Jouer sur les mots

  • 06 aoĂ»t 2014
  • Nicolas Ritoux

Hors du monde corporatif, les avocats servent souvent une clientèle nĂ©ophyte. Or quand un nĂ©ophyte cherche un avocat, il ne passe pas par quatre chemins : il tape dans Google le mot « avocat » suivi du nom de sa ville.

Essayez près de chez vous. Ces deux mots-clĂ©s attirent Ă  eux seuls une avalanche de liens publicitaires d’avocats locaux. Ceux-ci jouent sur les mots, en quelque sorte, pour attirer les clics de leurs prochains clients.

« En droit criminel, on a fort intĂ©rĂŞt Ă  se faire repĂ©rer dans les moteurs de recherche, car on rĂ©pond Ă  des besoins ponctuels, pour des gens qui ne connaissent rien au droit et ont besoin d’un avocat rapidement », tĂ©moigne Richard DubĂ©, trouvĂ© grâce aux mots-clĂ©s « avocat, MontrĂ©al » dans Google.

« Je vois un rĂ©el retour sur investissement. C’est d’ailleurs ma seule et unique forme de marketing » tĂ©moigne cet avocat du Vieux-MontrĂ©al qui pratique le SEM depuis quatre ans.

Le SEM, c’est le Search Engine Marketing, soit le « marketing dans les moteurs de recherche » ou la « publicitĂ© par mots-clĂ©s ». Principale source de dĂ©penses publicitaires dans l’internet, le SEM est en forte croissance dans tous les mĂ©tiers qui recourent traditionnellement aux annuaires pour se faire connaĂ®tre. Comme les coiffeurs, les restaurateurs, les dentistes... et les avocats.

Idéal pour le grand public

« La pub par mots-clĂ©s n’est peut-ĂŞtre pas utile si vous vivez de gros clients commerciaux, mais elle est idĂ©ale pour viser le grand public et les petites entreprises », observe Brian Goldfinger, avocat de Toronto spĂ©cialisĂ© en prĂ©judices personnels, trouvĂ© lui aussi par Google.

« Je dois renouveler constamment ma clientèle, car mon mĂ©tier est d’obtenir des ententes le plus rapidement possible, et peu de clients reviennent me voir Ă  moins de subir un nouvel accident. Aujourd’hui, les gens se cherchent des avocats dans les moteurs de recherche. Je prends le temps de me former continuellement au SEM pour demeurer compĂ©titif. »

Ă€ dĂ©faut de se concurrencer sur les prix, les avocats doivent se battre pour la visibilitĂ©. Or combien sont-ils dans votre ville? SĂ»rement trop pour tenir dans une page de rĂ©sultats de Google. C’est pourquoi les sĂ©quences de motsclĂ©s les plus demandĂ©es, comme « avocat QuĂ©bec », peuvent coĂ»ter jusqu’Ă  1,50 $ par clic. On attire plus de trafic, mais il est moins rentable.

Des prospects « qualifiĂ©s »

« Le SEM a beaucoup de potentiel si on s’en sert bien », rappelle Jeff Quipp, prĂ©sident de la firme ontarienne Search Engine People, qui compte plusieurs cabinets d’avocats dans ses clients. « La diffĂ©rence avec la publicitĂ© traditionnelle, c’est que vous rejoignez des gens qui sont activement Ă  la recherche d’informations en lien avec vous. C’est ce qu’on appelle des prospects prĂ©qualifiĂ©s ».

« Pour faire campagne de façon rentable, il faut toujours se rappeler que les internautes cherchent une solution Ă  un problème », conseille Jeff Quipp.

« Par exemple, s’ils font face Ă  un divorce ou Ă  une violation de contrat, ils vont rechercher ces mots-lĂ . Vous avez donc avantage Ă  segmenter votre campagne par types de pratiques plutĂ´t que d’acheter des mots-clĂ©s trop gĂ©nĂ©raux. Le trafic sera peut-ĂŞtre moins important, mais il sera plus pertinent; vos prospects seront plus qualifiĂ©s, augmentant vos chances de vente pour chaque clic. »

Comment ça marche?

Qu’il s’agisse de Google, Yahoo! ou Bing, les moteurs de recherche offrent tous le mĂŞme modèle de publicitĂ© appelĂ© « paiement-par-clic » (PPC). Voici comment procĂ©der :

  • Vous indiquez au moteur de recherche votre budget quotidien de campagne, et la rĂ©gion/ville/code postal que vous visez.
  • Vous soumettez vos publicitĂ©s comprenant un titre, deux très courtes lignes de de-scription et une adresse web.
  • Vous choisissez des mots-clĂ©s et sĂ©quences de mots-clĂ©s (ex. : « avocat MontrĂ©al ») qui feront apparaĂ®tre vos publicitĂ©s.
  • Vous payez uniquement pour les clics effectuĂ©s sur vos publicitĂ©s.

Simple, n’est-ce pas? C’est ce que pensent beaucoup d’annonceurs autodidactes. Le problème, c’est que vous n’ĂŞtes pas le seul Ă  avoir compris. Dans le marchĂ© concurrentiel des avocats, mieux vaut passer au niveau supĂ©rieur — user de ruse.

Jeu de patience

« Ce n’est pas tout d’acheter des motsclĂ©s; vous pouvez aussi attirer des clics en concevant votre site Web en fonction des recherches des internautes », explique Christopher Costa, prĂ©sident de Legal Search Marketing, firme de Chicago spĂ©cialisĂ©e en marketing Web pour les avocats.

StratĂ©gie insĂ©parable du SEM, le SEO (Search Engine Optimization ou « optimisation pour les moteurs de recherche ») permet d’amĂ©liorer votre classement organique, c’est-Ă -dire dans les pages rĂ©gulières de rĂ©sultats plutĂ´t que dans les positions payĂ©es.

« Pour les avocats, une bonne stratĂ©gie SEO consiste Ă  diffuser en ligne des contenus de qualitĂ©, de prĂ©fĂ©rence spĂ©cifiques, pour que d’autres sites fassent des liens vers votre site, ce qui augmente sa pertinence aux yeux de Google », explique M. Costa.

« C’est Ă©galement important de mettre Ă  jour votre profil dans les diffĂ©rents bottins professionnels, en vous assurant d’ajouter des liens vers votre site. Si vous avez le temps, vous devriez aussi tenir un blogue et aller commenter ceux des autres. Et puis il y a la vidĂ©o, qui prend de l’importance. Tous les types de contenus contribuent Ă  un classement de qualitĂ©. »

Contrairement au SEM, le SEO demande du temps et de la patience; des ressources rares chez les avocats. Quitte à recruter, les efforts finissent néanmoins par payer.

« Ce n’est pas pour rien que certains cabinets dĂ©pensent des milliers de dollars par mois dans leur stratĂ©gie de moteurs de recherche », dit M. Costa. « Aujourd’hui, c’est lĂ  que ça se passe. »

Cette article est d'abord parue dans le numĂ©ro janvier/fevrier du Magazine National de l'ABC.