit aux juristes. « Vous ne devriez pas consacrer la moitié de votre temps à chercher du contenu ».

« Tout ne se réduit pas à des ensembles de données », ajoute Mme Law.

« L’atout le plus précieux que possèdent les juristes chevronnées est leur intuition juridique », déclare-t-elle. L’IA est géniale pour effectuer des recherches, mais l’intuition des juristes d’expérience, tout comme leur capacité d’analyse que cette intuition leur apporte, est quelque chose qui ne peut être programmé. « L’IA prend en charge certains aspects, mais les juristes seront quand même nécessaires pour être stratégiques. »

Kim Covert est la rédactrice pour EnPratique.