Étude américaine de la National Association of Women in the Law 2011

  • 13 janvier 2011
  • Rebecca Bromwich

Depuis 2006, la National Association of Women in the Law (NAWL) des États-Unis mène chaque annĂ©e une Ă©tude sur le maintien et l’avancement des femmes en pratique privĂ©e. Les rĂ©sultats de la dernière Ă©tude ont Ă©tĂ© divulguĂ©s en octobre. Le lien qui suit mène au texte intĂ©gral : NAWL Report : National Survey on Retention and Promotion of Women in Law Firms

L’Ă©tude annuelle de la NAWL est la seule Ă©tude amĂ©ricaine Ă  faire Ă©tat chaque annĂ©e des progrès professionnels des femmes dans les 200 plus grands cabinets d’avocats du pays. Elle Ă©tablit une comparaison de la carrière et de la rĂ©munĂ©ration des hommes et des femmes en pratique privĂ©e, et analyse les facteurs influençant le progrès des carrières.

En bref, les nouvelles de l’annĂ©e 2011 ne sont pas bonnes. Ce qu’il y a de plus notable dans ces nouvelles est que 2011 marque le premier recul dans la progression des femmes vers l’Ă©galitĂ© avec les hommes dans la profession.

Pour citer le rapport, les rĂ©sultats de l’Ă©tude prĂ©sentent :

[…] une image sobre des perspectives des femmes dans les grands cabinets. Non seulement les femmes comptent pour une part de plus en plus faible du nombre d’avocats dans les grands cabinets, mais elles ont beaucoup plus de chances d’occuper des postes avec des possibilitĂ©s rĂ©duites d’avancement ou de participation Ă  la direction du cabinet (comme les postes d’avocate salariĂ©e, d’avocate-conseil et d’associĂ©e Ă  revenu fixe). [c’est nous qui soulignons]

En somme, les niveaux toujours aussi bas de participation des femmes aux rĂ´les d’associĂ©e principale et d’associĂ©e directrice se combinent, Ă  tout le moins aux États-Unis, Ă  la complexitĂ© croissante des hiĂ©rarchies dans les cabinets d’avocats et Ă  une diminution du nombre des femmes entrant en pratique privĂ©e pour produire un maintien de l’inĂ©galitĂ© entre hommes et femmes dans la profession juridique. Voici quelques-uns des rĂ©sultats concrets obtenus par l’Ă©tude amĂ©ricaine :

  1. le taux d’admission des femmes dans les facultĂ©s de droit et dans les grands cabinets d’avocats a apparemment plafonnĂ© et commence maintenant Ă  dĂ©cliner;
  2. pour la première fois depuis 2006, la proportion de femmes dans les grands cabinets est en diminution;
  3. les femmes ne reprĂ©sentent que 15 % des associĂ©s participant au capital, et ce nombre n’a pas changĂ© en vingt ans;
  4. les femmes ont beaucoup plus de chances que les hommes d’occuper des postes qui ne mènent pas Ă  l’association;
  5. la part des femmes auxquelles on ne reconnaĂ®t pas le recrutement de nouveaux clients (soit qu’elles ne recrutent effectivement pas, soit qu’on ne leur reconnaĂ®t pas leurs recrutements) est disproportionnĂ©e;
  6. les femmes gagnent moins que leurs homologues masculins à tous les niveaux de la hiérarchie des cabinets, le plus grand écart de revenus se situant au niveau des associés participant au capital;
  7. les femmes sont toujours « nettement sous-reprĂ©sentĂ©es » dans les directions de cabinets; et
  8. les femmes constituent un stupĂ©fiant 80 % des « associĂ©es Ă  revenu fixe », des postes d’associĂ© oĂą l’on participe au capital sans participer aux profits globaux du cabinet.

La seule bonne chose dans ces mauvaises nouvelles apportĂ©es par la NAWL est peut-ĂŞtre le fait que l’Ă©tude documente la rĂ©alitĂ© du problème de l’inĂ©galitĂ© entre les sexes. On entend souvent dans les cabinets d’avocats et dans le discours populaire en gĂ©nĂ©ral que l’Ă©galitĂ© des femmes et des hommes a Ă©tĂ© atteinte dans la profession juridique et dans les autres milieux professionnels au Canada. De telles affirmations erronĂ©es peuvent miner nos efforts actuels et futurs, et surtout mettre en pĂ©ril les ressources allouĂ©es Ă  ces efforts. L’Ă©tude de la NAWL met en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© de fournir des efforts soutenus pour assurer aux femmes la possibilitĂ© de prendre une place Ă©gale Ă  celle de leurs collègues masculins dans la profession juridique. Bien que cette Ă©tude ne concerne que les États-Unis et que le contexte canadien soit distinct sur plusieurs des aspects, il est peu probable, surtout dans le contexte de la mondialisation croissante du travail juridique en AmĂ©rique du Nord, que le portrait soit totalement diffĂ©rent au Canada. Le recul vers l’inĂ©galitĂ© qui vient d’ĂŞtre documentĂ© met en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© de redoubler d’effort pour maintenir les femmes en pratique privĂ©e.

L’Ă©tude de la NAWL met Ă©galement en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© grandissante de concentrer nos efforts sur les femmes qui songent Ă  leurs choix de carrière et n’ont pas encore pris leur place dans la profession juridique. En effet, de plus en plus de jeunes avocates choisissent de ne pas entrer en pratique privĂ©e; et de plus en plus de femmes choisissent mĂŞme de ne pas entrer du tout en droit. Étant donnĂ© qu’il s’agit d’un problème nouveau, il faudra peut-ĂŞtre consacrer une rĂ©flexion Ă  la question de savoir s’il ne faudrait pas mettre en Ĺ“uvre de nouveaux moyens imaginatifs d’encourager les femmes Ă  entrer, ainsi qu’Ă  demeurer, dans la profession.

Rebecca Bromwich est avocate-conseil, Réforme du droit et Égalité au bureau national de l'ABC, à Ottawa.