Éviter les pièges déontologiques

  • 20 avril 2017
  • James Careless

Ethical Trap

Les pièges déontologiques sont un danger constant pour les juristes et les cabinets juridiques. S’ils ne sont pas judicieusement évités, ils peuvent sonner le glas de la carrière des membres dirigeants de cabinets et des pratiques qu’ils gèrent.

Il faut, pour ce faire, tout d’abord bien comprendre les menaces qu’ils représentent. Armé de cette connaissance, vous pouvez alors concevoir, mettre en Å“uvre et maintenir des politiques proactives qui minimisent le nombre de pièges déontologiques qui pourraient se refermer sur votre cabinet.

D’innombrables pièges           

Malheureusement, nombreux sont les pièges déontologiques dans lesquels les juristes non avertis peuvent tomber.

« Le piège déontologique le plus commun dans un grand cabinet juridique est le conflit d’intérêts, soit la question de savoir si le cabinet peut, ou non, agir dans une situation donnée », a affirmé Malcolm Mercer. Il est associé et avocat principal dans le groupe du contentieux du cabinet McCarthy Tétrault à Toronto, conseiller du Barreau du Haut-Canada et président sortant du Comité de déontologie et de responsabilité professionnelle de l’ABC. Outre les conflits d’intérêts, il peut également y avoir des problèmes de franchise, de confidentialité et de secret professionnel.

« Les questions au sujet de la façon de répondre aux demandes de préparation et de vérification d’états financiers ne sont pas rares », a-t-il ajouté. « Les problèmes découlent rarement de la question de savoir si nous pouvons aider un client dans un dossier particulier. Tout aussi peu fréquemment, des problèmes sont soulevés par la question de savoir si un membre du cabinet a agi de façon inappropriée, et si c’est le cas, quelles sont les mesures qui doivent être prises. »

Et ce n’est qu’un début.

« Les pièges déontologiques peuvent surgir lorsque les clients ne vous dévoilent pas tout, vous demandent d’assumer une position déraisonnable ou dont vous savez qu’elle est incorrecte, ou lorsqu’ils ne fournissent pas les moyens financiers nécessaires pour vous acquitter correctement de vos obligations », a déclaré Paul Schabas, associé dans le cabinet Blake, Cassels & Graydon LLP de Toronto et trésorier du Barreau du Haut-Canada. « Il s’agit des sonnettes d’alarme déontologiques qui devraient se déclencher tout de suite, si vous n’avez pas une relation de pleine confiance avec le client. »

Être proactif

Il existe de nombreuses façons de minimiser de façon proactive les risques courus par votre cabinet de tomber dans les pièges déontologiques.

La protection commence par l’établissement et la mise en Å“uvre d’une politique exhaustive pour déterminer, éviter et désarmer les pièges déontologiques potentiels avant qu’ils ne se referment sur vous. « Les politiques et procédures sont importantes car elles peuvent incorporer la prise de décision nécessaire dans le processus », a déclaré Me Mercer. « Ainsi, un bon processus d’ouverture de dossier peut révéler les problèmes qui doivent être examinés. »

Cependant, selon Kevin Westell, associé dans le cabinet Sutherland Jette à Vancouver, la mise en Å“uvre d’une politique en matière de déontologie ne suffit pas. « Il est essentiel que les dirigeants des cabinets juridiques soient des modèles de comportement déontologique, qu’ils donnent un exemple à suivre aux plus jeunes juristes et avocats salariés », a-t-il dit.

C’est l’un des rôles fondamentaux des associés directeurs et principaux, ajoute Me Mercer. « Dans un cabinet où les dirigeants louent la déontologie juridique, les membres suivent. »

Comment veiller à ce que les juristes de votre cabinet respectent vos politiques en matière de déontologie?

« Je suggère de désigner une personne au sein du cabinet comme la “personne-ressource” pour les questions déontologiques et de se familiariser avec les règles de comportement déontologique », a déclaré W.A. Derry Millar, avocat dans le cabinet WeirFoulds LLP de Toronto et ancien trésorier du Barreau du Haut-Canada. « Cette personne est quelqu’un de bon conseil au sein du cabinet à qui les juristes peuvent parler de toute question déontologique et qui leur fournira une assistance pour les régler rapidement. »

Cela dit, il pourrait être difficile pour les dirigeants de cabinets juridiques d’élaborer leurs propres politiques en matière de déontologie et mécanismes de soutien, tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment le faire. « De même, les juristes qui exercent dans des cabinets de toutes tailles pourraient ne pas reconnaître aisément la myriade de pièges déontologiques dont est émaillé leur quotidien », a affirmé Pierre Champagne, associé dans le bureau d’Ottawa du cabinet Gowling WLG. « Après tout, nous ne passons pas beaucoup de temps sur ce sujet à la faculté de droit. »

Pour combler cet écart déontologique, Me Champagne et Elizabeth Aspinall, conseillère en pratique auprès du Barreau de l’Alberta, ont élaboré un webinaire en ligne, intitulé Dix grands écueils en matière de déontologie à éviter dans le domaine du litige, qui aura lieu le 18 mai. « Ce webinaire aidera les dirigeants des cabinets juridiques et les juristes à élaborer des stratégies pour éviter de tomber dans les pièges déontologiques tels que les conflits d’intérêts, et gérer des situations comme la cessation de représentation ou le retrait en tant qu’avocat au dossier et les obligations connexes au transfert de dossiers de clients entre juristes », a déclaré Me Champagne.

Le webinaire abordera en outre des questions de déontologie telles que le manque de courtoisie qui, selon le nombre croissant de plaintes, semble être de plus en plus fréquent dans les relations entre avocats, a ajouté Mme Aspinall. « Quand je travaillais comme avocate dans un cabinet, on nous disait toujours de considérer l’avocat de la partie adverse comme un ami, car c’est le seul véritable ami que vous avez dans le prétoire. Les choses ont changé depuis ce temps-là, et pas en bien. »

Ne pas tomber dans le piège

Lorsque des pièges déontologiques apparaissent, il est vital que les dirigeants de cabinets prennent des mesures immédiatement.

« D’après mon expérience, les grands cabinets éliminent tous les pièges déontologiques qui se présentent », a déclaré Me Schabas. « Les problèmes tendent plutôt à apparaître dans le contexte de juristes exerçants seuls qui ont du mal à trouver des clients et à boucler leurs fins de mois. Certains peuvent être tentés de faire fi de certaines considérations, alors que d’autres, qui souhaitent respecter la déontologie, peuvent ne pas savoir à qui s’adresser pour obtenir de l’aide. »

C’est à son propre barreau, par l’entremise des conseillers élus, qu’un juriste peut s’adresser pour obtenir des conseils en matière de déontologie. « On est toujours bien avisé de consulter un conseiller qui sait comment éviter les pièges déontologiques », a déclaré Me Westell. « Après tout, le conseiller est là entre autres pour prodiguer des conseils aux juristes qui ont besoin de ce genre d’assistance. »

Les associations professionnelles juridiques telles que les barreaux offrent aussi le soutien de conseillers et conseillères en matière de pratique tels que Mme Aspinall. « La presque totalité de nos conseils porte sur des questions de déontologie et de pratique, et nous sommes très occupés », a-t-elle dit. « Nous recevons entre 15 et 20 appels par jour. »

La morale de l’histoire

Pour leur propre bien et pour celui de leur cabinet, les dirigeants de cabinets juridiques doivent faire face aux pièges déontologiques en établissant des politiques et en exerçant une vigilance active de tous les instants. Ceux qui le font réduiront considérablement les ennuis et les difficultés professionnelles tant pour leur cabinet que pour eux-mêmes.

« Si je me souviens bien, C.S. Lewis a dit que “l’intégrité, c’est faire les choses comme il le faut, même lorsque personne ne regarde” », a déclaré Me Schabas. « Les juristes doivent s’assurer de suivre ce conseil à la lettre. »

James Careless rédige fréquemment des articles pour EnPratique de l’ABC


Outil d’autoévaluation

Souhaitez-vous savoir si votre cabinet respecte la déontologie? Essayez d’utiliser l’Outil d’autoévaluation des pratiques déontologiques conçu par le Comité de déontologie et de responsabilité professionnelle de l’ABC pour « inciter votre cabinet à examiner les pratiques juridiques et à en discuter ».