La discrimination religieuse du fait du gouvernement condamnée lors de l’AGA

  • 20 février 2020

Neuf résolutions étaient proposées pour discussion à l’AGA 2020 de l’ABC. Sept ont été adoptées en tant que politiques de l’association, et deux autres ont été redéposé pour la prochaine AGA.

Après avoir entendu des récits profondément personnels sur l’impact de la loi 21 au Québec, les membres de l’ABC ont adopté une résolution visant à condamner toute loi qui s’appuie sur la religion pour refuser aux personnes l’égalité des chances face à l’accès à la profession juridique ou en son sein.

La résolution, proposée par la Section du droit constitutionnel et des droits de la personne, exhortait également l’ABC à affirmer son engagement envers l’égalité et la diversité religieuses, et envers la lutte contre toute discrimination fondée sur la religion au sein de la profession juridique et à l’égard des avocats et des avocates au motif de leurs croyances religieuses. Elle presse l’ensemble des gouvernements et des organismes de réglementation à respecter et à défendre le traitement égal de tous les membres de la profession juridique.

Les membres de l’ABC ont entendu l’émouvant témoignage personnel de Nour Farhat, qui appuyait la motion. Depuis Montréal où elle se trouvait, Me Farhat a dit qu’elle est devenue avocate en 2017 et a obtenu une maîtrise en droit pénal en 2019 avec l’espoir de devenir procureure de la Couronne.

« Toutefois, je suis musulmane et je porte un foulard », a poursuivi Me Farhat. En vertu de la Loi sur la laïcité de l’État promulguée par le gouvernement du Québec en 2019, elle ne peut à la fois porter de symboles religieux et travailler en qualité de procureure de la Couronne ou d’avocate dans quelque ministère québécois que ce soit.

« Les conséquences des incidences du projet de loi 21 sur ma vie et ma carrière sont immenses, et pour tout dire, dévastatrices. Cette discrimination et cette atteinte aux droits de la personne ne devraient pas être permises », a affirmé Me Farhat.

Elle exerce actuellement dans le secteur privé et est reconnaissante à son cabinet de l’employer. « Toutefois, ce choix d’exercice dans le secteur privé n’est pas un choix personnel. Il m’a été imposé par mon gouvernement. »

Sameha Omer, directrice des affaires juridiques au Conseil national des musulmans canadiens, a également parlé des profondes répercussions personnelles d’une mesure législative telle que le projet de loi 21. « Mon foulard n’est ni un symbole religieux ni une décision vestimentaire prise au quotidien. Il représente ma foi. Il fait partie de mon identité, et représente fondamentalement qui je suis et ce à quoi je crois. »

Plaidant en faveur de la résolution, Me Omer a décrit le projet de loi 21 comme « l’une des atteintes aux libertés civiles les plus importantes de l’histoire canadienne. »

« Au nom de sa perception de la laïcité, le gouvernement tente de faire du sécularisme une religion d’État dont l’objet et les effets sont de priver certains Québécois et Québécoises, y compris un grand nombre de juristes, du droit d’être eux-mêmes et d’exercer leur profession. »

Représentant tous les deux l’ABC- Québec, Steeves Bujold, membre du conseil d’administration de la division, et Pascale Pageau, la présidente, ont également milité en faveur de la résolution et ont cité l’opposition de la Division du Québec face à la loi 21 depuis avril 2019.

Une résolution connexe exhortant l’ABC à mettre à jour l’ensemble de ses règlements administratifs et politiques pour y inclure expressément la religion dans l’énumération des motifs liés à l’égalité, la diversité ou l’inclusion a été reportée.

Parmi les autres résolutions proposées, deux ont suscité un débat animé.

Une résolution exhortant les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à établir des lignes directrices pour le recours à l’article 33 de la Charte des droits et libertés (la clause dérogatoire) a été adoptée. Plusieurs membres se sont opposés à la résolution, présentée par la Section du droit constitutionnel et des droits de la personne, faisant valoir que l’ABC ne devrait pas s’immiscer dans un débat au sujet d’une clause qui fait partie de la Constitution et pourrait être considéré comme un enjeu politique. Fred Headon, ancien président de l’ABC, a cependant affirmé que l’ABC ne devrait pas hésiter à participer au débat portant sur la proposition de paramètres adéquats pour le recours aux outils constitutionnels.

Le débat a également porté sur une résolution visant à adopter une définition de la justice climatique. Elle proposait, entre autres, que l’ABC examine la justice climatique et les impacts des changements climatiques dans plusieurs de ses mémoires traitant d’une possible réforme du droit

Après le vote, on avait cru que la résolution avait été rejetée. Toutefois, il est apparu que des problèmes techniques ont empêché certains membres de voter – un nombre suffisant pour que cela ait pu affecter le résultat. Le conseil d'administration de l'ABC a décidé d'annuler le vote et de redéposer la résolution pour la prochaine AGA.

Les membres ont également adopté des résolutions qui avaient pour objet les mesures suivantes :  

  • modifier la Loi sur le ministère de la Justice de sorte qu’elle comprenne une référence explicite à l’indépendance constitutionnelle du procureur général dans l’exercice de son pouvoir en matière de poursuites, et édicte que tout conseil émit par le procureur général à l’intention du cabinet doit être de nature apolitique; (Section du droit pénal)
  • modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur la citoyenneté afin de définir l’exercice du droit de l’immigration. La résolution exhorte en outre à l’abrogation de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté promulguée par le gouvernement fédéral en 2019; (Section du droit de l’immigration)
  • exhorter les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à promulguer des lois pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et à consulter les communautés autochtones afin d’élaborer des plans pour atteindre les objectifs de la Déclaration; (Section du droit des autochtones)
  • exhorter les gouvernements à établir des systèmes de triage et de renvoi pour le règlement extrajudiciaire des différends ou à renforcer ceux qui existent déjà, et à doter ces programmes des ressources appropriées; (Section de prévention et règlement des différends)
  • exhorter le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires à conserver le nombre approprié de juristes dans le secteur public. (Section des juristes du secteur public)

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